2. L’approche raisonnée de la formation militaire en France

L’architecture pédagogique de la formation initiale de tous les soldats français de l’armée de terre comporte systématiquement trois phases. La première consiste à aborder la culture militaire. Elle est posée comme la référence qui éclaire chaque soldat dans son action militaire et son comportement en tant que citoyen mais aussi plus largement en tant qu’homme.

D’une durée variable, elle est organisée dans les Ecoles de Coëtquidan pendant une année pour les officiers, à Saint-Maixent l’Ecole pendant huit mois pour les sous-officiers, mais aussi dans les régiments pendant quatre mois pour les militaires du rang. Elle vise une dimension éducative dans l’apprentissage d’une responsabilité individuelle face à tous les événements et toutes les situations qui sont naturellement inconnus et imprévisibles a priori ; c’est ce que précise le manuel de pédagogie de l’armée française : « L’agent principal du processus d’éducation n’est pas le maître mais l’élève, et instruire c’est donc amener les élèves à s’approprier eux-mêmes le savoir. » 122

C’est une formation au comportement sachant qu’il ne s’impose pas mais qu’il peut s’acquérir. Reconnaissant les différences, étant lui-même singulier, le soldat français mène une réflexion sur son état de soldat, quel que soit le corps d’appartenance : officier, sous-officier ou militaire du rang. Il doit montrer de la mesure dans une posture d’une réelle neutralité. La directive particulière de formation des sous-officiers demande aux stagiaires d’obéir de raison. Il s’agit : « dans une armée professionnelle, le devoir de tout cadre investi d’une fonction de commandement est de rendre progressivement autonome et apte à se déterminer par lui-même le personnel qui sert sous ses ordres. » 123

Enclin à préserver la dignité humaine, le soldat français vise à défendre la paix à laquelle lui-même aspire. 124 Ce document de référence pour l’ensemble de l’armée de terre rappelle en particulier, après une analyse raisonnée :

Ces dispositions sont en réalité la déclinaison des objectifs politiques poursuivis en matière de comportement militaire dès lors que le Président de la République précise : « il faut que le comportement des chefs militaires et de leurs subordonnés soit exemplaire, tant dans la vie courante que dans les situations de crise. Le privilège exorbitant de l’emploi de la force, qui leur est donné par la Nation, a pour contrepartie une exigence de courage et de loyauté, de respect de la dignité et de la vie des hommes et des femmes dont ils sont responsables. Ceci suppose, dans les unités, une discipline adaptée aux règles de la société et du droit, mais sans faiblesse. » 129

Cette position qui fonde et oriente à la fois la formation à la responsabilité individuelle des militaires français est réaffirmée par le Président de la République en 2003 : « Il est urgent aussi que l’Europe s’impose en tant qu’acteur international. Elle est un exemple pour tous ceux qui refusent la fatalité de la guerre. Son rêve n’est une vaine gloire dont elle a épuisé les illusions mais de mettre sa puissance au service de la paix. » 130

L’apprentissage à la prise d’initiative traduit ainsi la pratique d’une intelligence de situation ou de l’appel à la raison. Cette pratique est donc inspirée par le système culturel fourni par la Nation qui l’oriente en même temps. Ce véritable apprentissage à la responsabilité individuelle précède la formation technique dite « de l’arme » : infanterie, génie, artillerie… D’une durée variable suivant l’expertise, cette deuxième phase se déroule, à titre d’exemple, pendant trois ans pour devenir infirmier d’Etat, pendant deux ans pour devenir pilote d’hélicoptère, pendant une année pour devenir officier d’une arme, pendant deux mois pour devenir pilote de char. Cette formation technique a lieu dans l’une des vingt-quatre écoles de l’armée de terre ou dans les régiments.

La troisième phase concerne essentiellement les sous-officiers et les militaires du rang. Elle consiste en une période de vérification d’aptitude de la mise en œuvre des acquis des deux premières phases. Elle s’organise dans les régiments.

Notes
122.

Manuel de pédagogie militaire, ministère de la défense, état-major de l’armée de terre, bureau instruction, édition de 1985, réimprimé en 1991, p. 3.

123.

Directive de formation, Ecole nationale des Sous-officiers d’active, 1999. Consulté dans l’institution ; ce document a valeur d’organisation du travail en matière de formation.

124.

Document institutionnel de l’armée de terre de l’armée française, L’exercice du métier des armes : fondement et principes, préfacé par le général d’armée Mercier, chef d’état-major de l’armée de terre., armée de terre, 1999.

125.

id p. 19

126.

Ibid

127.

id p. 20

128.

id p. 26.

129.

Préambule des directives de formation de l’Ecole Nationale des Sous-officiers d’Active en France, 1999.

130.

M. Jacques CHIRAC, op. cit.