2. Des interventions humanitaires et des conflits armés

Sous l’influence d’organisations internationales et sous l’identification d’ONG, les interventions humanitaires se sont ainsi développées. Elles ont d’ailleurs été légitimées par la communauté internationale en 1999 avec l’attribution du prix Nobel de la paix à Médecins Sans Frontières qui, d’après sa présidente en assemblée de l’organisation en octobre 1999, « …a été au premier plan des secours humanitaires depuis sa création en 1971… Au cours de ces 25 ans d'existence, MSF a été un acteur essentiel dans les catastrophes naturelles majeures, protégeant les plus nécessiteux. Le fait d'accorder cette année le prix Nobel de la paix à MSF souligne la reconnaissance du rôle indispensable des travailleurs humanitaires dans le monde, dont la sécurité est de plus en plus menacée. »

Cependant, en juin 1999, la crise du Kosovo a aiguisé le débat entre partisans et adversaires du droit d'ingérence humanitaire.

En réalité, c'est à l'occasion de l'intervention militaire de plusieurs Etats occidentaux au Kurdistan irakien, en avril 1991, que l'on a, pour la première fois, évoqué l'émergence d'un véritable « droit d'ingérence. »

L'action a été présentée comme destinée à protéger les Kurdes alors sévèrement réprimés par les autorités irakiennes. Le respect des droits de la personne devait dorénavant être assuré par des actions menées par la « communauté internationale », par l'intermédiaire des institutions compétentes ou de certains Etats prêts à en défendre les valeurs essentielles. Le Conseil de sécurité des Nations unies, cette fois comme dans tous les cas suivants, invoquait une « menace contre la paix et la sécurité internationale. »

Ce même motif justifia l'autorisation explicite donnée par le Conseil à l'opération « Restore Hope » (« Restaurer l'espoir »), menée en Somalie à partir de la fin 1992. Officiellement, il s'agissait de mettre fin à l'anarchie qui y sévissait, en vue de rétablir des conditions minimales d'existence.

En 1994, c'est la France qui conduisait au Rwanda l' « Opération turquoise », officiellement destinée à protéger les populations de la guerre génocidaire qui déchirait le pays. Dans la même lignée, on peut encore citer les interventions militaires en Bosnie-Herzégovine (1994-1995), au Liberia et en Sierra Leone, en Albanie (1997) ou au Kosovo (1999.)

En revanche, l'intervention internationale en Irak après que ce pays eut envahi un Etat souverain, le Koweït, est alors par définition hors champ du "droit d'ingérence". La participation de la France dans cette guerre du Golf sous le nom de Daguet, s’inscrit dans une référence culturelle qui consiste à s’interposer entre deux belligérants pour défendre le plus faible en s’opposant à celui qui est le plus agressif. L’agresseur étant considéré alors comme celui qui cherche à imposer sa loi au détriment de la volonté des membres de la partie agressée.

Si cette distinction théorique est relativement aisée au niveau des Etats, elle sollicite néanmoins une posture culturelle propre à la neutralité et à l’impartialité. Elle exige de ne pas prendre partie. L’intervention en ex-Yougoslavie est un exemple dès lors que les interventions consistaient à s’interposer entre Serbes et Bosniaques afin de stopper ce qui a été qualifié d’épuration ethnique dès lors que les seuls motifs d’agression reposaient, en grande partie, sur des considérations ségrégationnistes. Or, après quelques temps, il s’avère que les Serbes, agresseur de départ, sont devenus agressés par l’autre partie, les Bosniaques. Les forces d’interposition ont alors désigné temporairement les Bosniaques en tant qu’adversaires.

Les difficultés sont d’une autre nature quand il s’agit de réagir en cours d’action. En s’inscrivant dans la problématique ci-dessus entre Serbes et Bosniaques, comment le soldat doit-il se comporter dès lors que l’adversaire n’est pas définitivement désigné ? Comment le soldat doit-il réagir dès lors qu’il a pris l’ascendant sur son adversaire ?

L’analyse de la première question sera développée plus loin. Pour répondre à la deuxième question, nous pouvons observer l’un des derniers faits de guerre de l’armée française dans le sens d’une réponse militaire avec un adversaire désigné ; l’opération porte le nom du lieu de l’engagement : le pont de Verbanja.