3.1.3.1 Principaux postulats

La théorie constructionniste repose fondamentalement sur l’idée selon laquelle le processus de compréhension est guidé par le principe de recherche ou effort de la signification (search or effort after meaning). Ce principe de recherche de la signification repose sur trois principaux postulats. Premièrement, le processus de compréhension est dirigé par les buts du lecteur. Selon ce postulat, le lecteur représente la signification d’un texte en fonction de ses buts, et il fait tous les efforts pour les atteindre.

Deuxièmement, le lecteur tente de construire une représentation cohérente à la fois au niveau local et au niveau global des événements, des états et des actions d’un texte. Selon les auteurs, la cohérence est atteinte lorsque les éléments et constituants du discours sont conceptuellement connectés par les structures de connaissances antérieures du lecteur, par le modèle de situation construit ou encore par les frontières linguistiques. La cohérence locale est établie lorsque des relations conceptuelles existent entre des entités adjacentes du discours, et elle repose essentiellement sur les caractéristiques linguistiques et textuelles. Trois types d’inférences sous-tendraient alors le maintien de la cohérence local au cours de la lecture : les inférences référentielles, les inférences relatives à l'assignation des rôles d'une structure de cas (case structure role assignments), ou encore les inférences d’antécédents causaux. Dans cette approche, la cohérence globale implique l’organisation des parties locales des informations en une structure de plus au niveau. Par exemple, inférer une morale ou un thème permet d’organiser de multiples événements et épisodes d’un récit. Cette construction nécessite notamment que les informations en cours de traitement puissent être connectées aux parties antérieures d’un texte. À l’inverse de l’approche du traitement du texte basé sur la mémoire, les auteurs postulent que l’accès aux informations préalablement traitées repose sur la mise en place d’un processus qui recherche activement les informations nécessaires et, qu’une fois les informations requises trouvées, les transfère en MDT.

Enfin, le troisième postulat central de cette approche repose sur l’idée selon laquelle le lecteur cherche continuellement à expliquer pourquoi les actions, les événements et les états sont mentionnés dans un texte et pourquoi l’auteur les cite explicitement. Cette recherche des explications implique que le lecteur fasse tous les efforts pour atteindre la cohérence au cours de la compréhension et pour cela qu’il ait recours aux théories naïves de la causalité psychologique et physique. L’hypothèse selon laquelle le processus de compréhension est guidé par les questions de type "pourquoi" plutôt que par d’autres questions conduit les auteurs à supposer la production au cours de la lecture de certains types d’inférences. Expliquer pourquoi des événements involontaires se produisent, implique que le lecteur infère les antécédents causaux ainsi que les états rendant possible ces événements. Parallèlement, définir les raisons pour lesquelles les personnages réalisent intentionnellement certaines actions nécessite de disposer des buts superordonnés et des antécédents causaux qui déclenchent ces buts. En revanche, les inférences relatives aux buts subordonnés et celles relatives aux conséquences causales ne constituent des réponses appropriées aux questions de type ‘« pourquoi ’» et, par conséquent ne seraient pas produites au cours de la lecture.

Pour résumer, cette approche postule qu’au cours de la compréhension, les lecteurs tentent de construire un modèle de la situation évoquée par le texte qui satisfasse leurs buts, qui soit cohérent et qui explique pourquoi les actions, les événements et les états sont apparus dans le texte. Sur la base de ces trois postulats, la théorie constructionniste prévoit, dans la majorité des conditions de traitement, la production au cours de la lecture les trois principales classes d’inférences présentées ci-après.

  1. Les inférences relatives aux buts superordonnés du protagoniste qui motivent explicitement les actions présentes dans un texte.
  2. Les inférences relatives aux antécédents causaux qui expliquent pourquoi une action, un événement ou un état est explicitement mentionné dans un récit.
  3. Les inférences thématiques globales qui intègrent les parties importantes d’un texte ou qui transmettent le thème d’un message.

La théorie constructionniste émet l’hypothèse selon laquelle les lecteurs abandonneraient le principe de recherche de la signification au moins lors de trois situations. Ainsi, ces inférences ne seraient pas générées au cours de la lecture, premièrement si le lecteur est persuadé que le texte est ‘« inconsidéré ’» (i.e., absence de cohérence globale et de message), deuxièmement, si le lecteur ne possède pas les connaissances antérieures qui lui permettent d’établir les faits et de maintenir la cohérence globale et enfin, si les buts du lecteur ne requièrent pas la construction d’un modèle de la situation.