1.1 Les origines militaires de l’éducation

A l’origine, dans l’antiquité, l’éducation est totalitaire. Comme la religion, elle est étroitement dépendante de l’organisation économique, sociale et politique. Les méthodes correspondent exactement à l’esprit et aux fins morales de l’époque : la mémoire et l’imitation sont les facultés les plus exercées. La discipline admet normalement la punition corporelle. Il s’agit de conformer chacun au monde dans lequel il évolue.

Les textes anciens, traduits, sont saisis dans un vocabulaire moderne avec le sens que nous lui donnons aujourd’hui. C’est ainsi qu’on peut convenir que le précepteur est un pédagogue au sens étymologique du terme ; il est chargé de l’éducation d’un enfant, d’un jeune homme ou d’une jeune fille. Dans son Dictionnaire de la langue française, Littré nous précise : « L’Education est un mot récent, autrefois on disait nourriture, l’instruction est relative à l’esprit et s’entend des connaissances que l’on acquiert et par lesquelles on devient habile et savant. L’Education est relative à la fois au cœur et à l’esprit et s’entend, et des connaissances que l’on fait acquérir et des directions morales que l’on donne aux sentiments. » 32

En Perse, l’éducation, admirée par Xénophon, présente trois caractéristiques : étatique, elle prend l’enfant à la famille à l’âge de sept ans ; militaire, elle apprend au futur guerrier le maniement des armes et des chevaux, l’endurcit à la fatigue, à la faim et à la soif ; morale, elle vise à former le caractère par la pratique et l’exemple, elle enseigne la justice et la vérité.

A Sparte, cité militaire par excellence, les citoyens sont formés à l’obéissance et au service de l’Etat. La démocratie athénienne était limitée et oligarchique. Quoi qu’il en soit, Athènes a conçu une éducation qui développait la personnalité dans le souci du bien et du bonheur de l’individu, ce que l’on pourrait appeler un humanisme.

L’éducation romaine est conforme au caractère romain, militaire et patriotique. Utilitaire il subordonne l’individu à l’Etat et à la loi. Les romains furent créateurs du droit qui porte encore son nom. L’éducation militaire et religieuse se donnaient dans la famille. Caton représente cette idée qui créa des guerriers et des citoyens, mais aussi un peuple égoïste et dur. Sa force tient d’abord à la puissance de la famille et à l’autorité illimitée du père. La discipline était rude, le respect de la force et l’imitation étaient les seuls principes pédagogiques. Dans tous les pays occupés par l’armée romaine, l’école sera l’instrument de pénétration en particulier avec le latin.

Après les invasions du début de notre ère, c’est à la culture anglo-saxonne que Charlemagne fit appel ; Alcuin d’York fut son conseiller et le directeur de son école du Palais, sorte de modèle pour l’Europe occidentale. Plus tard, l’abbé de saint Martin de Tours devint son conseiller, et son disciple, Raban Maur, étendra son influence en Germanie.

Outre le fait d’observer la circulation « européenne » des principes éducatifs portés par les précepteurs, force est de constater aussi la fusion entre la référence sociale, la pratique de la morale avec l’enseignement religieux et la formation des soldats dans les origines de l’éducation. Ces variables constituent ainsi une conception politique fondée sur un mode transmissif, de reproduction sociale qui nécessitait sa défense. Normative, l’éducation visait à conformer l’individu à l’idée que les éducateurs se faisaient du modèle social. L’éduqué était donc un objet d’éducation tandis qu’on occultait la notion de personne en tant que porteuse d’humanité.

Notes
32.

Littré, 1876, p. 1303.