I.2.La démarche méthodologique.

Une des principales difficultés dans cette recherche est inhérente à notre objet de recherche :

Des personnes âgées hospitalisées, ayant des troubles du comportement alimentaire qui peuvent les conduire au refus alimentaire.

A ces sujets qui sont au terme de leur vie, s'associent l'hospitalisation et le refus de se nourrir. L'un est porteur d'angoisse et l'autre de mort. Nous nous sommes donc retrouvée confronter à la rapide dégradation des patients et à leur décès.

Un autre problème est apparu auquel nous n'avions pas pensé :

La façon d'appréhender le refus de nourriture différait selon la place de l'observateur dans l'environnement de la personne âgée : membre de l'équipe, membre de la famille, le sujet âgé lui-même.

Pour certains, l’alimentation était jugée comme insuffisante pour les autres, elle devenait inexistante.

Si bien qu'un patient appréhendé comme étant en refus alimentaire ne l'était pas forcément :

Il fallait donc inclure dans nos données les habitudes alimentaires.

Chacun aborde le problème alimentaire en fonction des traces laissées dans son enfance, de ses expériences vécues, de sa culture, de son environnement. (M. Ferry, 1996)

Plusieurs questions se posent alors :

Nous avons évoqué, sur le plan médical, la perte de poids importante comme étant un des facteurs qui peut suggérer le refus alimentaire. Sur le plan psychique, l’état dépressif, le repli sur soi peut aussi être source de mauvaise nutrition.

Nous avons abordé, la construction de la méthodologie des entretiens différemment après la passation de questionnaires auprès d'une population de personnes âgées institutionnalisées, à leur domicile, auprès des soignants et d'un membre de la famille considéré comme référent du sujet interrogé. (C.Ducottet, 1998)

Lors de la première phase de notre recherche, il nous avait semblé important d'essayer d'évaluer ce comportement à l'aide d'un questionnaire, qui nous semblait une technique souple compte tenu d'une population âgée, fragilisée par les poly-pathologies et les handicaps sensoriels et cognitifs.

Il a été présenté aux personnes âgées identifiées comme ayant des troubles du comportement alimentaire, à un membre de la famille et aux soignants s'occupant de la personne interrogée. Ce support permettait de relancer les personnes anxieuses, un peu confuses.

Pour les accompagnants, il leur permettait de répondre sans notre présence.

Les observations portaient sur seize personnes réparties de la façon suivante :

Population observée dans la précédente recherche
Refus alimentaire 4 5
Sans trouble alimentaire 4 3

A chacun, un questionnaire personnel leur a été proposé. Nous leur lisions les questions aussi souvent que le besoin s'en faisait ressentir. Ce dispositif a permis des entretiens semi-directifs laissant libre cours à leurs souvenirs tels que le lieu de leur enfance, leur travail, leur vie actuelle, leur famille.

La possibilité de s'exprimer leur était donnée même si ce fut difficile à cause des problèmes sensoriels, du manque d’habitude de parler, de la fatigue…

Des questionnaires qui concernaient essentiellement la prise alimentaire de leur parent ont été remis à «l'enfant référent» des personnes interrogées, avec leur accord demandé au préalable.

Un questionnaire a aussi été confié aux soignants référents de la personne âgée.

Peu de questionnaires sont revenus de la part des familles, surtout dont les parents étaient institutionnalisés. Ceux distribués aux soignants ont été remplis non pas individuellement mais par plusieurs, dans l'anonymat, ce qui noyait les informations dans des généralités et qui évitait toute discussion à propos des réponses données.

Ce dispositif nous a montré ses limites pour les personnes institutionnalisées. En effet, celles-ci étaient :

Cependant, ce dispositif a permis de faire le lien entre

De ce premier travail, il est apparu qu'il nous fallait restreindre notre objet de recherche.

Il est important de garder en mémoire que certains actes médicaux, telle qu'une opération chirurgicale, des chimiothérapies, certaines pathologies, ont une incidence directe sur la prise alimentaire.

Mais, l'observation montre aussi que pour une même pathologie, les personnes n'auront pas le même comportement alimentaire : les unes reprendront peu à peu une alimentation suffisante alors que d'autres glisseront progressivement dans le refus alimentaire. Ce qui laisse penser que celui-ci est observé comme le symptôme d’une souffrance qui a une signification psychique propre à l’individu qui le développe.

Notre objet de recherche se situe donc, dans la compréhension de ce symptôme : les troubles alimentaires et sa composante, le refus alimentaire, pour une personne âgée hospitalisée.

La compréhension des attitudes de l’âgé vis-à-vis de l’alimentation est une tâche difficile car l’approche des comportements alimentaires, est liée non seulement à la connaissance sur la nutrition en rapport avec l'âge, mais aussi sur les remaniements liés au vieillissement.

Comme l’écrit J. Pellerin, les troubles du comportement alimentaire sont à prendre en tant qu’émergence sur le champ corporel et qui a un sens pour le sujet.

‘«Il s’agit d’inciter à mieux comprendre que ces troubles (alimentaires) ont une valeur de symptômes et qu’ils sont à ce titre porteurs de sens pour le sujet. »
(J. Pellerin, 1999)’

Nous aborderons plus en détail, dans la partie clinique notre outil utilisé qui est l'entretien avec le sujet âgé.

Avant de traiter la question du vieillissement, il est important de fixer le cadre dans lequel se situe nos observations : le cadre institutionnel.