L'agressivité

L’agressivité est une autre forme de défense que l’on retrouve fréquemment chez le sujet âgé. Le comportement agressif peut se manifester de différentes manières. Il peut être extériorisé avec violence, mais il peut être aussi dirigé contre soi-même.

Les observations en éthologie, on conduit K.Lorenz à penser que la finalité de l'agressivité est double : elle a pour objectif de permettre de se défendre ou de s'affirmer à l'encontre de quelqu'un ou de quelque chose (K.Lorenz, 1969)

Lorsque cette force agressive est projetée à l'extérieur, elle peut signifier la marque d'une hostilité à l'encontre de quelqu'un ou de quelque chose. Elle vient aussi témoigner d'une réelle souffrance et de l'angoisse. En agressant l'autre, la personne projette à l'extérieur ce qui l'étouffe. Elle peut être une façon de s'affirmer ou bien encore une défense pour survivre dans un environnement hostile pour l'individu.

Chez le sujet âgé, elle peut se révéler par une phase de récriminations, des paroles blessantes qui atteignent l'autre.

Elle peut être physique se manifestant par des attitudes violentes. Ce comportement peut être en relation avec le vieillissement lui-même et ses pertes physiques, intellectuelles et sociales qui l'accompagnent.

La maladie, la perte de l'autonomie renforcent l'angoisse d'abandon et provoque une réactivation de son hostilité, signe du besoin de se réassurer vis-à-vis de son entourage.

L'agressivité intériorisée est plus silencieuse. C'est une force autodestructrice, dirigée contre soi. Le refus alimentaire, mais aussi, l'automutilation, le suicide et ses équivalents sont des comportements auto-agressifs. Cette forme d'agressivité se produit dans un semblant de passivité. Elle se manifeste par un comportement d'indifférence, un refus de communiquer, de participer.

‘«L'auto-agressivité est la force agressive dirigée contre soi-même. Elle relève des mêmes objectifs et représente souvent la forme intériorisée de la précédente (l'hétéro-agressivité) : elle débouche sur l'auto-mutilation et le suicide.» (JM. Léger, J.Teissier, R.Garoux, 1984)’

Le placement en institution : maison de retraite, structure hospitalière provoque des manifestations agressives chez l'âgé, qui peuvent être verbales (langage violent) physiques qui peuvent aller aux coups, surtout lorsque la personne a été placée contre son gré.

Pour M.Klein, qui a mis en évidence les pulsions agressives dès la petite enfance,

‘«La projection est notre première mesure de sécurité contre la douleur, la peur d'être attaqué, l'impuissance. Par ce mécanisme toutes nos sensations, tous les sentiments que notre esprit ressent comme douloureux et déplaisants sont immédiatement relégués à l'extérieur de nous-mêmes» (M.Klein, 1966) ’

Cette agressivité se développe pour montrer son opposition à des décisions.

Le placement est vécu comme une agression qui porte atteinte à l'intégrité de la personne. Par protection, elle rejette son mal-être, sa souffrance à l'extérieur, c'est-à-dire, sur son entourage.

Et comme l'exprime B.Cuisinier, (2002) ce comportement peut se comprendre dans la mesure où l'institution est elle-même génératrice d'agressivité.

L'âgé se sent abandonner dans un univers inconnu laissant à son seuil ce qui a comblé son existence pour un futur qui sera la mort et non plus sa mort. L'âgé a été dépossédé de lui-même.

Son narcissisme se trouve confronté à une nouvelle épreuve angoissante. L'agressivité lui permet de projeter sur un objet extérieur ses propres affects. C'est ainsi que le patient devient agressif avec le personnel soignant, extériorisant ce qu'il ne peut contenir. Le sujet traite l’excitation interne comme si elle venait du dehors. L'agressivité chez le vieillard a un sens important. Elle est le reflet de sa souffrance, d'un ultime combat pour ne pas sombrer dans la dépression, la régression, dans un désengagement c'est-à-dire un désinvestissement de l'environnement, un désintérêt de soi et des autres.