I.1.3. Le refus alimentaire est-il à dissocier des autres pathologies ?

Sur le plan essentiellement médical, il est certain que le praticien voit en consultation des personnes âgées qui souffrent de troubles alimentaires ayant pour causes des pathologies qui provoquent une baisse de l'appétit, voire un refus de s'alimenter.

Ces causes sont souvent intriquées à des motifs socio-économiques, comme la diminution des ressources, l'isolement, des difficultés à s'approvisionner, à cuisiner, etc…, à des causes psychologiques comme la perte du conjoint, l’éloignement des enfants….

Il arrive aussi que le médecin soit appelé au chevet du sujet lorsque celui-ci refuse de se nourrir depuis plusieurs jours, l'entourage se trouvant démuni face à ce refus de s'alimenter et ne comprenant pas cet acte.

Pour M.Ferry, l'anorexie est le symptôme développé par l'âgé pour signifier d'autres pathologies de type somatique et/ou psychiques.

‘«Si l'anorexie apparaît pour certains auteurs comme un processus normal lié à l'âge, il paraît plus vraisemblable que cette anorexie soit secondaire à la polypathologie fréquemment rencontrée chez les sujets âgés... En pratique, devant tout sujet anorexique âgé, il faut savoir éliminer une pathologie sous-jacente, évaluer l'état psychique et surtout réapprendre au patient le plaisir et le bienfait d'une cuisine hédonique.» (M.Ferry, 1996)’

En conclusion, on peut dire qu'insuffisamment nourrie, une personne âgée présente un équilibre précaire du fait de ses diminutions de ses réserves énergétiques. Mais que la survenue d'un événement peut entraîner alors des troubles alimentaires qui accroît dangereusement la morbidité et la mortalité.

L'approche de l'anorexie, bien qu'elle soit liée à certaines pathologies, laisse apparaître son lien avec le champ social.

Cependant, l'anorexie reste pour nous liée au champ médical et nous emploierons que le terme de refus alimentaire en lien avec l'individu au «stade de la vieillesse» (J. Gaucher, 1993) et le placement en institution, ce qui nous permettra d'évoluer dans le champ psycho-dynamique, en mettant le champ médical au second plan.

Nous aborderons donc, dans cette recherche, le refus alimentaire en tant que comportement ayant du sens pour la personne et non pas comme étant une pathologie. Cependant, nous ne dissocions pas, le refus alimentaire des autres pathologies mais nous l'observons sous son aspect psycho-dynamique.

En effet, selon notre hypothèse de travail, la démarche de placement en institution, assumée bien souvent par d’autres membres de l’entourage du sujet âgé, fait rupture dans sa destinée. Le refus alimentaire serait alors son mode d’expression, pour signifier son désaccord, son refus d’être déplacé de la voie choisie, d’être interrompu dans son travail du vieillir qui essaye de rééquilibrer son monde interne fragilisé par la crise de sénescence, des pertes et des deuils partiellement ou non résolus.

Pour comprendre ce comportement de refus alimentaire, nous avons déterminé une démarche méthodologique qui a permis à l’âgé d’exprimer sa difficulté de se nourrir, mais surtout de mettre en mots, lorsqu’il le peut, sa souffrance face à une fin de vie, qu’il n’a pas choisi.