2. Les principes de la méthode

Le cœur étant l’expression de l’affectif et de l’amour pour les enfants, il s’agit alors de les garder dans le giron familial puisque c’est ainsi que peuvent croître leurs potentialités. Cette conception s’appuie sur une relation sentimentale qui développe certes l’esprit communautaire mais qui cependant, selon Pestalozzi, devra permettre d’accéder à la tête. La tête étant alors le stade à atteindre celui de l’appel à la raison, au discernement et à la capacité de jugement, car le jugement est le centre de la préoccupation de Pestalozzi. Pour lui apprendre à juger, c’est en réalité être capable d’articuler : la tête, le cœur, la main.

Le stade du cœur ne peut donc pas se concevoir comme une pratique sociale mais il demeure une condition pour accéder à la raison. Dans la méthode de Pestalozzi, nous pouvons ainsi identifier la préservation de l’identité culturelle de l’enfant qui, selon Hannoun, se définit par : l’unité, l’unicité, la continuité. 297 A Stans, Pestalozzi entretenait cette identité et veillait à la préserver dès lors qu’il précise qu’il « ne m’était pas davantage possible de leur imposer au premier abord la contrainte rigide d’un ordre et d’une discipline extérieure, et de les élever intérieurement en leur prêchant des règles et des prescriptions. » 298 L’intention de Pestalozzi est alors de préserver l’œuvre de la Bildung, pour que chaque enfant puisse faire œuvre de lui-même.

La méthode de Pestalozzi pose alors la question qui rejoint l’objet de notre étude : comment préserver l’œuvre de la Bildung, au risque de développer un esprit corporatiste fondé sur les sentiments, et en même temps de développer la capacité de jugement fondé sur la raison au risque d’entrer dans une relation de contrainte et coercitive ?

Pour passer du cœur à la tête, Pestalozzi introduit la main. La main symbolise l’action qui permet à l’enfant de passer du stade des sentiments au stade de la raison. La rupture apparente ne concerne que la relation entre l’enfant et l’éducateur puisque l’identité de l’enfant, doit être préservée dans sa continuité, son unité et son unicité.

Cette opération est aussi celle d’un soldat installé dans une référence identitaire collective, nationale et construite. Il doit effectuer un passage vers un élargissement de son référentiel sans rupture.

Pestalozzi imagine alors de réaliser des exercices de dépassement de soi en particulier en accueillant d’autres enfants dont la venue ne pouvait que perturber l’aisance et la relative quiétude qu’ils avaient acquises à Stans. 299 Il définit ainsi le moment, le but et la manière de pratiquer l’acte pédagogique de l’éducateur qui devra produire un savoir pédagogique de sociabilité.

Sa démarche pédagogique repose sur trois points particuliers :

L’expérience de Stans se présente comme un modèle pour observer une formation du soldat de la paix. Les enseignements tirés de Pestalozzi vont éclairer notre action de formation et nous permettre d’énumérer quelques critères de précaution pour l’éducation d’un soldat de la paix. Comme Pestalozzi visait les sentiments de l’humanité, nous gardons à l’esprit que l’élément de médiation, inscrit dans les constitutions de l’Allemagne et de la France, demeure le respect de la dignité humaine.

Notes
297.

HANNOUN (H.). – L’intervention éducative dans le conflit identité-intégration , in la revue Penser l’éducation, Philosophie de l’éducation des idées pédagogiques, N°2, 1996, p. 61.

298.

PESTALOZZI, op. cit. p. 29.

299.

Id. p. 33 et 34.

300.

Id. p. 39.