1.3.3.2 Présentation générale du modèle de Résonance

En accord avec l’approche du traitement du texte basé sur la mémoire, Myers et O’Brien (1998) considèrent l’étude du processus responsable de la réactivation des informations au cours de la lecture comme prioritaire et nécessaire dans la mesure où il met à disposition pour le lecteur, les informations dont il a besoin pour construire une représentation mentale cohérente du texte. Ce modèle s’inscrit dans la lignée des modèles de Construction-Intégration (Kintsch, 1988, 1998) et d’appariement de scénario et d’attention focalisée (Sanford & Garrod, 1981, 1998) dans lesquels le processus de compréhension est défini ‘« plus comme de la perception qu'une résolution de problème ’»ou comme un ‘« processus d’appariement de pattern rapide ’» et qui envisagent l’intervention d’une machinerie inférentielle classique plus lente uniquement lors de l’échec de ce processus. Toutefois, à l’inverse de ces modèles qui décrivent le processus de compréhension dans sa totalité, le modèle de Résonance s’attache à décrire précisément ce processus mnésique de récupération défini comme un processus d’accès par appariement de patterns. (pattern-matching access process).

Ce modèle est basé sur l’hypothèse selon laquelle les concepts et propositions issus de la phrase en court de traitement ainsi que ceux de parties antérieures du texte maintenus en MDT servent de signaux à la représentation épisodique du texte. L’intensité de ces signaux pourrait dépendre du degré d’attention allouée aux éléments discursifs qu’ils représentent, mais le processus initié par ces signaux n’est pas sous le contrôle du lecteur, il opère de façon autonome. Sur la base des modélisations classiques de la mémoire (Hintzman, 1986 ; Ratcliff, 1978), les auteurs postulent que ce processus est un processus de résonance par lequel les concepts et propositions de la représentation épisodique et des connaissances du lecteur résonnent en fonction du degré d’appariement avec les unités d’entrée. Cet appariement dépendrait des chevauchements de traits sémantiques et contextuels entre les concepts et des chevauchements d’arguments entre les propositions. Les éléments en mémoire contactés par le signal initial, envoient en retour des signaux à d’autres éléments de la mémoire. Pendant cette résonance, des activations se construisent et lorsque le processus se stabilise, les éléments les plus activés sont intégrés en MDT.

Ce processus de résonance possède deux caractéristiques principales. La première est qu’il est continu, un signal étant continuellement envoyé en parallèle à l’ensemble de la mémoire. Autrement dit, tout changement du contenu de la MDT entraîne un changement des informations qui résonnent au sein de la représentation épisodique et des connaissances générales du lecteur. Au cours du processus de compréhension, les informations en mémoire sont donc soumises à un flux constant d’activation. La deuxième réside dans le fait qu’il est dénué d’intelligence. Toute information qui résonne suffisamment intègre la MDT indépendamment du fait qu’elle facilite ou perturbe les traitements subséquents. Cette passivité du processus de résonance conduit les auteurs à supposer l’intervention d’un second processus dont le rôle est d’évaluer en permanence le contenu de la MDT. Ce processus d’évaluation permettrait de détecter les situations dans lesquelles le système est en échec, par exemple quand une référence anaphorique n’engendre pas la récupération de l’antécédent approprié ou lorsque deux informations contradictoires co-apparaissent en MDT. Lorsque le processus de résonance ne met pas à disposition pour le lecteur les informations requises pour l’interprétation des éléments en cours de traitement, les auteurs proposent l'alternative suivante. Premièrement, le lecteur peut de nouveau focaliser son attention sur le contenu actuel de la MDT afin qu’un nouveau signal soit envoyé à l’ensemble de la MLT. Cette opération peut continuer jusqu’à ce que les informations nécessaires à la compréhension de l’énoncé soient réactivées ou jusqu’à ce que le lecteur décide de poursuivre la lecture, les phrases subséquentes pouvant probablement lui fournir les éléments nécessaires. Deuxièmement, confronter à un échec dans l’intégration des nouvelles informations, le lecteur peut avoir recours à un processus actif de résolution de problèmes. Les buts du lecteur ou ses standards de cohérence détermineront alors d’une part, quand il faut et si il faut s’engager dans une activité de résolution de problème et d’autre part, la nature et la quantité des informations nécessaires à la résolution du problème.