III.2.2.2. La finalité de cette défense.

Le refus alimentaire prend sens dans cette toute-puissance puisque l'âgé n'ayant plus d'objet d'amour dans son environnement, peut par ce refus «se tuer pour ne pas mourir»Il peut donner un sens à sa mort dans un contexte vide de sens.

Nous venons de l'exposer, la mélancolie apparaît lorsque le sujet ne peut pas faire le deuil de l'objet-Moi. Le sujet se désintéresse de son environnement, il se dévalorise et n'a plus l'estime de lui-même, il a des insomnies et refuse de se nourrir.

La mélancolie apparaît avec incorporation de l’objet perdu, avec meurtre de cet objet. Le moi est vide, le «je» n’existe plus.

Mais quel est cet objet perdu ou plutôt qui est-il ?

L’âgé qui a connu une succession de pertes, de deuils se retrouve à la fin de son existence et c’est ce «soi» qu’il est en train de perdre. C’est la mort qu’il incorpore en lui. Il émerge une souffrance insoutenable qu’il ne peut pallier qu'avec la défense maniaque.

Cette défense lui permet de canaliser la mélancolie, de libérer le Moi de la culpabilité persécutrice et de libérer de l’énergie que la mélancolie liait. Cette énergie lui permettra de triompher sur l’objet et sur l’environnement. Un sentiment de toute-puissance lui permet de se réapproprier sa mort face à un environnement « meurtrier». Ce n’est plus l’environnement qui agit sur sa mort, c’est lui qui se réapproprie sa propre mort en choisissant par le refus alimentaire le choix de sa mort.

D’autres personnes peuvent réagir différemment de ce travail de deuil non résolu.

C’est le cas des mystiques qui se rapprochent des âgés en refus alimentaire du fait que leur nourriture est leur extase à leur objet qu’ils ne veulent pas perdre : Dieu.

A chaque étape de sa vie, l'être humain rencontre et surmonte plus ou moins bien des difficultés. Au moment de sa vieillesse, d'autres obstacles s'élèvent sur son chemin.

Ils seront sources de tensions, de bouleversements, de déséquilibres, de réajustements. Ils pourront conduire l'âgé en l'absence d'accompagnement vers la résignation, le repli, le refus de continuer à lutter pour une existence qui ne correspond plus à ses désirs.

Le placement en institution va être vécu comme une séparation traumatisante, signe de déchéance, de rejet, d'ultime pas vers la mort.

Ce traumatisme va renforcer le sentiment d'effondrement narcissique déjà amorcé par le processus normal du vieillissement et les changements qui l'accompagnent. La personne va réagir par des comportements destinés à fuir ou à transformer cette réalité. Ces réactions sont spécifiques à chaque personne en fonction de son histoire, des conditions d'entrée en institution, de sa personnalité.

Nous allons voir que le refus alimentaire est en lien avec ce placement, un dysfonctionnement du travail du vieillir et un désinvestissement narcissique.