6. L’application de la déduction et de l’induction : le cas des textes constitutionnels

Nous pouvons donc noter qu’au niveau de l’Etat, les dispositions du système fédéral s’opposent, dans le principe, au concept de la communauté du type filial ce qui prédispose les tenants de la politique à pratiquer des relations contractuelles groupales. Les relations peuvent être définies comme des relations « de bas en haut » avec la Loi fondamentale comme élément de médiation. Celle-ci est en évolution permanente par des jurisprudences dues aux expériences vécues.

En France, la notion d’imposition citoyenne apparaît plus présente. Les relations sont plutôt verticales, « de haut en bas. » La constitution se pose comme un idéal à réaliser avec les droits de l’homme comme horizon. 25 Cette remarque est observable dans l’architecture des deux textes constitutionnels.

Dans la structure d’écriture, la Constitution française s’évase de haut en bas en partant du Président de la République, elle traite du Gouvernement, ensuite sont exposées les dispositions du Parlement, etc.… L’organisation hiérarchique des responsabilités est ainsi structurellement composée.

A l’inverse, la structure de la Loi fondamentale donne la responsabilité première à l’individu qui est représenté au fur et à mesure dans les instances du Gouvernement avec des situations contractuelles sous le regard de la Cour de justice mais aussi entre les députés du Bundestag et les conseillers du Bundesrat pour le vote des lois. En effet, la Loi fondamentale aborde, dans un premier temps, les Droits fondamentaux, puis la Fédération et les Länder, ensuite le Bundestag et le Bundesrat puis le Président et le Gouvernement.

La référence au respect de la dignité humaine est majeure dans les deux pays tant dans la Constitution française, avec la Déclaration des droits de l’homme, que dans la Loi fondamentale qui pose comme préalable les Droits fondamentaux. La pratique de la démocratie présente des différences qui peuvent se traduire par une volonté d’appliquer les règles de la Constitution pour la France et la recherche de satisfaire les Droits fondamentaux pour l’Allemagne.

Nous pouvons comprendre, à ce stade de notre étude, une approche pragmatique du vécu au quotidien par les Allemands qui chercherait à tendre vers un idéal ; en 1999, ils avaient apporté 41 modifications à la Loi fondamentale. Les Français tendraient vers une approche rationaliste dans l’application de la constitution afin de préserver le pouvoir acquis auprès des électeurs.

La notion de contrat apparaît déterminante. Elle est vécue sous la forme communautaire par les allemands, et, sous forme individuelle par les français. Ainsi, en Allemagne, ce contrat s’exprime par une relation concrète et pragmatique dans une mise en conformité avec une réalité communautaire. Il vise donc à intégrer les individualités dans une démarche naturelle, au regard d’un environnement qui peut évoluer par l’expérience vécue ; c’est le cas de la Loi fondamentale qui est sujette à cette expérimentation. En France, le contrat est d’une autre nature. Il repose sur la confiance réciproque et la considération mutuelle que chacun porte aux autres. Ce contrat est d’ordre moral, il inspire les comportements sans les imposer tout en rendant les acteurs responsables de leurs actes.

Ces notions ancrées dans une trajectoire historique de chacun des pays perdurent dans les organisations politiques. Elles traduisent concrètement une considération des relations humaines au regard de la dignité humaine.

Notes
25.

« …Des pionniers de la pensée tels que Voltaire, non seulement trouvèrent en Allemagne des auditoires ouverts à leurs idées, mais aussi des penseurs de la même trempe.

« C’est l’un d’entre eux, à savoir le grand philosophe Emmanuel Kant, qui forgea la formule : « Chez les Allemands, le génie s’épanouit davantage à la racine, chez les français à la fleur », extrait du discours prononcé par M. Helmut Kohl, Le traité de l’Elysée a 25 ans, op. cit. p. 23.