6. Une formation des militaires du rang de type « communautaire »

La formation des militaires du rang français et allemands est organisée sur le même principe, avec les mêmes effets fusionnels. Cette formation présente aussi un décalage avec l’organisation des sous-officiers et des officiers français dans la dimension culturelle. Elle interdit l’ouverture culturelle au militaire du rang en le cantonnant dans un régiment. Ce type de formation valide l’application du système culturel caractéristique du référentiel allemand et, en même temps, s’oppose à l’apprentissage de la responsabilité individuelle du système culturel de la nation française.

La formation organisée par les institutions est complétée par une formation moins formelle qui s’inscrit dans le continuum des personnes. Aux dispositions que nous avons précédemment évoquées, l’institution maintient des activités de mutation tant dans des organismes différents que dans des fonctions différentes.

Cette disposition est plus prégnante dans l’armée française que dans la Bundeswehr. Il est vrai qu’en vertu du principe de l’égalité des chances, un militaire du rang français peut devenir sous-officier puis officier. Ainsi, engagé au titre d’un métier dans un régiment, il peut être successivement spécialiste détenteur d’une expertise puis chef d’une équipe avant de rejoindre l’école des sous-officiers pendant trois mois. Il dirigera ensuite un groupe d’une dizaine d’hommes dans un régiment et il effectuera une à deux missions de quatre mois par an pendant cinq ans hors de son organisme d’affectation. Il pourra changer de fonction pour occuper un poste orienté sur la gestion technique et administrative. Inscrit dans une formation continue, il suivra un cours par correspondance pendant un an tout en exécutant ses missions au quotidien. En cas de réussite, il suivra un stage de perfectionnement de deux à six mois, il pourra diriger un groupe d’une trentaine d’hommes ou devenir formateur et changer de régiment. Lorsqu’il aura trente ans, il pourra suivre un cours par correspondance pendant un an pour devenir officier en recrutement interne.

S’il est admis, il suivra un stage d’un an en même temps que les officiers sortant de Saint-Cyr. Il mettra en œuvre ses connaissances techniques qui ne seront que ravivées tout en servant pour les saint-cyriens de modèle de « sous-officier ancien. » A l’issue de ce stage, il rejoindra un régiment où il dirigera à nouveau un groupe d’une trentaine d’hommes, il fera un séjour de quatre à six mois en opération extérieure, il sera officier logistique, formateur. Après quatre ans, il sera muté suivra un stage de management de quatre mois puis dirigera un organisme d’une centaine d’hommes pendant deux ans avec au moins un séjour en opération extérieure de quatre mois. A l’issue, s’il parle couramment anglais et s’il possède un DEUG, il suivra un stage d’officier d’état-major pour devenir officier rédacteur dans un état-major.

Ce déroulement de carrière montre la multiplicité des situations que peut rencontrer un cadre de l’armée de terre en France et les enseignements qu’il peut retirer en termes de développement personnel. Chacun pour ce qui le concerne, le soldat français et le soldat allemand sont intégrés dans un système communautaire, naturel et organique. Dans la Bundeswehr les soldats sont cloisonnés, pour la grande majorité, dans une corporation qui les différencie et dans laquelle il s’identifie. Dans l’armée française, certes le changement de corps est possible et accessible à celui qui s’inscrit dans une démarche de progrès, cependant, les stigmates de la culture de son organisme prend le pas sur les éléments culturels qui caractérisent sa Nation. La situation contractuelle crée d’ailleurs une rupture identitaire qui installe le soldat dans le refuge d’une identité collective.