1.3.1.1 Les partitions de la mémoire

Selon Sanford et Garrod (1981, 1998), le lecteur analyse un texte en référence à des partitions de la mémoire qui sont supposées être les structures de données antérieures à partir desquelles le langage qui ‘« intègre ’» le système est interprété. Afin de décrire comment le lecteur accède aux informations en mémoire au cours du processus de compréhension, les auteurs proposent quatre partitions de la mémoire qui peuvent être traitées comme des domaines de recherche distincts et auxquelles l’individu accède de manière indépendante. La première distinction entre les partitions dynamiques et statiques est basée sur la disponibilité des informations au cours de la lecture ou plus précisément sur la mise au premier plan. Les partitions dynamiques référent aux partitions sur lesquelles l’attention est focalisée et consistent en des représentations correspondant aux entrées textuelles récentes alors que les partitions statiques correspondent à des représentations plus permanentes et stables en mémoire. Sanford et Garrod (1981, 1998) proposent parallèlement de distinguer les partitions directement dérivées de l’interprétation des informations textuelles et de celles qui incluent les connaissances issues d’autres sources. Ceci conduit à différencier les connaissances générales de la représentation épisodique en ce qui concerne les partitions statiques et à définir un focus explicite et un focus implicite comme partitions dynamiques. (voir figure 1)

Figure 1. Les partitions de la mémoire selon le modèle d'attention focalisée et d'appariement de scénarios (Sanford & Garrod, 1981, p. 159)
  Texte Connaissance
Dynamique Focus Explicite Focus Implicite
Statique Représentation épisodique du texte Connaissances générales (scénarios)

Les partitions dynamiques (i.e., focus explicite et focus implicite) représentent les deux principaux aspects qui définissent le déroulement d’un texte. Premièrement, un récit s’organise autour de personnages et autres entités ainsi que des actions menées par ces personnages. À chaque moment de la narration, certains de ces personnages sont mis au premier plan et d’autres en arrière plan. Les changements d’état dans cette mise au premier plan au cours du processus de compréhension reflètent alors l’aspect dynamique d’un récit. À la lecture d’un texte, le lecteur doit donc être capable de maintenir au premier plan les personnages et autres entités du discours afin d’être en mesure de les connecter à différentes parties du texte. Deuxièmement, un récit décrit un ensemble d’actions et de scènes sur lesquelles l’attention portée par les lecteurs varie semblablement et conjointement à celle des personnages impliqués dans ces scènes. Sanford et Garrod (1981,1998) postulent alors que les entités actuellement pertinentes du discours (i.e., les personnages) sont maintenues au sein du focus explicite alors que les situations actuellement pertinentes (i.e., caractéristiques du protagoniste, actions, scènes…) définies sous le terme de scénarios constituent le focus implicite. Parallèlement, les auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle le focus explicite a une capacité de stockage limitée et par conséquent que sont maintenues en focus explicite uniquement les entités discursives qui n’ont pas donné lieu à un scénario. À l’inverse, le focus implicite n’est pas limité en termes de capacité de stockage mais est envisagé comme une partie actuellement activée de la MLT c’est-à-dire privilégiée en termes de facilité d’accès. Les scénarios sont supposés être des représentations de situations spécifiques, disponibles en MLT ce qui implique le fait que le focus implicite ne soit pas le simple reflet des informations textuelles mais une interprétation. Ces deux systèmes distincts, chacun possédant ses propres propriétés, sont reliés l’un à l’autre par des appariements entre la représentation référentielle discursive des personnages et les rôles qu’ils occupent dans les représentations des scénarios.