3.1 Les tâches

Que font précisément les chômeurs-bénévoles au sein des diverses associations, quelles tâches leur sont confiées, est-ce du travail ?

À partir du questionnaire, les réponses aux questions (202, 203 et 204) permettent d’identifier la nature des tâches réalisées par les chômeurs bénévoles. Les deux premières sont factuelles et ciblées sur l’action dans les associations, la troisième leur demande de comparer, l’association et le travail à travers une appréciation personnelle.

Question 202 : «  Quelles tâches effectuez-vous ? »

Question 203 : «  Ces tâches sont-elles diversifiées ou répétitives ? »

Plus de 60 % des enquêtés déclarent que les tâches qu’ils sont amenés à exécuter sont diversifiées. La plupart se contentent de les catégoriser grossièrement et décrivent ainsi des tâches d’encadrement, administratives, de secrétariat, d’accueil, d’écoute ou d’aide.

Certains sont plus précis, voire très précis  donnent accès à un bel échantillonnage des tâches prescrites et assumées :

‘« je vérifie l’état des cassettes, je les rends disponibles sur ordinateur (après retour des prêts) puis je les range »
Mme X, 25-29 ans, employée de maison, 3e fois au chômage (n° 4)

« je colle des photos de monuments pour créer des albums dans un centre d’inventaire des richesses artistiques »
Mme B, 50-54 ans, employée de bureau, 5e fois au chômage (n° 7)

« standard, un peu de traitement de texte, photocopies et tâches spécifiques liées à des activités ponctuelles »
Mlle C, 30-34 ans, juriste en entreprise, 2e fois au chômage (n° 22)

« accueil des lecteurs, encaissement des cotisations, des sommes versées pour chaque prêt de livre (3F à 10F), une petite comptabilité, enregistrement des sorties, conseils aux lecteurs, rangement des livres, marquage par une cote, habillage des livres, époussetage des rayons »
Mme F, 35-39 ans, surveillante , 3e fois au chômage (n° 24)

« maternage auprès des bébés hospitalisés »
Mme F, 55-59 ans, secrétaire, 1ère fois au chômage (n° 31)

« pour l’instant : création de bases de données, saisie informatique, recherche et élaboration de fichiers »
Mlle B, 25-29 ans, secrétaire, 1ère fois au chômage (n° 35)

« je reçois des adhérents ayant des problèmes juridiques avec des professionnels ; je rédige des mises en demeure , je les conseille, les écoute »
Mlle C, 25-29 ans, étudiante, 1ère fois au chômage (n° 34)

« mise en page et saisie de texte sur ordinateur »
M. D, 30-34 ans, employé, 5e fois au chômage (n° 55)

« décharger les camions, peser les aliments et servir les gens »
M. M, 35-39 ans, ouvrier tâcheron, 5e fois au chômage (n° 59)

« communication en langue anglaise, envoi d’e-mail pour les marins, service de boissons, cartes téléphoniques, informations sur les syndicats existants pour défendre leurs droits »
Mme B, 35-39 ans, ergothérapeute, 4e fois au chômage (n° 73)

« photocopies, état de rapprochement bancaire »
M. B, 35-39 ans, agent administratif, 4e fois au chômage (n° 79)

« tirage des adresses sous informatique, collage sur enveloppes, mise sous pli des documents »
Mlle R, 35-39 ans, assistante administrative, 3e fois au chômage (n° 80)’

À l’évidence, ces tâches exécutées au sein des associations sont en tout point analogues voire identiques à celles qui peuvent être réalisées dans le cadre d’un travail rémunéré. Il s’agit de produire, d’accomplir quelque chose et cela nous autorise d’emblée à parler à leur propos de travail comme résultat d’une action.

  • 71,6 % disent ne pas effectuer les mêmes tâches qu’en entreprise. On peut même dire qu’à titre individuel ils effectuent souvent des tâches très différentes de celles qu’ils avaient l’habitude de faire.
    Mais pour le sociologue du travail, et quant à leur nature, les tâches ne sont pas fondamentalement différentes de celles exécutées en entreprise.

Un ingénieur  s’adresse à des enfants :

‘« lecture à des enfants défavorisés, encadrement dans des activités variées (écriture, bricolage)
Mlle B, 20-24 ans, ingénieur IAA, 1ère fois au chômage (n° 11)’

Un travailleur manuel exécute des tâches administratives :

‘« l’administration et renseignements »
M. C, 55-59 ans, ouvrier charcutier, 1ère fois au chômage (n° 6)’

On confie à un employé un poste d’encadrement :

‘« présidence, relations avec les autorités, contacting et conférences »
M. G, 40-44 ans, comptable, 2e fois au chômage (n° 2)
« responsable de centre »
Mme S, 50-54 ans, employée aux écritures, 1ère fois au chômage (n° 88) ’

Une secrétaire devient animatrice au profit d’enfants handicapés:

‘« on organisait des activités le mercredi après-midi pour les enfants handicapés »
Mme B, 25-29 ans, secrétaire, 2e fois au chômage (n° 5)’

L’affectation des tâches aux bénévoles répondant à la fois aux choix exprimés par ceux-ci et aux priorités qu’imposent les besoins des associations, on peut voir dans certains domaines, celui de l’éducation par exemple, une grande diversité d’origine professionnelle chez les personnes impliquées dans le soutien scolaire…

‘« soutien scolaire et animation péri-scolaire »
Mlle L, 35-39, employée de collectivité, 5e fois au chômage (n° 14)
« soutien scolaire »
M. L, 45-49 ans, cadre technique, 2e fois au chômage (n° 25)

« aide aux devoirs »
Mme C, 35-39 ans, conseillère en épargne, 2e fois au chômage (n° 40)

« soutien scolaire »
Mme M, 45-49 ans, technicienne, 5e fois au chômage (n° 57)

« soutien scolaire, aide aux devoirs »
Mme R, 30-34 ans, contrôleur de gestion, 1ère fois au chômage (n° 62)

« pédagogie, encadrement »
M. T, 25-29 ans, responsable de rayon, 1ère fois au chômage (n° 66)

« soutien scolaire »
Mlle V, 30-34 ans, secrétaire aide-comptable, 2e fois au chômage (n° 69)

« cours de maths et physique »
Mlle F, 25-29 ans, employée de vente, 1ère fois au chômage (n° 71)

« soutien scolaire »
Mme D, 50-54 ans, directrice centre commercial, 1ère fois au chômage (n° 82)’

Parmi les personnes pratiquant des activités nettement différentes de leur métier d’origine, voici les exemples suivants :

‘« rédaction d’articles pour le journal à usage externe »
Mme F, 30-34 ans, chef de produit, 1ère fois au chômage (n° 21)

« animation musicale, animation micro, organisation de jeux nautiques »
M. F, 45-49 ans, cadre, 1ère fois au chômage (n° 92)

« faire des courses, tenir compagnie »
Mlle C, 25-29 ans, agent de voyage, 2e fois au chômage (n° 23)

« maternage auprès de bébés hospitalisés »
Mme F, 55-59 ans, secrétaire, 1ère fois au chômage (n° 31)’

C’est ainsi que des étudiants vont avoir la possibilité de découvrir le monde du travail :

‘« tâches administratives (informatiques, téléphone…) ; accueil ; démarchage auprès d’associations pour les connaître et connaître leurs besoins »
Mlle L, 20-24 ans, étudiante, 1ère fois au chômage (n° 9)

« la saisie comptable »
M. G, 20-24 ans, étudiant, 1ère fois au chômage (n° 12)
« la comptabilité »
Mlle X, 20-24 ans, étudiante, 1ère fois au chômage (n° 20)’
  • 14,7 % disent au contraire qu’ils effectuent le même type de tâches qu’en entreprise. C’est un chiffre qui peut paraître faible mais qui à l’analyse est plutôt loin d’être non négligeable. Car pouvoir être utilisé dans son domaine de compétence professionnelle au sein d’une association suppose une adéquation tout à fait particulière. Cela suppose que l’association offre précisément ce genre de tâche, et qu’ensuite le bénévole accepte ou choisisse d’être utilisédans son domaine de compétence professionnelle. Ce dernier point ne fait pas l’unanimité chez les enquêtés, certains sont certes flattés d’être utilisés dans une compétence qui leur vaut peut-être actuellement d’être au chômage, mais d’autres ne souhaitent pas se positionner en professionnels, et chez d’autres enfin cela ravive la frustration salariale.

Une assistante marketing réalise des études :

‘« mon travail consistait en la synthèse, analyse, manipulation de chiffres, interprétations, construction de tableaux de bord à l’aide de l’informatique »
Mlle P, 20-24 ans, assistante marketing, 1ère fois au chômage (n° 44)’

Un comptable tient la comptabilité :

« saisie comptable, vérification, recherche… »
Mme T, 40-44 ans, comptable, 4e fois au chômage (n° 51)

Une secrétaire exécute des tâches administratives :

‘« frappe informatique de comptes rendus de réunions pour aider la secrétaire »
Mme S, 50-54 ans, secrétaire , 1ère fois au chômage (n° 54)

« secrétariat »
Mme X, 30-34 ans, secrétaire, nombre de fois au chômage inconnu (n° 85)’

Une réceptionniste en hôtellerie accueille des personnes dans le besoin :

‘« je reçois les gens dans un bureau, ils m’expliquent leur situation, j’ouvre un dossier pour chacun et leur distribue colis alimentaire ou vêtement , tout dépend des besoins »
Mlle C, 30-34 ans, réceptionniste hôtel, 1ère fois au chômage (n° 61)’

Un ouvrier manuel aide des handicapés dans des travaux manuels :

‘« aider les handicapés à faire des travaux manuels »
M. M, âge inconnu, contremaître métallier, 1ère fois au chômage (n° 78)’

Une comédienne enregistre des livres sur cassette :

‘« enregistrement de livres sur cassettes »
Mlle P, 35-39 ans, comédienne, 3e fois au chômage (n° 42)’

Des enseignants donnent des cours de soutien scolaire :

‘« formation »
Mme F, 30-34 ans, enseignante, 1ère fois au chômage (n° 16)

« cours de soutien en français et en allemand »
Mme F, 50-54 ans, professeur, 2e fois au chômage (n° 18)

« soutien individuel de jeunes »
Mme X, 50-54 ans, professeur, 1ère fois au chômage (n° 68)’

Les chômeurs-bénévoles ne sont pas enfermés dans un type d’activité. Seule une minorité va exécuter le même type de tâches que dans son précédent travail.

Qu’ils aient choisi seuls leur association (10 %) ou été orientés par un Centre du Volontariat (90 %), les uns vont décider de leur activité quand les autres, beaucoup plus nombreux, vont simplement répondre aux besoins de l’association.

Dans le premier groupe (10 %), les tâches exécutées résultent d’un compromis entre ce que l’individu veut faire et ce dont l’association a besoin.

Pour les autres – les 90 % orientés vers une association par un Centre du Volontariat – nous avons montré dans la précédente partie qu’initialement ils n’avaient pas choisi leur association selon des critères précis, encore moins le type d’activité, et que le souhait de fairedu bénévolat occultait les aspects plus concrets, plus « terre-à-terre », de la façon de réaliser ce souhait. On a aussi observé qu’ils n’avaient pas forcément une idée précise du type de tâches qu’ils pouvaient être amenés à faire. Ces candidats à une activité bénévole arrivent globalement au Centre du Volontariat avec un état d’esprit de mise à disposition de leur personne. Ils vont faire l’objet d’une procédure d’orientation menée lors d’un entretien par un bénévole chargé de l’accueil au centre et sélectionner dans une liste le ou les types d’activités qu’ils souhaitent faire. Ils vont être amenés à opérer un choix parmi un certain nombre d’activités, probablement influencés en cela par le chargé d’orientation qui, connaissant les besoins des associations, a pour mission de mettre en adéquation les désirs du postulant bénévole et les attentes des associations.

Voici, par exemple, ce qui est demandé  au candidat bénévole dans un extrait du document

En conclusion, on retiendra la belle capacité d’adaptation des bénévoles qui exécutent des tâches équivalant véritablement à du travail en entreprise, dans des spécialités le plus souvent éloignées de leur domaine de compétence initial.