1.3.3.3 Modélisation du processus de résonance

Dans ce modèle, la représentation mentale est définie comme une structure de récupération constituée de collections de traits conceptuels et perceptifs, d’informations ‘« interitem ’» ainsi que d’images épisodiques et issues de la base de connaissances. Les images épisodiques diffèrent de celles issues de la base de connaissances du lecteur par leur contenu qui est relatif aux éléments du contexte expérimental et des informations textuelles comme par exemple, le thème du texte. Les éléments de la représentation épisodique du texte sont les propositions, les concepts ainsi que les indices des phrases qui correspondent essentiellement à des indices contextuels locaux. Les auteurs proposent trois règles de communication entre les éléments en mémoire. La première règle prévoit un passage direct des signaux (ou du signal) entre les indices des phrases et les éléments qui représentent les propositions de cette phrase. Ensuite, les signaux circulent entre les propositions et les concepts qui les composent. Enfin, selon la troisième règle, les signaux passent entre deux propositions quand elles partagent un élément commun ou lorsque tous les arguments sont identiques. La représentation peut alors être envisagée comme un réseau au sein duquel des nœuds représentent les éléments, et les lignes qui les connectent les liens. Toutefois, d’après les auteurs, définir la représentation comme une structure de récupération au sein de laquelle les éléments ne seraient pas physiquement reliés mais résonneraient, chaque élément contacté, renvoyant un signal à d’autres éléments, s’accorderait davantage avec l’idée d’un processus d’activation fonctionnant comme un processus perceptif ou un processus d’appariement de patterns.

Quant au processus de résonance, les auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle les éléments en mémoire résonnent en réponse aux entrées actuelles au sein du système mnésique. Lors du traitement d’une nouvelle phrase, un signal initial diffuse à partir des indices, des concepts et des propositions dérivés de celle-ci ainsi que des éléments similaires des phrases précédentes maintenus en MDT. Le processus de résonance peut être automatiquement initié à la lecture d’un texte qui a des traits en commun avec des informations stockées précédemment en mémoire, ou le lecteur peut consciemment initier la recherche, par exemple d’un antécédent pour une anaphore ou d’une cause pour un événement présent dans la phrase en cours de traitement. Néanmoins, le processus de résonance opère de façon autonome, uniquement sur la base des relations entre les indices de phrase, les concepts et les propositions. En d’autres termes, il engendre une résonance directe des éléments contactés en mémoire, qu’il soit automatiquement ou consciemment mis en place.

Dans leur modèle de simulation, les auteurs ont représenté le processus de résonance par une série de cycles discrets. Pendant le premier cycle, les éléments de la représentation épisodique résonnent en réponse au signal émanant des informations en MDT. Les règles de communication décrites auparavant permettent de déterminer les éléments qui seront contactés et de quelles informations en cours de traitement le signal émane. Le signal de tous les éléments a une force égale à 1 et se divise de façon équivalente sur l’ensemble des informations mises en résonance. Cette répartition de la force du signal est importante parce qu’elle permet de réduire l’effet des concepts qui apparaissent tout au long d’un texte. Par exemple, le protagoniste d’un récit est souvent connecté avec de nombreux éléments dispersés au sein de la représentation épisodique. Pendant le processus de résonance, l’information qui représente le protagoniste contacte de multiples informations qui résonnent alors faiblement. À l’inverse, les éléments possédant peu de connexions, envoient un signal vers un nombre plus restreint d’informations et influencent davantage les éléments mis en résonance. Le cycle suivant implique que les éléments qui résonnent en réponse au signal initial, en retour, initient un signal vers les autres informations en mémoire dont celles à l’origine du signal initial. Le signal émis par un élément i pendant le cycle n dépend alors de la résonance actuelle de cet élément. La force du signal est ainsi une fraction de la valeur actuelle de résonance qui décroît à travers les cycles en fonction d’un paramètre d’atténuation déterminé. Lorsque la force du signal atteint un certain seuil, elle est remise à zéro. La résonance prend fin lorsque tous les éléments n’initient plus de signal. Lorsque les cycles de résonance cessent, un ensemble des éléments résonnant le plus sont considérés comme activés. Ils font alors partis du contenu de la MDT et seront à l’origine du signal initial subséquent avec les indices, concepts et propositions de la phrase suivante. Dans cette modélisation, les changements de disponibilité des informations au cours de la lecture dépendent alors du degré d’interférence avec les autres concepts qui résonnent, plutôt que de changements au niveau de la force d’un nœud. La force des nœuds ne varie pas en fonction de leur valeur de résonance ni en fonction d’un retour ou pas de l’information qu’ils représentent en MDT.

Ainsi, en accord avec l’approche du traitement du texte basé sur la mémoire, le modèle de Résonance repose fondamentalement sur l’idée selon laquelle le processus de compréhension est sous-tendu par un processus hautement automatique. Ce processus de résonance permet au lecteur d’accéder rapidement et facilement aux informations de la représentation épisodique ainsi qu’à ses connaissances générales, l’accessibilité aux informations étant indépendante de leur pertinence et des buts du lecteur. Toutefois, à l’inverse du modèle d’Attention focalisée et d’Appariement de scénario (Sanford & Garrod, 1981, 1998) et du modèle de Construction-Intégration (Kintsch, 1988, 1998) qui supposent une structure intermédiaire de stockage temporaire afin de rendre compte de cette facilité d’accès aux éléments nécessaires à la compréhension, le modèle de résonance postule l’intervention d’un processus mnésique suffisamment puissant permettant un changement constant de la disponibilité des informations au cours de la lecture.