CONCLUSION

En conclusion de ce chapitre, nous pouvons montrer la complémentarité des deux conceptions de la nation dans deux fonctions spécifiques. En effet, chacune des conceptions éclaire une organisation sociale au regard de la considération portée à la nature humaine. L’une repose sur l’idée que les soldats doivent se conformer à une organisation prédéterminée qui se définit dans une identité collective. L’intégration est un conditionnement valorisé par une connaissance historique et traditionnelle. L’autre avance l’idée sur la nécessité de construire le tissu social à partir de la volonté des soldats qui devraient pouvoir apprécier les situations toujours imprévisibles.

Mais, la confusion est entretenue par deux théoriciens si on les considère isolément. La théorie de Clausewitz considère, en effet, le lien possible dans le « savoir-faire pratique » du métier dans la mesure où les raisons d’intervention sont dictées par le politique pour atteindre ses fins. Le but est la guerre. Le soldat défend la politique du moment. Lyautey, quant à lui, développe une autre conception qui valorise la responsabilité individuelle en accordant au soldat une fonction d’éducation qui prévaut sur une fonction de guerre. Le lien est alors de l’ordre de la morale.

C’est pourquoi, il est possible d’attribuer des fonctions différentes à chacune des conceptions qui inspirent les deux systèmes culturels. La contractualisation, critère d’une conception rationaliste, peut constituer l’assise d’une organisation sociale mais elle ne peut prétendre servir de fondement à la formation individuelle du soldat supra-national, puisque la formation de la personne repose sur l’œuvre de la Bildung qui se définit comme un processus de formation intériorisée de chaque soldat.

De ce point de vue, les conceptions de Fichte et de Renan ne s’opposent pas, elles se complètent. Elles ne doivent pas être considérées comme des conceptions d’une organisation sociale d’une nation mais elles s’inscrivent dans le champ de la formation pour l’une et dans le fonctionnement social pour l’autre. Ces deux attributions peuvent être admises dès lors que l’on introduit le respect de la dignité humaine comme élément de médiation dans l’usage qui peut être fait des deux conceptions. En formation, le respect de la dignité humaine consiste à respecter la construction identitaire de chaque individu qui est unique, qui constitue une unité et qui se développe dans une continuité. Il en résulte que dans une organisation sociale, le respect de la dignité humaine repose sur la reconnaissance des identités individuelles dans une acceptation de vivre ensemble.