Introduction

Les troubles de l’alimentation sont des problèmes fréquents, constatés et traités par le corps médical chez un grand nombre d’adolescents et d’adultes. Ces comportements pathologiques continuent à susciter un intérêt important dans la compréhension de ce comportement dans le champ médical :

D'autres investigateurs pensent que le refus de manger ou l'anorexie constatée chez des personnes âgées aux fonctions cognitives intactes, peuvent être liées à différents facteurs : l'environnement, la maladie, la relation entre soignants et l'individu.

( EJ.Amella et RA.Dimaria, 1997)

Comme nous venons de l'exprimer, les comportements alimentaires pathologiques sont appréhendés par la médecine tout particulièrement chez l'adolescent et l'adulte. Cependant, du fait de l'accroissement de la population des plus âgés, des études plus récentes apparaissent sur l'alimentation de nos aînés.

On relève, cependant, peu d'études sur les troubles du comportement alimentaire et leurs répercussions psycho-dynamiques, chez l'âgé.

Dans notre société, la vieillesse est souvent associée à une représentation négative de l’existence. Par contre, l'alimentation semble au contraire se rapprocher de la notion de plaisir, bien que sa fonction première soit celle de nourrir l’organisme, indispensable pour sa survie. Le comportement alimentaire ne se réduit pas essentiellement, à l’ingestion de nourriture pour assouvir un besoin, mais il est le résultat d’une triple interrelation : hédonique, énergétique et social.

Il est important de garder en mémoire ces trois facteurs lorsque l’on aborde l’alimentation chez la personne âgée. En effet, lorsque l’isolement personnel (perte du conjoint, éloignement des enfants) et social (décès des amis, perte du travail) s’est accentué au fil des années, que les besoins énergétiques semblent moins prépondérants que pendant la jeunesse et l’âge adulte, le plaisir trouvé dans le choix des aliments, leurs saveurs, les odeurs des plats réalisés, leur présentation, sont des facteurs déterminants dans le plaisir de se mettre à table et de le partager avec les autres.

Il suffit alors d'un incident comme une chute, la perte du conjoint, une maladie, pour que l'équilibre parfois précaire du sujet âgé s'effondre. Les étayages internes et environnementaux n'offrent plus, alors les appuis nécessaires pour des investissements nouveaux. Le refus alimentaire devient alors le mode d'expression d'une souffrance psychique. On observe que certains sujets développent alors des troubles du comportement alimentaire, voire de refus alimentaire.

Lors de la première phase de notre recherche, (C. Ducottet, 1998) nous avions déjà été interpellés par le sens du refus et le lien avec cet acte essentiel de la vie : l'alimentation.

Lorsque l’on aborde le sens même de l’expression, le refus alimentaire, nous nous trouvons devant l’association de deux notions opposées dans leur représentation :

Le refus alimentaire prend alors le sens de ne pas laisser entrer ce qui fait vivre.

Que se passe t- il dans le psychisme de la personne pour mettre sa vie en jeu? Peut-on le comparer à une forme de suicide ?

Dans chaque étape de l’existence, (le bébé, l’enfant, l’adolescent, l’adulte, l’âgé) le refus alimentaire est le signe d’un mal-être psychologique, social et/ou somatique. Il peut être la marque d'un trouble réactionnel.

R.A Spitz (1976) a montré, par ses travaux, que les carences affectives, les troubles du langage étaient liés au séjour des enfants en bas âge dans des institutions hospitalières. Il désigna par hospitalisme, cet état d’altération profonde aussi bien physique que psychique qui s’installe progressivement chez l’enfant hospitalisé. Les signes de l’hospitalisme se manifesteraient par un retard de développement corporel, une incapacité à pouvoir s’adapter à son environnement et parfois à un refus de parole. La carence affective liée à l’absence de la mère pourrait amener l’enfant jusqu’à la mort.

A la lecture de ces observations, on serait enclin à faire le lien entre l’hospitalisme chez le jeune enfant et le placement chez la personne âgé.

Pour L.Kreisler, (L.Kreisler et coll. 1999) le nourrisson peut refuser de se nourrir lors du sevrage, de l'introduction d'une alimentation diversifiée. Le refus est alors un mode de réponse d'opposition à la mère qui garde son attitude de contrainte.

Pour A.Freud, (A.Freud, 1965) la perte d'appétit chez l'enfant peut exprimer des formations réactionnelles contre les représentants pulsionnels inscrits au niveau anal. Le dégoût alimentaire deviendrait un désir de manipuler les aliments comme des matières fécales.

Pour S.Lebovici, (S.Lebovici, 1986) les perturbations alimentaires ont chez le nourrisson des significations diverses.

L'allaitement suppose un investissement des énergies psychiques sur le plan libidinal. Manger signifie alors prendre à l'intérieur de soi dans le sens de conquérir.

Les croyances religieuses, (le carême pour les catholiques, le ramadan pour les musulmans etc..) les convictions culturelles (différences alimentaires d'un pays à l'autre) peuvent induire des comportements de refus devant tels ou tels mets car ils sont interdits ou bannis selon leurs propres critères alimentaires. D’autres les refuseront parce qu’ils sont inconnus et donc suspects.

Il existe donc plusieurs formes de refus. Des refus liés à l’âge, à la culture, à l’image que chacun véhicule en soi depuis son enfance (habitudes, rites…)

Pourtant, le sens de ces refus n’est pas identique à notre objet de recherche. Ils peuvent être annonciateurs de cette forme plus sévère qu'est le refus alimentaire chez l'âgé, mais ils ne mettent pas la vie du sujet en danger car ils restent ponctuels et sont souvent remplacés par d’autres aliments conformes.

Cependant, une question se pose pour les personnes institutionnalisées, qui sont donc tributaires des menus établis :