III.1.2.3. La place que prend l’âgé dans l’institution.

L'entrée en institution est une épreuve d'adaptation difficile que l'âgé n'est pas en mesure d'effectuer. L’hospitalisation est pour le sujet, une situation de crise existentielle qui remet en cause son monde interne, même si elle est due à sa pathologie. Non seulement, il perd ses repères familiers mais aussi son identité dans la mesure où il est un malade parmi les autres. Il est pris en charge par la collectivité institutionnelle.

G.Enos, C.Lambert, et E.Parquet (1985) emploient le mot «d’assisté public» dépouillé «de ses références identificatoires»

Y. Pelicier l'appelle «le syndrome de désinvestissement» (Y.Pelicier, 1981) qui correspond à la perte des objets chargés affectivement comme le domicile, les habitudes, les souvenirs.

Cet ensemble de changements engendre de l’anxiété qui peut aller jusqu’à la dépression, le repli sur soi et ravive l’angoisse de mort. L’entrée en institution peut être ressentie comme un anéantissement total de l’individu. Le placement s'est fait bien souvent dans l'urgence avec peu d'explications C'est un véritable effondrement narcissique déjà amorcé par le processus normal du vieillissement.

Le sujet perd son autonomie, il devient dépendant de l'institution, il perd son identité jusqu'à perdre son nom pour devenir «le papy ou la mamie de la chambre x»

L’hospitalisation est donc vécue comme un facteur désorganisateur et aggravant.

Il provoque chez toute personne une rupture avec son rythme de vie, ses repères et tout particulièrement chez l’individu vieillissant qui se raccroche à ses objets familiers pour ne pas perdre pied avec la réalité. Le changement est trop rapide pour qu'il ait eu le temps de s'adapter.

‘«Il est en perte d'étayages externes de son identité, en proie à un vécu d'abandon, en situation de détresse psychologique, par excellence»(L.Ploton, 1990) ’

La personne va fuir ou essayer de transformer cette réalité devenue insupportable.

Le refus alimentaire est un des moyens pris par l’individu pour échapper à cette mort lente et pour garder son intégrité interne d’homme, refusant cette mort imposée et choisissant la sienne. La personne âgée ne trouve pas sa place au sein de l'équipe institutionnelle, il a perdu sa place dans sa famille, il a perdu sa place dans la société. Il ne découvre plus ou il refuse de nouveaux investissements dans cet environnement qu'il n'a pas choisi. Son désir est de partir en cessant de nourrir ce corps qui le retient à la vie et en défiant l'environnement familial et institutionnel.