CHAPITRE 1 : Construire une représentation mentale cohérente à partir d'informations textuelles 

Il est classiquement admis que la compréhension d’un texte requiert la construction d’une représentation mentale cohérente. Un fort consensus existe actuellement sur l'idée selon laquelle les lecteurs élaborent une représentation multi-niveaux, constituée d’un niveau de surface, d’un niveau sémantique et d’un niveau situationnel. Ce dernier niveau de représentation communément appelé modèle de situation (van Dijk & Kintsch, 1983) ou modèle mental (Johnson-Laird, 1983) constitue le principal objet d'étude des travaux réalisés dans le domaine de la compréhension de texte. En effet, il correspond au niveau de représentation le plus élaboré et présente comme caractéristique spécifique d'intégrer les connaissances du lecteur aux informations issues du texte. Les nombreuses études réalisées afin d’examiner les processus sous-jacents à la construction d’un modèle de situation conduisent aujourd’hui à une divergence théorique relative à la nature de ces processus. Ce désaccord repose fondamentalement sur la place attribuée au lecteur dans le processus de compréhension. Le lecteur participe t-il activement ou passivement au processus de compréhension ? Afin d’illustrer ces deux approches de l’activité de compréhension ainsi que les hypothèses impliquées par chacune d’entre elles, je présenterai dans ce premier chapitre les principaux modèles de compréhension de texte. Après avoir défini plus précisément les différents niveaux de représentation ainsi que les processus sous-jacents à leur élaboration, je développerai dans un second temps les modélisations qui envisagent l’intervention systématique de processus stratégiques au cours de la lecture. Je détaillerai dans cette partie, le modèle de Construction de structures (Gernsbacher, 1990, 1995) et le modèle d’Indexage d’événements (Zwaan, Langston, & Graesser, 1995 ; Zwaan & Radvansky, 1998) qui s’articulent tous deux autour du principe de continuité situationnelle ainsi que le modèle ‘« Landscape ’» (van den Broek, Risden, Fletcher, & Thurlow, 1996). Les modèles qui décrivent le processus de compréhension à partir de processus automatiques auxquels nous consacrons une troisième partie sont le modèle d’Attention focalisée et d’Appariement de scénario (Sanford & Garrod, 1981, 1998), le modèle de Construction-Intégration (Kintsch, 1988, 1998) et enfin, le modèle de Résonance (Myers & O’Brien, 1998). Lors de ces deux dernières parties, je m’attacherai plus spécifiquement à examiner la manière dont chacune des modélisations rend compte de l’élaboration progressive d’un modèle de situation cohérent en mémoire. De ces différents modèles émergent les principaux arguments qui me conduisent à adopter une conceptualisation passive et automatique du processus de compréhension.