II.1.2.4.1. Définition du narcissisme.

S. Freud caractérise le narcissisme dans «Pour Introduire le Narcissisme» (S.Freud, 1915) comme un «choix objectal» et un «mode relationnel». Il le définit comme étant l’investissement libidinal du Moi, ayant pour origine les toutes premières relations avec la mère.

De cette relation se forge l’estime de soi, qui est fonction de la relation entre l'image de soi et l'Idéal du Moi, instance psychique qui s'est construite sur la base des idéaux parentaux vécus par l'enfant.

C'est donc dans la relation mère enfant, que le Moi suis investi narcissiquement. L'énergie va ensuite investir d'autres objets extérieurs et l'Idéal du Moi. Le Moi s'enrichit dans le même temps par les satisfactions données par ces mêmes objets et par l'accomplissement de l'idéal.

S.Freud écrit :

‘«On observe très souvent que plus l'homme est capable d'investir son propre Moi sur un certain mode et plus il dispose de libido pour le monde objectal.»(S.Freud, 1914)’

Pour C.Balier,

‘«Le narcissisme peut être défini comme étant l'investissement de soi, c'est-à-dire de sa propre personne, à l'origine du sentiment d'identité, de la confiance en soi, de l'estime de soi» (C.Balier, 1976)’

Le narcissisme est donc nécessaire au maintien de la vie. Il est le «gardien de la vie» comme l'exprime Natch, «un antidote» contre la mort. (J.Gaucher, 1993)

J. Laplanche et JB. Pontalis reprennent les notions des deux narcissismes élaborées par S.Freud, qu'ils définissent ainsi :

‘«Le narcissisme primaire désigne un état précoce où l'enfant investit toute la libido sur lui-même. Le narcissisme secondaire désigne un retournement sur le Moi de la libido retirée de ses investissements objectaux.» (J.Laplanche et J.B.Pontalis, 1968)’

B.Grunberger écrit à propos du narcissisme :

‘«En fait le narcissisme est toujours à orientation double…..nous aurons affaire à un narcissisme centrifuge et centripète, primaire ou secondaire, positif ou négatif (intégré ou culpabilisé), sain et pathologique, mature ou immature, fondu avec la composante pulsionnelle ou opposé à elle, son antagoniste.» (B.Grunberger, 1993)’

Cette réflexion laisse à penser que le narcissisme n'est pas figé une fois pour toute, chez l'individu. Les crises successives, les événements, façonnent, ébranlent le narcissisme et par conséquent le moi psychique et corporel. Ce moi, qui est, rappelle S.Freud, avant tout corporel (S. Freud, 1951) :

‘«Il n'est pas seulement un être de surface, il est lui-même la projection d'une surface.» (S. Freud, 1951)’

Plus que l'aspect physique, c'est la conscience du corps et sa représentation qui font partie de la conscience de soi. La conscience de soi est la conscience de son corps et de celui d'autrui.

Nous avons vu précédemment, l'importance que prend pour l'âgé les transformations physiques, la signification des troubles, des plaintes corporelles qui mettent en jeu l'identité même du sujet.

S. Freud a décrit le Moi s'individualisant à partir de la représentation du corps et de ses limites. Le narcissisme corporel prend le corps comme support, source de plaisir, de séduction, dans la recherche de son identité. (S.Freud, 1951)

Or, tous ces éléments, le corps, les relations à l'autre, les créations et l'idéal se trouvent remis en question par le vieillissement. En effet, ces modifications physiologiques, corporelles, sont une atteinte au narcissisme car ces changements sont irréversibles.

Ils rendent le corps de l'individu fragile et se manifeste par de multiples signaux, douleurs, raideurs, faiblesses. Ces rappels constants du corps entraînent un retour sur soi, une diminution des attraits pour de nouveaux investissements.

Ainsi, le choix de l'objet narcissique, est déterminé par la part identique à soi-même.

S.Freud écrit à ce propos :

‘«On aime ce que l'on est soi-même, ce que l'on a été et ce que l'on voudrait être soi-même, une partie du propre soi.» (S.Freud, 1914)’

Le narcissisme devient pathologique lorsque le sujet devient incapable d'aimer un objet autre que lui-même.

Pour S.Freud, cité par C.Balier, c'est

‘«Un retour vers le sujet de la libido détachée des objets» (C.Balier, 1979)’

Ainsi, Narcisse lui-même se laisse prendre par la beauté de son image reflétée dans l'eau et ne peut s'en détacher jusqu'à s'en laisser mourir.

Le narcissisme est donc estime de soi sur lequel repose le sentiment d'identité.

Il prend naissance lors des premières relations avec les parents, puis il dépend de la représentation que l'on se fait de soi et de l'image que les autres nous renvoient. L'apparence corporelle joue là un rôle important. Les réalisations accomplies dont l'individu est plus ou moins satisfait, contribuent à nourrir ou à atteindre le narcissisme. Or tous ces éléments se trouvent remis en question lors de la vieillesse.