L’infini de l’homme

Quetzalcóatl 1457 est un dieu polymorphe qui porte dans ses mains la source de la transition entre l’infra et le supra, entre l’eau et le feu, ce qui provoque chez le jeune apprenti les trois stades de la conscience vers le monde autre. Sa présence est déjà con­firmée dans les vestiges de la Culture Olmeca 1458 de la Venta et il apparaît, plus de mille ans avant J.-C., comme un dédoublement de Tláloc (et de son épouse Chalchiuhtlicue, « Jupe de turquoises ») qui représente la pluie et la foudre et sous l’invocation de Quetzalcóatl, le flux de l’eau. Pour son origine la plus ancienne, Quetzalcóatl serait une éma­nation de Mixcóatl, « Serpent nuage de pluie », celui que Román Piña Chan associe à la foudre-tonnerre-éclair-feu 1459 . Nous savons aussi que dans les mythes amérindiens la pluie et les serpents sont intimement liés car les serpents sont considérés comme une représentation symbolique des éclairs et de la foudre. Ils apparaissent également entre les mains des Tlaloque, les messagers de Tláloc, qui au nom de Tláloc provoquent les différents phénomènes météorologiques comme les cyclones, le tonnerre, la foudre, les tempêtes, les pluies diluviennes ou les ouragans.

Chez les Yaqui, la divinité de la pluie Yuku ya’ut, par les variations de son nom, yukke, « pleuvoir », yukke’u, « pluie » et yúk’u óm’té, « tonnerre dans le ciel », semble occuper une fonction similaire à celle attribuée à Quetzalcóatl et participe au culte de l’eau parce qu’il est un être céleste dieu de la tempête, de la foudre et du vent.

Le processus de transition (symbolisé par Quetzalcóatl) est en devenir, l’initié ressent la mobilité des « entités animiques » qui, par la forme spiralée, déjà présente sur la poitrine de la peinture rupestre, Head of Sinbad, lui indique la mobilité des flux et des reflux ; tel un serpent, l’initié s’élève vers les strates du ciel pour établir la jonction entre les trois sphères cosmiques, reflet mimétique des trois stades de la conscience altérée.

Le symbole de la spirale, déjà apparent dans les hiéroglyphes des tribus du Sonora, représente l’eau et le feu sacré, dyade que seul un être ophidien, saurien ou crocodilien 1460 , est en mesure de maîtriser. Nous sommes en présence de ce que Alfredo López Austin appelle la « circulation de l’invisible », c’est-à-dire l’un des principes créateurs de la nature qui « transforme et anime les êtres du monde » 1461 et dont les forces antinomiques, du processus de transformation, provoquent la scission du monstre ophidien originel pour créer le ciel et la terre.

Le schéma, page suivante, sert d’exemple pour expliquer les phénomènes de synthèse et de séparation ; le monstre surnaturel du dragon ophidien-jaguar, dans son évolution de A vers C, désigne un premier stade dont le serpent, dans un sens métaphorique, semble illustrer la fonction de la flèche provoquant chez le sujet concerné son passage vers les stades supérieurs de sa véritable conscience. La rencontre des trois plans est l’image de cette incorporation des forces contraires et la composition du dragon ophidien-jaguar tente de reconstituer ce qui à un moment donné a été divisé par la séparation de Cipactli, le monstre ophidien originel. Le principe est redécouvert, pour que le corps retrouve sa dualité il doit réintégrer les éléments de l’eau et du feu, mimésis d’imprégnation qui, par la synthèse de l’infra et du supra, crée « l’unité dédoublée ».

Partie 3 - fig. 38. Représentations de : a) Serpent aquatique, b) Griffe de jaguar, c) Dragon ophidien-jaguar.
Partie 3 - fig. 38. Représentations de : a) Serpent aquatique, b) Griffe de jaguar, c) Dragon ophidien-jaguar.

Source : Quetzalcóatl. Serpiente Emplumada, Román Piña Chan.

Le monstre de la terre prend son origine dans le ciel. Ainsi la terre vient du ciel sous la forme de Tlaltecuhtli 1462 , le « Seigneur de la terre », un monstre qui dans la mythologie nahuatl est saisi par Quetzalcóatl et par Tezcatlipoca, eux-mêmes transformés en d’im­menses serpents ; l’un lui prenant la main droite et le pied gauche et l’autre la main gauche et le pied droit le coupent en deux pour faire de son dos la terre et faire remonter l’autre moitié vers le ciel. La terre, la nuit et la mort sont étroitement liées. Ils délimitent l’espace par lequel le corps, comme le mouvement du Soleil, effectuent le cycle du visible et de l’invisible ; à la nuit tombée, le corps est, soit dévoré par le monstre de la terre, soit, s’il réussit à provoquer sa dualité, réintégré par le tronc torsadé du malinalli vers les substances subtiles de l’Arbre de la vie.

Dans un langage plus imagé la représentation ci-dessous reproduit la même synthèse entre les différents plans cosmiques.

Partie 3 - fig. 39. Arbre de la vie.
Partie 3 - fig. 39. Arbre de la vie.

Source : Mexique Ancien, Maria Longhena.

Laurette Séjourné avance pour dégager le sens du dessin : « A sa base le monstre de la terre dont la coiffure est ornée de signes de mort et de résurrection. Vient ensuite l’homme — les pieds foulant la matière, et la tête se levant à l’est, comme l’Étoile Matutinale — transpercé par l’axe cosmique dont le sommet est occupé par l’oiseau solaire. Nous sommes en présence d’une scène d’initiation à la vie spirituelle, qui seule établit la communication entre les trois sphères » 1463 .

Le jeune initié et apprenti doit atteindre le troisième stade et être transpercé par l’axe cosmique pour ressentir la circulation des fluides inférieurs et supérieurs, pour détenir le sens volitif de l’oiseau aigle/serpent et enfin pour être réunifié par le monstre de la terre, Cipactli, corps disloqué qui, par la complexité de ses attributions, apporte la clef de la réincorporation.

La « substance divine » 1464 provient de la déchirure, de l’écartèlement et cette séparation du monstre de la terre, maintenu par l’action des quatre arbres, hommes ou dieux, ouvre le chemin vers ce qui devient les voies de communication des essences opposées. Cipactli 1465 est l’énigme qu’il faut résoudre pour comprendre que par la dislocation du mons­tre, le mouvement des flux souterrains et cosmiques provoque la prise en compte par l’homme de sa double réalité, de ce déplacement des substances subtiles ; pour anéantir sa désagrégation il doit dépasser le cycle du temps et effacer sa morbidité.

La mort du temps se situe dans l’accomplissement du corps complet, dans la dissolution entre la fin et l’origine ou l’origine et la fin, parce que le monstre de la terre est principe et terme. Il est le premier signe du tonalli sous le nom de Cipactli et le dernier sous le nom de Xochitónal, « Fleur de jour » 1466 , qui, dans le calendrier nahuatl, renvoie à l’ané­antissement des 260 signes du tonalpohualli par l’effet létal des cinq nemontemi 1467 du xi­huitl, c’est-à-dire la « Roue du temps » imprimant le mouvement du retour à l’origine.

Partie 3 - fig. 40. La roue du temps. Calendrier sacré de 260 jours.
Partie 3 - fig. 40. La roue du temps. Calendrier sacré de 260 jours.

Source : Los antiguos reinos de México, Nigel Davies.

Le point de concordance renvoie au principe de vie, celui de la forme torsadé du malinalli dans sa relation avec l’origine de la vie et le rôle du monstre qui, par son double nom, Cipactli/Xochitónal, annihile la fonction du temps. Les vingt tonalli forment le corps complet, ils sont les forces qui proviennent des quatre coins du monde disposant le corps aux mouvements ascendants et descendants du monstre originaire qui unifie les trois sphères cosmiques en tant qu’animal céleste, terrestre et aquatique. Enfin le monstre de la terre provient de celui que Miguel León-Portilla appelle « l’essence des choses » 1468 , principe suprême qui prend pour nom Totecuiyo in Ilhuicahua in Tlalticpaque in Mictlane, « Notre Seigneur, maître des cieux, de la terre et de la contrée des morts », et regroupe les trois plans cosmiques qui définissent l’influence exercée par Ometéotl en tant que principe métaphysique à l’origine de son origine.

Ometéotl abolit le temps et l’espace, il détermine l’univers spatio-temporel que Jacques Soustelle nomme un « lieu-instant », car ce dernier provoque la rupture du linéaire pour délimiter un espace-temps toujours en mutation et soumis à l’action totalisante des référents qui le dominent. Par exemple le premier tonalli Cipactli est associé à l’Est, au Soleil, au rouge, etc., tandis que le deuxième tonalli Ehécatl est un autre espace-temps associé par contre au Nord, à Vénus, au noir, etc.

Ce qui prédomine pour la pensée nahuatl c’est l’alternance et la complémentarité des flux contraires qui, dans le mouvement incessant du temps créé, détruit et recréé, met en scène le devenir cosmique du corps et de l’essence.

Ometéotl est « l’essence des choses » qui se situe hors du temps et de l’espace, que les « Sages » nahua définissent sous le concept abstrait d’Ometéotl moyocoyatzin 1469 , « dieu de la Dualité qui se pense et s’invente lui-même », celui qui détient la vérité du treizième ciel, monde « plus ultra » de l’Omeyocan. Mais Ometéotl apparaît aussi comme une abstraction atemporelle avec le pouvoir d’engendrer et d’enfanter 1470 , « Seigneur du temps et du feu » 1471 qui au moment de la création de ses quatre fils, les Tezcatlipoca, se couche sur la surface de la terre et situe le Tlalxicco 1472 , le « Nombril de la terre ». Ometéotl, par ses différentes dénominations, symbolise le dépassement de l’éphémère, ce que le guerrier-tolteca, par la maîtrise de la Toltecáyotl et par la poésie « fleur et chant » 1473 , tente de mettre en pratique.

A ce propos, Miguel León-Portilla fait remarquer un point important : les textes nahua « aussi bien les Annales de Cuauhtitlan que les informateurs de Sahagún attribuent toujours une origine toltèque aux spéculations les plus profondes et les plus abstraites portant sur la divinité » 1474 et c’est sans doute pour cette raison que le terme tolteca sert à désigner ces hommes comme des philosophes, des poètes et des artistes.

L’énigme précédemment formulée trouve sa résolution dans ce qui « n’a jamais eu de commencement » 1475 , c’est-à-dire le treizième ciel, lieu de la Dualité qui donne à Ometéotl sa spécificité et son rôle dans l’origine de la vie. Il représente les stades transitoires des épreuves subies sur le parcours de la conscience, parcours où les forces terrestres, souterraines et célestes se disloquent pour dévorer et posséder le corps de ceux qui ont échoué sur l’une des trois strates. Le guerrier-tolteca doit franchir les trois niveaux s’il veut atteindre le lieu de la dualité qui « se pense et s’invente lui-même » et comprendre que l’omniprésence du dieu Ometéotl, dans tout ce qui l’entoure, sert à l’aiguiller sur le chemin de son origine « plus ultra ».

Le jour, le pouvoir d’Ometéotl se manifeste par la force des rayons du soleil, il prend alors les noms de :

Tonatiuh, « Celui qui fait le jour ».

Ipalnemohuani, « Celui par qui l’on vit ».

Tezcatlanextia, « Miroir qui fait apparaître les choses », la course diurne du soleil.

Yeztlaquenqui, « Celui qui est vêtu de rouge », le Huitzilopochtli des Azteca.

La nuit, Ometéotl occupe la place de ce qui est invisible et impalpable et a pour noms :

Yohualli Ehécatl, « Nuit, Vent ».

Tezcatlipoca, « Miroir qui enfume », le soleil dans sa phase nocturne.

Citlalin icue, Citlalicue ou Citlalcueye, « Celle qui a une jupe d’étoiles ».

Sur le plan horizontal, celui de la terre, il est désigné par les termes suivants :

Tlallamanac, « Qui soutient la terre ».

Tlallichcatl, « Celui qui la couvre de coton ».

Cihuacóatl ou Coatlicue, « Femme serpent ou la jupe de serpent », une des formes de la déesse Mère, épouse de Mixcóatl et mère de Quetzalcóatl.

Tlaltecuhtli, « Seigneur de la terre », pour se trouver dans le nombril de la terre.

Parce qu’il est celui qui apporte la vie, Ometéotl/Ipalnemohuani reçoit les noms suivants :

Chalchiuhtlatónac, « Celui qui donne l’éclat du jade ».

Tláloc, « Qui vient de la terre », Seigneur de la pluie.

Chalchiuhtlicue, « Jupe de turquoises », Dame de l’eau de la mer et des fleuves.

Tonacatecuhtli et Tonacacíhuatl, « Seigneur et Dame de notre nourriture », couple divin et dédoublement du dieu incréé Ometéotl.

Ometéotl dans le parcours de « l’essence des choses » représente enfin le principe suprême, celui que Quetzalcóatl personnifie à travers les attributions qui lui sont reconnues, c’est-à-dire celles de Seigneur de la connaissance et des arts, de maître de la Toltecáyotl et de la poésie « fleur et chant ». Il prend alors les noms de :

Teyocoyani, « Inventeur de gens ».

Teixcuitiani, « Qui fait prendre un visage aux autres ».

Tlayolteuviani, « Cœur divinisateur des choses ».

Quetzalcóatl, en tant que Tezcatlipoca rouge, inventeur et créateur de l’être humain, celui qui fait naître le sentiment de la dualité.

Enfin pour ne pas négliger le monde des ténèbres, Ometéotl est celui qui « habite chez les ombres », et pour cela il recouvre la double apparence de :

Mictlantecuhtli, « Seigneur de la contrée des morts ».

Mictecacíhuatl, « Dame de la contrée des morts ».

Pour faciliter la lecture des attributions d’Ometéotl que nous venons d’énumérer, voici le récapitulatif des différents aspects de la dualité que propose Miguel León-Portilla 1476  :

Ometecuhtli, Omecíhuatl, « Seigneur et Dame de la dualité ».

Tonacatecuhtli, Tonacacíhuatl, « Seigneur et Dame de notre nourriture ».

In Teteu Inan, in Teteu Ita, Huehuetéotl, « Mère et Père des dieux », « Dieu vieux ».

Xiuhtecutli, « Dieu du feu » qui est conservé dans son nombril, Tle-xic-co, « à l’endroit du Nombril du feu ».

Tezcatlanextia, Tezcatlipoca, « Miroir du jour et de la nuit ».

Citlalicue, Citlaltónac 1477 , « Jupe lumineuse d’étoiles », « Astre qui fait luire les choses ».

Chalchiuhtlatónac, Chalchiuhtlicue, « Seigneur des eaux, de l’éclat du jade », « Ju­pe de jade ou de turquoises ».

In Tonan, in Tota, « notre Mère », « notre Père ».

Ometéotl, enfin, « Qui vit dans le lieu de la Dualité » (Omeyocan).

Ce classement des fonctions divines de la Dualité, duquel nous pourrions encore mentionner le rôle sous le « diphrasisme » de Tloque Nahuaque, impose l’omniprésence et l’omniscience d’Ometéotl. Ainsi, les « Sages » nahua pour répondre à leur doute sur l’au-delà, ont poussé jusqu’à l’extrême la projection « méta-phorique » de la Dualité su­prême et par la poésie, « fleur et chant », ils ont tenté de ressentir la présence et l’influ­ence d’Ometéotl sur le Cem-anahuac.

Nous avons volontairement suivi, dans cette énumération, loin d’être exhaustive, la réflexion de Miguel León-Portilla sur l’onomastique complexe d’Ometéotl pour délimiter les différents niveaux de sa puissance d’action ; l’homme pour en réincorporer le principe doit alors reconnaître et identifier, dans le pouvoir des astres, du feu, de l’eau, de la terre et de l’air, en un mot de « l’ordre métaphysique » 1478 , la manifestation de Quetzalcóatl.

Dans cette perspective de fusionner les éléments du mimétisme d’imprégnation, la présence d’Ometéotl prend une dimension « méta-conceptuelle », c’est-à-dire que sa relation avec la vérité de l’existence, dans l’expression de la « totalité de l’être » 1479 , semble provenir du dynamisme des potentiels vivifiants et mortifiants du Tlalticpac, « Ce qui est sur terre » et du redoublement sémantique in Topan in Mictlan, « Ce qui nous dépasse, la contrée des morts ». Cette opposition entre le monde de la réalité terrestre et le monde du devenir, du monde autre, détermine ce que Miguel León-Portilla dénomme « l’ordre métaphysique ». In Topan, c’est ce qui participe de la métaphysique et renvoie au sentiment de recherche et de quête de la dualité ; par la rencontre de la mort dans le monde autre l’homme doit éprouver, à travers les épreuves accomplies dans le monde des ténèbres (du Mictlan) l’omniprésence sensitive d’Ometéotl pour accéder au rayonnement supraterrestre de l’Omeyocan.

Atteindre pour l’homme, ou plutôt son corps, « l’imprégnience » des éléments telluriques, aquatiques et célestes est le mouvement qui se manifeste sous le complexe onomastique de Xiuhtecutli 1480 . Il est le symbole de la « mort-purification-création » 1481 , c’est-à-dire le renouveau du corps conscient du double tel Quetzalcóatl qui, par son ascension du Mictlan vers l’Omeyocan, dévoile l’origine de la dualité. C’est la course de Vénus qui, dans son voyage nocturne, prend le nom de Xólotl, « Jumeaux précieux » 1482 et dans son élévation vers le diurne devient Tlahuizcalpantecuhtli, « Seigneur de l’aube ». Ici le mythe de la métamorphose cosmique mais aussi celui de la création de l’homme 1483 , par Quetzalcóatl, dévoilent la dimension poétique et « méta-phorique » de Vénus indiquant aux générations des nouveaux hommes, les enfants de Quetzalcóatl, le chemin à suivre vers la demeure de la Dualité.

Notes
1457.

Déité des plus complexe du panthéon méso-américain particulièrement liée au dieu du maïs et aux mythes agricoles.

1458.

Antonio Lorenzo, Misterios del México Prehispánico, op. cit., p. 31.

1459.

Román Piña Chan, Quetzalcóatl . Serpiente Emplumada, Ed. FCE, México, 1977, p. 7.

1460.

Cipactli est le monstre marin qui donne naissance à la terre et au ciel. Dans les mythes yaqui, Yuku est le monstre marin responsable du déluge. García Wikit Santos mentionne pour sa part le Baa Yooi, une référence un peu obscure à un autre monstre marin doté de pouvoirs magiques.

1461.

Alfredo López Austin, Le paradis des brumes, op. cit., p. 17.

1462.

Dans la mythologie nahuatl, la représentation de Tlaltecuhtli prend la forme d’un monstre qui ressemble soit à un lézard-requin, à un lézard-serpent, à un dragon, à un caïman, à une grenouille fantastique, créature féroce qui possède une multitude d’yeux et de bouches avec lesquelles elle mord comme une bête sauvage. La terre est considérée comme une déité mâle seulement sous l’apparence de Tlaltecuhtli. Sinon, pour les autres formes, comme celle de Coatlicue, « Celle qui a une jupe de serpents », Cihuacóatl, « Femme serpent », Tlazoltéotl, « Déité de l’immondice », la terre est toujours présentée sous l’aspect d’une déité femelle, dans sa double fonction créatrice et destructrice.

1463.

Laurette Séjourné, La pensée des anciens Mexicains, Ed. F.M. Fondations, 1982, p. 119.

1464.

Alfredo López Austin, Les paradis de brume, op. cit., p. 18.

1465.

Cipactli est le nom du premier jour des vingtaines du calendrier nahuatl, mais il symbolise aussi le principe et l’origine de la terre ; sous l’invocation de Cipactónal, il est la personnification du jour qui en alternance avec la nuit (symbolisée par Oxomoco), crée le temps. Cipactónal et Oxomoco sont le premier couple humain et les inventeurs du calendrier.

Alfredo López Austin dans son livre, Les paradis de brume, propose la même analyse. L’apparition du temps provient de la séparation du corps du monstre Cipactli et il considère que le « temps est issu des procréateurs féminin et masculin ». Enfin, il pense que c’est par l’union, à travers les piliers du monde, des essences du supramonde avec celles de l’inframonde qu’apparaît sur la strate intermédiaire de la terre l’écoulement du temps, sans que pour autant la circulation des essences dans le temps terrestre, viennent affecter l’atemporel du supra et de l’infra. Pour Alfredo López Austin, selon sa théorie sur la notion de péché, les essences féminines de l’inframonde et les essences masculines du supramonde n’auraient jamais dû se rencontrer, parce que c’est à partir de cette union que naît l’écoulement du temps et la mortalité des êtres.

1466.

Cecilio A. Robelo décompose Xochitónal de la manière suivante : xóchitl, « fleur » et tonalli, « jour », énergie, âme, esprit, en précisant qu’il est difficile de percevoir le sens étymologique du mot à cause de sa signification obscure. C’est le nom que les Nahua ont donné à un lézard de couleur verte qui était submergé par les eaux noires du Apanhuiayo, l’un des fleuves que devaient traverser les morts pour arriver au Mictlan.

1467.

« Cette désagrégation du temps dans son être sémiotique ne s’effectue pas uniquement dans l’usure de la quotidienneté. Le fatidique cycle de 52 ans correspond également à l’épuisement progressif des 260 signes du Tonalpohualli. Nous avons vu qu’à raison de 5 jours par an, les nemontemi détruisent les tonalli qui leur correspondent. Or, fait remarquable, les binômes du calendrier divinatoire qui coïncident avec les 5 jours de fin d’année solaire sont chaque année différents… Au bout de 52 ans, les 260 signes auront tous correspondu une fois à un nemontemi, et auront de ce fait, tous été annihilés. C’est une des raisons de l’arrêt du temps : la série du tonalpohualli tout entière contaminée par le temps mort, il n’y a plus de signe pour proférer la vie ». (Cf. Christian Duverger, La fleur létale, op. cit., p. 40).

1468.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., p. 143.

1469.

Moyocoya ou Moyocoyatzin, le « Créateur », invocation que les Nahua attribuent au Tezcatlipoca rou­ge, c’est-à-dire Quetzalcóatl.

1470.

Ometecuhtli/Omecíhuatl.

1471.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., p. 149.

1472.

Tlalxicco est aussi le 7ème édifice des 78 que comprenait le « Templo Mayor » de México.

1473.

La poésie qui permet d’atteindre la compréhension d’Ometéotl moyocoyatzin, action de celui qui se pense et s’invente lui-même, que le poète, par l’imprégnation du Ilnamiqui, du moteotia et du yoltéotl, réussit à appréhender.

1474.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., p. 132.

1475.

Ibid., p. 149.

1476.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., pp. 141-142.

1477.

A ne pas confondre avec Citlalatónac, « Astre qui ne brille pas ».

1478.

Miguel León-Portilla, La pensée aztèque, op. cit., p. 291.

1479.

Ibid., p. 63.

1480.

Xiuhtecutli a pour nahual Xiuhcóatl, le « Serpent de feu ».

1481.

Yolotl González Torres, Diccionario de mitología y religión de Mesoamérica, op. cit., p. 202.

1482.

Xólotl, qui prend aussi l’apparence d’un monstre ou d’un chien.

1483.

Dans le mythe de la création de l’homme, Quetzalcóatl et Xólotl vont chercher les os des morts au Mictlan pour les emporter au Tamoanchan et créer la nouvelle humanité. Ils réalisent ce que l’homme, avant le moment fatidique de la mort, doit accomplir pour rejoindre « l’ordre métaphysique ».