1.3 Un processus social de professionnalisation militaire : un métier qui s’apprend

L’éducation professionnelle qui se confond avec la vie familiale, va se développer au rythme de l’évolution des villes et du commerce. Les artisans d’un même métier se groupent en corporation, sectorisent le travail et créent la première organisation de l’apprentissage avec une hiérarchie dans des petits ateliers : Maîtres, Compagnons et Apprentis. 40

Au XI° siècle, les Chevaliers sont des soldats de métier. Leur éducation, nous l’avons vu, s’organise avec une grande similitude avec les apprentis. Si l’adolescent, placé auprès d’un maître, est lié par un contrat oral, pour un temps déterminé pendant lequel il doit servir « en toute fidélité et prud’homie », il reçoit un certificat qu’on exigerait de lui s’il voulait devenir compagnon ou maître. De même, les personnages d’une condition peu élevée n’obtiennent leur admission dans l’ordre de la chevalerie qu’à la suite d’un noviciat et sous la conduite d’un parrain. Les adeptes s’y abaissent au rôle de valets, dans l’espoir d’étaler un jour des manières de grand seigneur. Le droit d’avoir des valets leur est acquis le jour de leur réception.

Dans cette période, l’éducation militaire devient, ainsi, une éducation professionnelle. La notion d’européanisation et de rationalisme perçues comme une réalité dans les universités, ne l’est pas moins dans les institutions militaires. En effet, en 1584, Maurice de Nassau devient chef du gouvernement en Hollande. 41 Il privilégie l’instruction des troupes. Il veut, grâce à l’instruction, être supérieur aux adversaires. Les troupes sont dressées à exécuter avec rapidité des manœuvres qu’on leur prescrirait au combat ; dans ce but il les entraîne à prendre les formations avec une régularité qui approche l’automatisme. Créateur du drill, Nassau est un précurseur ; il impose l’instruction de terrain de manœuvre avec une manière de faire qui comporte : subordination acceptée, ordre, instruction, ponctualité et rapidité.

Le mode d’éducation du Moyen-Age tend à se perpétuer, ce qui transforme les méthodes en recettes et mécanismes avec des abus d’autorité, des excès de verbalisme et d’exercices de mémoire. Au XV° siècle, un pédagogue néerlandais, Agricola, pouvait écrire : « Une école ressemble à une prison ; ce sont des coups, des pleurs et des gémissements sans fin. »

Notes
40.

Aujourd’hui, les armées ( françaises et allemandes )sont organisées en trois corps : les officiers, les sous-officiers et les militaires du rang. A chacun des corps est attribué une fonction : de conception pour les officiers, de mise en œuvre pour les sous-officiers et d’exécution pour les militaires du rang. Il faut noter que les armées de l’Europe de l’Est ont un corps de sous-officiers quasi inexistant.

41.

CORVISIER (sous la dir.), op. cit., p. 335.