IV.1.1. Présentation des entretiens.

Comme nous avons pu l'exposer au début de ce travail, le choix des entretiens au lit de la personne âgée, s'est fait à la suite de notre première recherche (1998) sur les problèmes alimentaires de la personne âgée. Rappelons simplement qu'elle s'étayait sur une série de questions posées à la population, à sa famille et aux soignants. La difficulté pour établir un questionnaire, le manque de résultats suffisamment performants nous ont amené à laisser cet outil qui nous a semblé peu adapter à cette population.

Nous avons privilégié les entretiens qui nous a permis de connaître l'environnement de l'âgé, sa famille, ses amis, son lieu de vie. Il a pu exprimer son histoire de vie, ses angoisses, mettre des mots sur sa souffrance à vivre cette nouvelle épreuve.

Par notre formation, la technique de ces entretiens s'appuie sur la technique psychanalytique, mais avec quelques modifications du cadre, compte tenu du contexte :

  • Le grand âge et par conséquent des handicaps physique, sensoriels et cognitifs.
  • Les services hospitaliers de médecine gériatrique, où bien souvent, le psychologue chercheur n'a pas de lieux propres pour recevoir les patients et leur famille en entretien.

De ce fait, il peut rencontré une difficulté dans sa pratique qui est le dérangement fréquent lors des entretiens. En effet, il n'était pas rare d'être interrompue par l'entrée impromptue dans la chambre de l'âgé, de certains membres de l'équipe.

Nous avions parfois le sentiment de n'avoir qu'une place tolérée, qui, par notre présence entravait le bon déroulement des soins. Cependant, cet état de fait, ne semblait aucunement déranger l'âgé, sans doute habituer à ce va et vient dans sa chambre.

Nous avons donc essayé de placer les rendez-vous le plus souvent en début d'après-midi au moment où le personnel était moins présent (pause, réunions, changement d'équipe)

Mais, cette fois-ci, nous nous confrontions à des malades somnolents, parfois endormis ou bien aux visites des familles, ce qui permettait parfois d'avoir une entrevue avec elles.

Nous devions donc nous adapter à la spécificité de cette population, ainsi qu'à l'environnement, si nous voulions poursuivre les entretiens. Il a pu nous arriver de marcher dans le couloir avec la personne ou de rester dans la chambre.

L’entretien pouvait aussi se dérouler sans trop de difficultés et sur un temps non défini à l'avance.

Dans ce cadre particulier, les entretiens débutaient souvent par des questions portant sur les causes de leur hospitalisation et leur difficulté à se nourrir. Ils se poursuivaient par une mise en parole de l’histoire du patient avec ses pertes et ses deuils survenus le long de son existence, de ses angoisses, de son sentiment de solitude ou au contraire d'un entourage vécu comme chaleureux.

Nous utilisions parfois des reformulations sur un point précis, lorsque la question n'était pas entendue ou incomprise. Des approbations, des attitudes d'encouragements, des silences, facilitaient la parole lorsque la personne avait du mal à mettre en mots son ressenti.

Nous n'insistions pas lorsque la fatigue, le désir d'arrêter l'entretien se faisait sentir : silences, mouvements, tête tournée de l'autre côté de l'âgé, soupirs…

Certaines fois les entretiens seront pratiquement impossibles car les patients refuseront toute relation; d'autres trop fatigués, auront du mal à s'exprimer, d'autres ne pourront pas supporter une entrevue de plus de dix minutes ayant soit du mal à se concentrer, soit ayant besoin de bouger.

Cette spécificité des entretiens avec l’âgé met en relief l'importance du non-verbal, des manifestations corporelles, au même titre que la parole. Ce sont des langages qui sont riches de sens pour la compréhension de la personne.

Nous n'avons utilisé aucun moyen de médiation tel que le magnétophone ou la vidéo. En effet, ceux-ci ne pouvaient pas être utilisés auprès des personnes en refus alimentaire qui n'acceptaient aucun élément intrusif.

Nous avons abandonnéles enregistrements vidéos (Ils auraient permis d'observer le non-verbal) pour différentes raisons : financières, d'organisation au niveau du service mais surtout vis-à-vis de cette population qui se trouve dans une situation de grand désarroi dans ce contexte hospitalier et qui aurait vécu ces entretiens comme inquiétants.

Une prise de notes pendant et après chaque entretien a permis de rester le plus fidèle possible aux paroles de la personne.

L'âge avancé est un facteur important dans la difficulté à mettre en place une méthodologie appropriée.

En effet, une majorité des sujets est touchée par des altérations sensori-motrices, intellectuelles et, est souvent atteinte, comme nous avons pu l'écrire précédemment de poly-pathologie.