La magie du monde

Dans la mythologie yaqui, la tradition orale nous propose une vision du monde articulée sur la présence de quatre éléments qui s’entrelacent autour d’une conception pré-scientifique 1355 et magique du monde. Cette vision du monde affirme une « axio­logie » 1356 (dans le sens où elle fait référence à la sensibilité de la tribu) qui exprime pour les Yaqui la perception animiste des lieux et des éléments formateurs de leur identité.

Ainsi, les animaux, les montagnes, le ciel et l’homme sont les quatre éléments qui, dans la définition de leur identité, les poussent à nier l’histoire officielle mexicaine et à agir avec prudence face aux manifestations du monde naturel. Les Yaqui, dans leur lien avec la nature, celui de leur propre réalité et du yo aniya, ressentent, à chaque interaction, la nécessité de faire une récapitulation, « une rétrospection profonde pour se retrouver soi-même et face à une situation qui pourrait changer de façon surprenante créant une autre circonstance inespérée » 1357 .

Par exemple, la rétrospection situe l’individu dans la totalité de sa nature humaine, celle du yo aniya, permettant à l’individu d’affronter les dangers qui, dans sa propre réalité, pourraient survenir pour le rendre fou ou provoquer sa mort, soit par l’apparition d’un animal de la montagne (le monde magique) qui voudrait le duper, soit par une vision dans un lieu considéré comme yo joara 1358 . Ainsi, l’individu qui réussit à conserver ses qualités, son identité, sa dualité, etc., doit identifier les formes magiques et agir en conséquence (dans l’expression de son appartenance au monde magique) pour répondre aux attentes de son monde social. Comme l’a écrit Ricardo Nassif, la « société éduque, comme la nature, par acte de présence » 1359 .

La valeur de toutes les formes vivantes est un principe fondamental dans lequel les Yaqui élaborent les relations « axiologiques » qui déterminent leur volonté d’exprimer, par leur tradition orale, la présence des valeurs individuelles et des valeurs communautaires, deux pôles opposés qui se complètent pour rendre compte des individus et de leur participation à une communauté comme facteur de survivance face à la culture métisse hispanisante. Les Yaqui, dans leur cosmovision, sont représentatifs des idées partagées par une grande partie des communautés amérindiennes telles que les Seri, Pápago, Mayo, Pima et celles d’autres régions proches comme les Tarahumara, les Cora, les Huichol, les Hopi, qui, dans cette concordance, affirment entre autres la division du cycle annuel en une saison sèche hivernale et une saison des pluies et de chaleur. Cette division délimite deux périodes dont le principe masculin/féminin est associé aux autres éléments comme le Soleil, la Lune, Vénus, les Étoiles, le Cerf, les fleurs, les animaux, les végétaux, etc., formant la dualité du principe fondateur de la pensée amérindienne.

Le concept de yo aniya chez les Yaqui participe du double, car sa dualité est signifiée par les termes huya aniya et yo aniya, c’est-à-dire le binôme qui renferme les quatre éléments, les quatre soutiens, composant leur vision du monde. Ainsi, le binôme huya aniya/yo aniya représente la dualité dans la formulation de ses contraires, celle du monde matériel et immatériel, du visible et de l’invisible, du tangible et de l’intangible, c’est-à-dire des forces contraires qui se superposent pour, dans leur parallélisme, produire toute l’ambivalence de la pensée yaqui.

Par rapport à ces quatre mondes, nous avons :

Le yo aniya, le « monde des vénérables pouvoirs ou des pouvoirs ancestraux ». Il délimite l’univers magique de l’Antiquité créé avant toutes les autres choses par le Dieu céleste. Ce monde n’est pas situé dans un endroit déterminé, il existe en tout lieu et en tout être de la nature, il est un par son principe et double par son action. C’est le monde surnaturel des Surem, les ancêtres des Yaqui, qui ont refusé la Con­quête, ceux qui ont réincorporé le monde magique du yo aniya. Les Surem vivent désormais dans la terre, dans le cœur des montagnes et dans la mer.

Le tuka aniya, le « monde de la nuit et des ténèbres ». Il représente le monde des rêves et des pouvoirs surnaturels, celui où le rêveur reçoit le don magique pour devenir danseur/Cerf ou danseur/Pajkoola.

Le huya aniya, le « monde naturel », le « monde des arbres ou de la montagne », comme préfère le nommer Edward Spicer, c’est-à-dire le monde de la terre et des plantes qui, par son dédoublement en yo aniya, divise les deux mondes pour former l’univers des polarités du visible et de l’invisible.

Le sewa aniya, le « monde magique des fleurs », qui gouverne la nature comprise dans les fleuves, les nuages, l’océan, la pluie, le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, l’air, etc.

Le sewa aniya, pour approfondir les modalités d’action de l’un des quatre mondes, se manifeste, par exemple, lors des funérailles célébrées pour la mort d’un enfant dont le corps est entouré de fleurs. La cérémonie est complétée par la danse d’un Pajkoola qui, par ses pas rapides et son symbolisme floral, nous renvoie au Xochiatlalpan « sur la terre des fleurs » du mythe nahuatl et arbre nourricier des enfants morts.

La fleur véhicule, pour les Yaqui, la grâce céleste qui, dans la superposition, « l’adapta­bilité » des croyances religieuses, est également associée à la grâce de Dieu dans le sang versé par le Christ qui a fait naître des fleurs. Nous retrouvons également le monde des fleurs sous le terme de Seya Wailo (Sewa Wailo, Sehua Wailo, etc.), « expression intraduisible pour les yaquis du vingtième siècle » 1360 , qui est considéré comme la demeure enchantée d’une divinité florale qui, par la correspondance du sens, évoque le Xochipilli, « Fleur précieuse ou Fleur noble » 1361 . Le Seya wailo est un thème récurrent dans les chants archaïques yaqui. L’usage constant des références florales accompagne aussi bien la danse du Cerf (portant sur ses cornes des rubans rouges symbolisant les fleurs magiques du sewa aniya) que les danses des Pajkoola qui, dans la même symbolique des fleurs/rubans sur les cornes du Venado, attachent leurs cheveux sur le haut de leur tête avec un ruban rouge à pompons représentant le pouvoir des sewam et des êtres enchantés du huya aniya/yo aniya.

Mais, comme pour les Nahua, la dualité du monde yaqui ne serait pas complète sans la présence de l’axe de convergence, le cinquième monde, celui que Heather Valencia appelle le tenku aniya, le « monde du rêve ». Ce monde symbolise l’Absolu Solaire et la Chokim Kari, la « Maison des Étoiles », c’est-à-dire le lieu vers lequel se dirigent les corps qui, par le rêve, perçoivent la vérité de l’Univers.

Les dédoublements du binôme huya aniya/yo aniya (autour du tenku aniya) sont alors regroupés en deux groupes, le yo aniya/tuka aniya et le huya aniya/sewa aniya, qui définissent la réalité yaqui. A l’arrivée des jésuites, le rapport « d’adaptabilité » des Yaqui, confronté à la dichotomie du bien et du mal, va ajouter, superposer, et non pas intégrer, comme les jésuites l’auraient souhaité, le monde des jésuites à celui de leur perception duale. Cette perception crée le monde du huya aniya/yo aniya, dans l’expression de ses dédoublements, que les jésuites n’ont pas pu substituer pour prescrire la distinction entre les règnes matériel et spirituel ; le huya aniya 1362 est devenu le monde autre, ce monde hors de la répartition en huit villages définissant le pweplum ou pweplo imposé par les jésuites au peuple yaqui.

Le concept du huya aniya/yo aniya serait incomplet sans la référence au porteur central du mythe yaqui, le Kuta nokame, « l’Arbre parlant ou Arbre prophétique » qui, situé au centre de « ce territoire connu aujourd’hui sous le nom de Mexico et qui s’appelait Suré » 1363 , provoque la scission entre l’espace ancestral du peuple Suré et le temps historique des Yaqui. Cet Arbre, couleur de cendres, est la parole de la sagesse. Il apprend au peuple le nom de tous les astres du yo oani, du « du ciel, de l’univers », qui, par les racines de la terre, rejoint le royaume des cieux dans ce tronc immense qui reçoit le souffle divin produit par un bourdonnement dense que seul Yomumuli « Abeille enchantée » peut comprendre.

Dans ce cas précis, comme pour la mythologie nahuatl, les mythes cités reçoivent de nombreuses versions. Dans le cas de l’Arbre parlant, les Surem, ne comprenant pas son langage, faisaient toujours appel à un être féminin. Celui-ci recevait différents noms et, dans certains mythes, apparaissait sous les traits de jumelles. Par exemple, dans une version, nous avons Sewa jamut « femme Fleur » et dans une autre, nous la retrouvons sous le nom de Yueta, terme associé à un son spécial produit par le vent et précisant la fonction de l’interprète qui traduit le message divin de l’Arbre. Enfin, l’Arbre, par son langage prophétique, est celui qui provoque la division du peuple Suré entre ceux qui restent pour affronter les Espagnols, alors désignés sous le nom historique de Yaqui, et ceux qui rejoignent le monde naturel/surnaturel pour devenir les Surem.

Yomumuli, dans l’un des mythes compilé par Ruth Giddings, « Yomumuli et les petits hommes Surem » 1364 , est considéré comme le principe féminin créateur de tous les Amérindiens des nations Hueleve, Mayo, Ópata, Pápago, Pima, Seri, Apache et Yaqui, en ce bat-naátaka, « temps mythique », qui voyait les Yaqui régner sur les autres nations. Tous les peuples formaient, en fait, une véritable confédération, car les Yaqui considéraient que tous les Indiens étaient frères. Yomumuli apparaît alors comme la Mère de tous les Amérindiens. Mais, dans un autre mythe, « l’origine des fêtes » 1365 , Yomumuli apparaît dans sa masculinité, c’est-à-dire sous les traits d’un vieux chasseur qui, par le pluriel de son nom, Yomumulim (en langue yaqui l’apposition du suffixe m donne le pluriel de nombreux termes), fait intervenir ses fils jumeaux. Yomumuli les envoie écouter le son enchanteur du tambour et de la flûte que bwiya toli (être souterrain), le maître des fêtes, tient entre ses mains ; les instruments sont à l’origine du Pajkoola et des Pahkim 1366 . Ainsi, bwiya toli 1367 , dont la maîtrise musicale provoque l’admiration des Yomumulim, est l’ani­mal musicien qui, par la nomination des instruments, donne leur nom au tambour et à la flûte. L’intervention de la madre Eva, être surnaturel pour lequel nous avons très peu d’informations, vient donner l’ordre au père des Yomumulim de devenir le Yaut 1368 sous la responsabilité duquel ont désormais lieu les fêtes religieuses. Il doit enfin aller trouver le diable (nom que les Yaqui attribuent aussi à Yuku dans la superposition des concepts catholiques et mythiques) afin que celui-ci vienne danser Pajkoola.

Il faut donc remarquer que Yomumuli, dans sa dualité, participe autant du principe féminin que masculin, c’est-à-dire que dans cette fonction l’un comme l’autre, représentés sous des traits très vieux, sont mère et père dans tous les mythes où ils sont nommés.

Cela nous renvoie à la figure du dieu nahuatl Huehuetéotl « dieu ancien ou vieux » qui est encore l’un des noms que les « Sages » nahua attribuaient à Ometéotl « mère et père des dieux et des hommes » 1369 .

Yomumuli, dans cet échange avec Kuta nokame, se place définitivement au centre pour exprimer sa dualité dans le dédoublement du huya aniya/yo aniya qui, comme le danseur Cerf entouré des quatre Pajkoola, il/elle (Yomumuli) renvoie à la circulation des essences invisibles du monde des ancêtres avec la réalité des Yaqui.

Pour rester dans la thématique du quatre et de la magie du monde, un autre mythe yaqui, Yoobwa « le grand oiseau », souligne l’importance du un avec le quatre. Un jeune garçon, après avoir perdu ses parents et sa grand-mère, dévorés par Yoobwa, tue l’oiseau en lui décochant une flèche dans l’œil, puis trois autres ; s’assurant que l’oiseau est bien mort, il lui arrache les plumes pour en faire quatre sortes de hiboux, puis, avec des bouts de chair, quatre sortes de lions, quatre sortes de coyotes, etc. Enfin, il se confectionne un manteau de plumes, et en place quatre, deux de chaque côté, sur son chapeau. Yoobwa, l’oiseau céleste, avait, d’après le mythe, un pouvoir plus que surnaturel sur le peuple des Surem.

Le mythe « L’origine de El Yaqui ou l’inondation et les prophètes », même s’il contient une écriture syncrétique assez forte, est une référence concrète au mythe de création/destruction des quatre premiers Soleils du mythe nahuatl. Les Navajo ou les Sia du Nouveau Mexique font eux aussi allusion au mythe de l’inondation universelle 1370  ; pour les Sia, c’est Araignée qui sauve son peuple et par la même occasion crée les constellations. Pour les Navajo, c’est le Coyote qui place les étoiles dans le ciel après le Déluge.

Dans la version yaqui de l’inondation, Yaitowi est présenté comme l’homme juste et parfait, père de tous les hommes. La traduction de son nom est « ce dont nous sommes faits ou le créateur des hommes » ; Yaitowi nous renvoie de nouveau à la pensée nahuatl avec Ipalnemohuani, « celui par qui tous vivent », qui est aussi l’un des titres les plus usités d’Ometéotl, le père des hommes. Miguel León-Portilla, dans son livre sur la pensée aztèque, précise le sens d’Ipalnemohuani dans les quatre déclinaisons que subit son nom 1371  :

Ipan iolihua, « celui à qui l’on doit la vie ».

Ipan tlacativa, « celui à qui l’on doit de naître ».

Ipan nezcatilo, « celui à qui l’on doit d’avoir été engendré ».

Ipan nehuapahualo, « celui à qui l’on doit la croissance ».

D’ailleurs, si nous nous attachons au sens littéral de Yaitowi, « ce dont nous sommes faits », il nous renvoie à l’origine de l’être humain, mais dans ce qu’il est de l’autre, c’est-à-dire fait à partir de l’autre. Lorsque Quetzalcóatl verse son sang sur les os des morts rapportés du Mictlan (que va moudre Cihuacóatl, son double féminin, pour créer les hommes dans le Tamoanchan), sa fonction est d’être source de vie par la mort de ceux qui ont précédé. De la mort, de la destruction, vont surgir les nouvelles générations de Yaitowi, de ce dont il est fait vont naître les hommes. Il est celui qui marche à côté de dieu, un double à l’origine, par son « être/faire », de la nouvelle humanité. Le cycle de la mort et de la vie provoque, comme nous l’avons déjà souligné, la relation cyclique et duale des peuples amérindiens avec la frontière invisible, celle du huya aniya/yo aniya ou du Mictlan/Tamoanchan par exemple, du passage des essences de vie dans leur aller/retour vers leur véritable origine.

Le mouvement successif de la rénovation du monde, par sa création/destruction, provoque ce rapport au temps que les Amérindiens, dans leur relation à la périodicité du jour et de la nuit, à la division duale de la saison hivernale et estivale, aux phases lunaires, etc., introduisent à chaque re-création du monde ; dans le cas présent et sous l’impulsion de Yaitowi, la nouvelle humanité élabore les limites du territoire sacré de El Yaqui.

Yaitowi fait partie du huya aniya car il délimite un espace géographique dont les formations montagneuses prennent les noms de ceux qui ont survécu au Déluge et forment les niveaux caractéristiques de ce monde. Le « aniya » du terme composé fait explicitement référence à l’un des doubles aspects du tronc principal de l’Univers et non pas simplement à une zone caractérisée de la montagne ; dans ce sens, le terme « aniya » manifeste des qualités internes d’éléments ou de forces surnaturelles.

Par exemple, pour la conformation territoriale des limites sacrées de El Yaqui, nous re­marquons l’intervention d’êtres surnaturels qui délimitent les différentes frontières sur un axe nord-sud, ainsi que sur d’autres lieux « où vécurent jadis de grands êtres qui vivent peut-être encore aujourd’hui » 1372 . Ces êtres surnaturels ont donné leurs noms à des lieux imprégnés, encore aujourd’hui, de flux magiques, comme le Sikili Kawi, « Mon­tagne colorée », toute proche du Omteme Kawi, « Montagne en colère ou le Colérique », petite élévation à côté du village de Torim. Enfin, la Sierra del Bakatebe et ses montagnes qui portent les noms des hommes du bat-naátaka qui ont survécu au Déluge et qui ont trouvé refuge avec Yaitowi sur Maatale, « Montagne du lapin ».

Yaitowi, dans sa signification, révèle et participe à ce champ des niveaux différenciés du huya aniya qui, par le yo aniya, le domaine des pouvoirs ancestraux, dispose le plan symbolique orientalisé et cartographique de l’espace sacré des Yaqui. D’ailleurs, le pou­voir du yo aniya manifeste sa présence à ceux qui, comme Sebastián González 1373 , héros historique des guerres de El Yaqui, ont le courage d’affronter, dans un lieu de pouvoir (le Sikili Kawi par exemple), un serpent monstrueux soufflant et aspirant toutes les cré­atures vivantes. La légende dit que Sebastián González s’est rendu au Sikili Kawi pour affronter les pouvoirs 1374 ancestraux, et obtenir ainsi le don de pouvoir, qui allait lui permettre de sortir victorieux de tous ses affrontements avec les yorim. Ces serpents « pos­sédaient des formes spéciales du pouvoir du yo aniya, et ils pouvaient le mettre à la portée des êtres humains » 1375 dans ces montagnes de l’espace sacré des Yaqui.

A l’arrivée des jésuites, l’espace cartographique et sacré du huya aniya, s’est superposé ou plutôt déplacé mais sans perdre sa spécificité ; les jésuites ont alors constitué le pweplo yaqui sur un plan rectangulaire au détriment du plan circulaire traditionnel. Ainsi, la nouvelle disposition et le déplacement du huya aniya ont provoqué la rupture entre le Teopo, « Dieu à l’intérieur », c’est-à-dire l’église (dans laquelle les Yaqui localisent tous les êtres surnaturels introduits par les jésuites) et le huya aniya qui est devenu « une partie spécialisée d’un tout supérieur au lieu du tout lui-même » 1376 .

Mais, le huya aniya/yo aniya, par la spécificité de ses caractéristiques, continue à définir le plan ou la carte géographique des orientations du monde dans le rapport spatialisé que les Yaqui entretiennent avec leur espace sacré. Désormais, le huya aniya est considéré comme le monde autre, celui qui se trouve à l’extérieur des villages, de la réalité des Goi Naiki Pweblotam 1377 , celui qui continue à déterminer l’espace des manifestations sacrées, de l’esprit, des rêves, des pouvoirs ancestraux, des quatre mondes, des quatre vents, etc.

Les Yaqui identifient la réalité d’un monde qui conserve, aujourd’hui encore, la répartition d’un espace sacré soumis aux effets du mouvement des forces contraires, des entités nocturnes, des rêves éveillés, ou de la musique et de la danse, dont l’homme, avant l’arrivée des jésuites, faisait partie intégrante. C’est l’univers des Surem, celui des dons de pouvoirs, que l’individu peut posséder avant même sa naissance, celui du seataka, le « corps de fleur ou la fleur du corps », don que l’on reçoit pour devenir Pajkoola, danseur Cerf, chasseur, sorcier, etc., mais aussi celui du ute’a, « pouvoir interne ou force spirituelle », qui permet à l’individu de sentir, dans le fond de son cœur (le yollotl nahuatl, qui sous sa forme abstraite signifie « sa mobilité ou la raison de son mouvement »), l’action du pouvoir du huya aniya à l’intérieur de son corps. L’individu doit alors reconnaître, sans crainte et dans son cœur, la présence des forces spirituelles de ces ancêtres les Surem et acquérir ainsi le dynamisme vital qui fait de lui un être doté de pouvoir.

La tradition orale évoque ces moments où l’élu est attiré par « l’Homme/Cerf », le Sewa yo’eme, dans les montagnes sacrées du huya aniya pour y recevoir le pouvoir, la manifestation de l’esprit ; dans ces nuits magiques, à travers le rêve, l’élu ressent alors l’ap­pel pour se rendre au lieu de la rencontre. Là-bas, dans le silence le plus complet, dans la quiétude du monde naturel, de cœur à cœur, d’esprit à esprit, il réincorpore le savoir occulte des ancêtres pour incarner les valeurs traditionnelles de sa communauté.

Notes
1355.

Entretien avec le Mtro. Carlos Silva Encinas.

1356.

Cf. 3ème partie.

1357.

Communication personnelle de Carlos Silva Encinas.

1358.

Yo joara : Lieu propice pour faire des pactes avec les forces surnaturelles, un des mondes du yo aniya.

1359.

Pedagogía General, Ricardo Nassif, Ed. Kapelusz, Buenos Aires, 1989, p. 24.

1360.

Edward H. Spicer, Los Yaquis. Historia de una cultura, UNAM, México, 1994, p. 106.

1361.

Xochipilli est considéré comme le dieu nahuatl des fleurs et des danses, le visage peint en rouge tenant dans sa main un bâton avec un cœur et un écusson plus un ornement dans le dos symbolisant le soleil.

1362.

Avant l’arrivée des jésuites, les villages yaqui étaient inclus dans le huya aniya.

1363.

Ruth W. Giddings, Yaqui myths and legends, UAP, Tucson, 1959, p. 25.

1364.

Ibid., p. 25.

1365.

Ruth Giddings, Yaqui myths and legends, op. cit., p. 145.

1366.

Pakhi signifie « fête ».

1367.

Bwiya, « terre » et toli, « rat ».

1368.

Yaut qui vient de yua’u’ra, autorité, gouvernement, loi et de yaut, chef. Cf. Lionnet Andrés, Los elementos de la lengua cahíta, UNAM, México, 1977, pp. 48-54.

1369.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., p. 285.

1370.

María Eugenia Olavarría, Análisis estructural de la mitología yaqui, INAH, 1989, p. 75.

1371.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., p. 283.

1372.

Edward Spicer, Los Yaquis. Historia de una cultura, op. cit., p. 76.

1373.

Communication personnelle de Crescencio Buitimea Valenzuela, membre de la communauté Yaqui.

1374.

Pouvoir que l’on pouvait aussi sentir à travers des rêves sans en avoir fait la demande.

1375.

Edward Spicer, Los Yaquis. Historia de una cultura, op. cit., p. 77.

1376.

Ibidem.

1377.

Cf. 2ème et 3ème partie.