II.2.2.1. Le deuil de l'objet.

Nous l’avons vu précédemment, vieillir est synonyme de pertes d'un certain nombre de rôles, d’acquis, d'un corps idéalisé, c’est connaître la séparation d’avec l’autre et pouvoir effectuer un travail du vieillir nécessaire qui permettra d'accepter la réalité c'est-à-dire la loi du temps avec ses renoncements et ses deuils, le risque de la séparation et de sa mort à venir.

‘«Faire ce travail c'est s'intéresser à sa propre vie» (D. Quinodoz, 1994) ’

Chaque perte est un deuil à faire plus ou moins difficile selon la valeur donnée à l'objet aimé et perdu, mais aussi en fonction de l'environnement et du vécu de la personne au moment de la perte.

Le travail de deuil sera alors d'autant plus difficile que l'objet aura été investi. Le deuil de l'objet est très lié à celui que nous pourrions nommer le deuil du rôle social que nous avons abordé avec la mise à la retraite.

Ce deuil n'est pas le premier dans la vie de l'individu mais il est difficile car il remet en question son identité sociale, c'est-à-dire son image sociale revalorisante, cette image qu'il a tant de difficulté à retrouver dans cette société qui lui renvoie une représentation négative. Ce deuil social est aussi celui des projets non réalisés et que le temps, l'aptitude physique ne lui permettent plus d'accomplir.

La vieillesse est placée sous le registre de la perte : déclin physique, séparations, deuils.

Pourtant, on peut observer, lors d’un événement des répercussions différentes d’un individu à un autre. C’est qu’un deuil renvoie toujours à des deuils ou des séparations antérieurs, vécus et restés plus ou moins élaborés. Le traumatisme du deuil vient alors de l’état de désorganisation du moi c’est-à-dire de ses objets internes et de son narcissisme. C'est au moment d'une perte pouvant paraître anodine que l'âgé sera dans l'incapacité de faire ce nouveau deuil.

A ce propos, Freud (Freud, 1917) écrit que

‘«L’endeuillé  sait sans doute qui il a perdu mais non ce qu’il a perdu en cette personne.»(Freud, 1917)’

Le retour des deuils, des séparations passés pourront soit permettre une reprise élaborative en s’appuyant sur des «acquis identificatoires» (P.Charazac, 1998) laissés par les deuils anciens, soit laisser le Moi désorganisé et permettre à la dépression, à la crise d’éclater.

Ch.Herfray souligne que faire le deuil c’est

‘«Ne pas pouvoir laisser tomber l’illusion, ne pas pouvoir faire le deuil des objets du Moi qui menace le Moi lui-même en tant qu’objet. Faire les deuils des objets du Moi peut permettre de re-trouver d’autres modes de gratification à travers d’autres objets.» (Ch. Herfray, 1997)’

Ainsi, lorsqu’il y a séparation ou deuil, la libido d’objet se détache du monde extérieur pour se replier sur le moi. Ce repli ne dure que le temps où le sujet va pouvoir réinvestir d’autres objets dans le monde extérieur.

Mais pour cela il faut à l’âgé l’énergie nécessaire pour re-trouver d’autres objets qui peuvent être d’ailleurs des objets antérieurs qui ont été enfouis, perdus et les réinvestir.