Le déni

Le déni de la réalité est une réaction défensive fréquente chez le sujet âgé. Il lutte contre la réalité extérieure en la niant ou en la transformant selon sa propre réalité interne.. Ce qui est perçu comme mauvais est aussitôt rejeté hors de soi. On ne vit qu'avec une partie de soi qui est considérée comme bonne.

D'après G. Le Gouès,

‘«L'amputation de la réalité n'éloigne pas seulement de la réalité, elle conduit à l'ignorance de toute une partie de soi.» (G. Le Gouès, 1997) ’

La personne refuse cette réalité qui l'angoisse et qui fait resurgir des événements passés qu'elle avait refoulés et qui sont porteurs de souffrance.

La réalité est vécue comme un rêve auquel on ne croit pas. Elle n'a plus de sens. La vieillesse, les changements corporels ne sont pas sa réalité.

Les événements qui se déroulent autour d'elle n'ont pas de sens. Son Moi reste fixé à des épisodes heureux qui sont du passé, hors du temps et les érige comme seuls remparts à la réalité trop angoissante et à sa propre destruction.

H. Bianchi pense que l'individu peut dénier la réalité pour se protéger. Il régresse et peut ainsi éviter le déplaisir :

‘«Dénier la réalité même de ses changements angoissants pour investir en force tels moments, telles expériences à valeur fondatrice de cette identité qui est tout ce qui reste, le moi régressant parfois jusqu'au narcissisme infantile et se détournant d'un monde réel qui n'apporte plus de frustrations.» (H. Bianchi 1985)’

Selon S.Freud, le désinvestissement de la réalité est aussi celui du système conscient 

‘«Les excitations internes trouvant la voie libre jusqu'à celui-ci dans lequel elles prendront valeur d'une réalité incontestée» (S.Freud, 1951)’

Cette économie défensive du vieillard donne l'impression d’une personne qui n'est plus dans le monde dans lequel il vit. Cette réalité trop déplaisante l'a séparé de ses objets d'amour et a fait resurgir des pertes dont le deuil n'a pas été fait. Elle le met face à l'angoisse de mort.

Le sujet doit choisir entre un travail de deuil qui lui permettra une ré-élaboration de son Moi, «de la position dépressive» (E.Jaques, 1990) et aboutira à un travail du vieillir. Il s’adaptera à son nouvel environnement ou restera dans le déni en refusant la réalité et en la désinvestissant :

‘«La réussite finale du travail créateur de l'âge mûr dépend de la résignation constructive face à la fois aux imperfections humaines et aux insuffisances de son propre travail. C'est cette résignation constructive qui imprime alors la sérénité à la vie à l'œuvre.» (E. Jaques, 1990)’

Ce refus de la réalité empêche l'âgé, qui n’a pas trouvé les ressources nécessaires dans son monde interne de faire un travail de deuil. Il ne peut investir le monde objectal, réinsérer son moi dans le temps et renoncer au déni. Il appauvrit peu à peu sa capacité d'échanges avec son environnement.

Il glisse dans un refus de communication et de troubles alimentaires. Il en vient au refus de se nourrir, au refus d'échanges avec l'autre, au refus de parler.

‘«Il semble bien que ce soit à partir de ce refus, dans un mouvement défensif d'évitement, que prenne racine nombre de procédures spécifiques que nous rencontrons chez les patients âgés ou vieillissants et dont le trait commun est que l'épreuve de réalité ne semble ne plus pouvoir se faire mais cela sélectivement : Essentiellement pour ce qui regarde le temps, le monde présent venant à leur paraître, en quelque sorte inconsistant, contingent, voire absurde, tandis qu'ils refluent vers un passé intemporel où leur identité voudrait se préserver de la perte radicale qui la menace. Ce mouvement défensif se réalise bien sûr au prix d'un appauvrissement considérable de leur capacité d'échange avec l'entourage.» (H.Bianchi, 1985)’