Observation 25: Marguerite. 79ans.

Marguerite a 79 ans. Elle est hospitalisée pour un malaise cardiaque  Je verrai Marguerite huit fois à raison d'une fois par semaine en général. Il arrivera que l'entretien soit différé d'une semaine lorsqu'elle sera en examen. Malgré une certaine méfiance lors du premier entretien, elle accepte relativement bien les entrevues. Cette méfiance se traduit par une agressivité verbale, ne comprenant pas mon intervention.

Marguerite explique qu'elle a trouvé des ganglions à un sein. Elle en veut à son médecin qui ne l’a pas écoutée tout de suite. Elle subit depuis des chimiothérapies et c’est très éprouvant et douloureux. Elle exprimera d'ailleurs cette agressivité sur toute l'équipe soignante qui n'importe comment ne fait pas ce qu'il faut.

Marguerite a un fils divorcé qui vit avec une deuxième femme. Elle ne l'aime pas car elle est persuadée qu'elle en veut à ses biens.

-"Mon fils a essayé de devenir mon tuteur mais je ne me suis pas laissée faire."

Il lui aurait dit suite à ce refus:

-"Maintenant tu feras ce qu’on te dit de faire et non plus de faire ce que tu veux."

Elle exprime de l'inquiétude pour son avenir car la seule personne qui pouvait l'accueillir, était son fils mais avec cette femme cela semble impossible.

Elle est assez agressive dans ses propos. Elle mange peu car elle a beaucoup de médicaments. De plus, elle trouve que ce n’est pas bon:

-"Les haricots baignent dans l’eau et n’ont aucun goût." Et puis, je n’ai pas faim, et en plus ce n’est pas bon. Personne ne m'aide à manger, alors que je n'ai qu’une main. On pose le plateau et je dois me débrouiller."

Lors d'un entretien, Marguerite montre des égratignures sur son front, son nez, et son œil droit. Elle parle tout doucement. Pour elle, elle est restée assise trop longtemps et comme elle était fatiguée, elle est tombée en avant:

-"J'ai appelé mais personne n'est venu."

Elle ne pas sait pas trop ce qu’elle va devenir, elle veut en finir. Elle doit subir une dernière chimiothérapie. Elle a peur de celle-ci. Elle parle de nouveau de l’amie de son fils, qu’elle fait ce qu’elle veut, qu’elle ne se marie pas car ainsi, elle peut partir.

Cette dame se plaint sur un ton agressif, sur son environnement familial et hospitalier.

Les jours suivants, Marguerite est surtout fatiguée. Elle parle à peine, ses paroles sont lentes, peu audibles, les silences se font plus long Elle est moins agressive. Elle parle tout de même avec amertume des soignants qui ne la comprennent pas.

A un moment de l'entretien, elle dit tout bas qu’elle veut mourir et qu’elle devrait s'arrêter de manger. Puis un long silence.. Puis, elle reparle de son fils, de l’alimentation qui est mauvaise, qu’elle n’a pas faim, qu’elle veut partir, rentrer chez elle. Elle est consciente qu’elle ne peut pas rester seule chez elle, mais elle en a assez d’être ici, avec "ces garces".

A l'entretien suivant, elle est couchée et semble plus reposée. Elle va beaucoup parler : de son petit-fils qui est malade et qui a toujours eu une santé fragile, Il doit subir une opération cardiaque. Elle semble admirer le courage de celui-ci ; de son fils qui est en soucis de la maladie de son fils, de sa belle-fille et du divorce, des soucis causés par ce mariage qu’elle ne voulait pas, pas plus du divorce, de l'amie de son fils qui va chez elle sans lui demander l'autorisation, surtout qu'elle ne l'a rencontré que deux fois. Elle ne l’aime pas. Elle a beaucoup de difficulté à vivre tout cela.

Elle parle de plus en plus difficilement et elle se rend compte que ses mots sont pénibles à prononcer. Elle semble moins révoltée, plus conciliante avec l’équipe. Elle apprécie qu’on vienne l’aider à manger, à s’habiller, à se lever.

Elle se pose la question de son propre avenir tout en sachant qu’elle n'a plus d'autonomie corporelle.

L'entretien suivant, elle me dit qu’elle n’a pas mangé à midi. Elle n’avait pas faim et puis ce n’était pas bon. La cause de cette perte d'appétit, Marguerite l'exprime peu d'instant après :

-"Je n’ai pas vu son fils mais il a sûrement beaucoup de travail car mon petit-fils a été hospitalisé pour une opération qui s’est bien passée mais on a été obligé de lui couper un bras."

Marguerite sera admise en long séjour mais elle ne l'acceptera pas vraiment. Elle passe des périodes de forte agressivité, s'en prenant à l'équipe, ne mangeant pratiquement plus et des périodes où elle est plus "soumise"

Pendant ces périodes son comportement alimentaire est moins troublé bien qu'elle sélectionne sa nourriture et qu'elle continue à manger insuffisamment.