La démence

Malgré les aspects strictement organiques, la démence, peut être observée aussi comme une réaction défensive permettant souvent de fuir une réalité devenue insupportable.

Ce détachement de la réalité n’est pas sur le mode du déni comme nous le verrons. Le sujet oublie le présent, en ayant un comportement inadapté à l'environnement. Il a ainsi, la possibilité de fuir cette réalité anxiogène.

C'est, en somme une perte du Moi et de l'identité pour ne plus souffrir en tant que personne. Il y a une rupture des liens avec l'environnement.

J.Maisondieu parle de

‘«Renoncement à rencontrer les autres en même temps que ceux-ci renoncent à le rencontrer.» (J.Maisondieu, 1982) ’

Pour L.Ploton, la démence permet à l'individu de partir psychiquement de son environnement tout en restant biologiquement. Il semble que nous pourrions parler de «suicide différé»

A ce propos, il écrit :

‘«Alors, comment partir en restant ? ? Comment mourir en vivant ? Peut-être, la démence représente t-elle la tentative de synthèse, le point d'équilibre impossible, le compromis paradoxal, qui permettra de vivre biologiquement (c'est-à-dire au sens propre) tout en mourant socialement (c'est-à-dire au sens figuré)» (L.Ploton, 1991)’

C.Balier relie le syndrome démentiel à un trouble de l'identité, en interrelation entre l'atteinte organique et la personnalité. (C.Balier, 1976)

Pour J.Gaucher,

‘«La maladie d'Alzheimer ou la démence sénile de type Alzheimer sont avant tout, des manières de vieillir et des appellations à partir desquelles on nomme la ruine du sujet âgé» (J. Gaucher, 1993) ’

Le dément est toujours en quête d'une réponse dont il n'aura pas la solution puisqu'il aura tout fait pour que ce soit un échec, comme si la peur de la réponse lui faisait rebrousser chemin. Cette manière d’être lui permet ainsi de ne jamais affronter la réalité angoissante.

‘«Son quotidien apparaît comme une mise en scène répétée de son effondrement» (J.Gaucher1993) ’

Le dément exprime souvent sa perte de confiance en ses capacités d'adaptation, par l'hallucination de ses propres parents. Il recherche ainsi, un Moi auxiliaire qui pourrait l'aider à supporter ce qu'il doit vivre dans cet environnement hostile.

‘«La personne âgée démente sénile donne l'impression que par un attachement forcené aux gens et aux objets elle peut se sentir protégée, prémunie face à une vie qui maintenant lui enlève tout» (J. Gaucher, 1993)’

Du même coup, le dément évacue la question de la mort, comme si celle-ci ne pouvait avoir lieu.

J.Maisondieu propose une alternative entre le suicide et la démence :

‘«A l'insu des regards qui l'évitent, faute de pouvoir échanger, faute d'un double complaisant, le sénescent isolé sous ses fards se vide progressivement l'esprit en même temps que mentalement il vide les lieux. De même qu'il ne veut plus se voir, de même on ne veut plus le voir, de même qu'il s'oublie, de même on l'oublie. A la fin, il ne reste plus qu'un corps déshabité. On évoque alors l'atrophie cérébrale en appelant aux mânes d'Alzheimer!»(J. Maisondieu, 1989)’

L.Ploton suppose qu'un sujet ayant un trouble déficitaire, qu'elle qu'en soit la cause et arrivant dans en endroit inconnu, aura une réaction d'angoisse et pourra le conduire à un comportement délirant. C’est ce qu’il nomme «un fonctionnement mental de secours»(L.Ploton, 1983)

Dans l'article, «La démence sénile : un piège intellectuel» il écrit :

‘«Faire l'enfant, faire le mort… sans être ni l'un ni l'autre, …en un mot adopter une position déficitaire, user de moins en moins de la communication verbale élaborée, ces non-communications étant à prendre en soi comme un message…car il ne peut s'agir de la part de la personne âgée, d'une véritable opération kamikaze pour maintenir à tout prix un modèle d'équilibre figé…» (L.Ploton, 1983)’

Pour Ch.Hefray, «La dissociation psychique»est une possibilité d’échapper aux difficultés qui menacent.

‘«En effet, comment assumer l’image de vieille, de vieux  ? Comment s’identifier à une image aussi négative, surtout dans le contexte social qui est le nôtre ? Comment sauvegarder le minimum d’amour envers soi, nécessaire pour éviter le naufrage moïque et le retour du morcellement qu’il implique ? Pourtant certains y arrivent. Alors que d’autres sombrent dans la démence.» (Ch. Herfray, 1997)’

Le comportement du refus alimentaire comporte des similitudes avec la démence comme moyen de défense. L'absence de communication verbale, le désinvestissement de l'environnement, («il vide les lieux»)

Pourtant, il semble que dans le cas du refus alimentaire, l'âgé habite son corps jusqu'à la mort. Le refus alimentaire permettrait de sauvegarder une certaine estime de soi en choisissant sa mort. Remarquons que les troubles alimentaires accompagnent souvent «la fausse démence» (L.Ploton, 1983)

La personne âgée utilise les moyens qui sont à sa disposition dans son monde interne afin de remédier aux difficultés que lui impose la réalité. L’acte du refus de se nourrir peut être révélateur du fonctionnement de la personne âgée dans son environnement.