CHAPITRE 3 
L’ENRACINEMENT DE LA FORMATION DANS LES NATIONS

La formation intègre plusieurs variables que les instances éducatives, politiques ou professionnelles tentent d’harmoniser. Or, Platon a mis en évidence que la cité pouvait être une image agrandie de l’individu pour développer une morale. 60 Ainsi, selon lui, les différentes fonctions de la cité correspondraient alors aux diverses fonctions de l’âme : celle du travailleur manuel à la concupiscence, celle du guerrier à l’appétit irascible, celle du magistrat à la raison.

Cette unité de l’âme (de l’homme), Kant l’a affirmée dans la définition de sa conception de l’individu : « Que tout homme, partout dans le monde et en tout temps, constitue une individualité existentielle élémentaire à considérer comme fin en soi, voilà qui est devenu depuis Kant et grâce à lui une idée que l'on ne peut ignorer et dont il est admis qu'elle doit guider la conduite des hommes. » 61

C’est aussi précisément ce que présente la Bundeswehr dès lors que le concept d’Innere Führung conçoit l’individu en articulant trois variables : l’homme, le citoyen et le soldat. 62 Or, cette conception a été introduite après la deuxième guerre mondiale pour donner des orientations démocratiques à la nouvelle armée allemande. Elle est cependant lourde de signification puisqu’elle désigne implicitement la responsabilité du soldat allemand vis-à-vis de sa nation en l’imprégnant de la dimension citoyenne à l’allemande.

En France, « …l'homme garde un rôle prééminent. le soldat est un citoyen au service de son pays. » 63 Dans cette perspective, le soldat est serviteur de sa nation, mais de la nation française. D’ailleurs les dispositifs politiques corroborent la démarche de former des citoyens en considérant une dimension humaine et en ajoutant une dimension professionnelle, puisque le ministre français de la jeunesse, l’éducation et de la recherche rappelle que : « notre action s’inscrit bien sûr dans le cadre des missions fondamentales de l’école : instruire, c’est-à-dire transmettre des connaissances et une culture ; éduquer, c’est-à-dire former le futur adulte et le futur citoyen dans une société démocratique ; enfin préparer la vie professionnelle. » 64

Nous pouvons observer, a priori, une sorte d’incompatibilité entre les définitions des deux types de soldat, allemand et français, qui s’inscriraient résolument dans chacune des références culturelles nationales, ce qui nous incitent à identifier les racines de la formation dans chacune des armées.

Notes
60.

Encyclopédie Hachette, op. cit., tome 9, p. 3500.

61.

Heinrich KANZ, op. cit. p. 813-830.

62.

Livre blanc sur la sécurité de la République fédérale d’Allemagne et la situation et l’avenir de la Bundeswehr, éd. par le Ministère fédéral de la défense au nom du gouvernement, distribué par Streikräfeamt Am Wiesenpfad 49, 53340 Meckenheim, Presse – und Informationamt der Bundesregierung, Welckstrasse 11, 53105 Bonn, 1994.

63.

L’exercice du métier des armes : fondements et principes, Etat-major de l’armée de terre française, préface du général d’armée Mercier, Chef d’Etat-major de l’armée de terre, Paris, janvier 1999, p. 13.

64.

FERRY (L.), op. cit. p. 8.