Observation 48. Honorine. 89 ans .

Honorine a 89 ans, elle est en long séjour depuis un an.

Elle a eu une fracture du col du fémur en trébuchant sur une marche d'escalier. Honorine est aveugle depuis ses 80 ans. Elle accepte volontiers les entretiens, car elle se retrouve souvent seule, malgré les visites fréquentes de ses enfants et petits-enfants. Les entretiens seront difficiles car Honorine entend très mal et n'est pas appareillée.

Agricultrice à Chaussant avec son mari. Elle s'occupait des bêtes, du potager. C'était dur, mais elle aimait ce travail. Son mari est mort, il y a une vingtaine d'années environ de la tuberculose. Il lui manque. Ils ont eu deux filles. Elles sont mariées et ont eu des enfants.  Elle a beaucoup de mal a restitué les prénoms de ses petits-enfants.

Elle ne sait pas ce qu’elle va devenir : maison de retraite ou chez sa fille. Elle veut rentrer chez elle, tout en sachant que ce ne sera pas facile pour ses enfants. Mais elle trouve que c’est dur ici, parfois, surtout avec certaine personne.

Elle se sent un peu abandonnée et personne ne l'écoute, à part ses enfants. Elle aime bien lorsque sa petite fille vient la faire marcher un peu, cela lui permet de bouger.

- "C’est dur ! Je n’y vois pas, que voulez-vous que je fasse ?"

Honorine se plaint souvent d'avoir des maux de tête:

- "Je ne sais pas ce qu’il faut faire."

Ses soupirs, ses "à quoi bon" ou "que voulez-vous que je fasse" donne l'impression d'une personne qui attend et qui ne se bat plus. Elle ne se laisse pas mourir mais elle attend son heure tranquillement.

Elle essaye de se remémorer son enfance, sa période scolaire. Elle est allée à l’école à 6 ans. Elle faisait trois kilomètre pour y aller. Elle n’aimait pas beaucoup l’école. Elle s’entendait bien avec certains, moins avec d’autres. Pendant les vacances, elle aidait aux champs.

Ils avaient un cheval qui s’appelait "gamin". Elle aimait bien ce cheval.

Après l’école elle a travaillé aux champs avec ses parents. Puis elle s’est mariée avec un fermier et elle a continué à travailler aux champs et à la ferme puis elle s’est occupé de ses deux enfants. Elle a tout assumé. Le moment difficile a été la maladie de son mari.

Après sa mort, elle a continué à travailler à la ferme, puis elle a vendu le terrain et a gardé la maison. Une de ses filles habite la maison avec sa famille. Elle a une sœur. Son père est parti pour la première guerre et son mari pour la deuxième. Ils en sont revenus tous les deux.

Maintenant elle aimerait trouver une solution pour partir de l'hôpital : son désir est de rentrer chez elle.

Honorine continue son bout de chemin dans l'institution, elle désire tous les jours s'en aller, retourner dans sa maison, tout en sachant que ce n'est pas vraiment possible. Elle mange ce qu'on lui donne sans vraiment apprécier les repas. Elle attend qu'on la fasse manger. Elle n'a pas vraiment faim, elle ne trouve pas la nourriture excellente, mais elle a peur de se faire disputer si elle refuse d'ouvrir la bouche. Elle n'a jamais beaucoup mangé mais depuis qu'elle est ici elle n'a vraiment pas faim.

Elle est heureuse quand sa famille vient la voir, c'est-à-dire tous les jours. Elle attend que l'on s'occupe d'elle pour les soins, la toilette, les repas. Le seul moment où elle refuse c'est le temps de l'animation. Elle passe ses journées à attendre…