3.4. L’émergence d’un savoir-faire pédagogique

Cette intervention se termine ainsi. Elle est terminée dans ma fonction d’animateur avec le projet programmatique, en revanche elle devient une source intarissable dans ma préoccupation de « formateur-chercheur. » Quelques enseignements parcellaires sont retenus ici.

En premier lieu, ce que les groupes ont pu fournir ne reflète pas la réalité de ce que chaque participant a retenu de cette intervention interactive. Un participant d’un groupe a pu rejoindre un point de vue général sans y adhérer parfaitement et un autre a pu exposer un point de vue sans que le groupe ait retenu son avis. Les travaux d’Abraham Pain nous le rappellent. 358 Cependant, sans augurer d’une formation, l’échange traduit une réalité éducative et une production de savoirs.

Aussi, est-il remarquable de constater que les éléments fournis par les participants évoquent les articles du code du soldat. Les experts en sciences humaines imputeraient cette réussite à la dynamique de groupe ; la diversité des approches a certainement favorisé cette réalisation en moins de trois heures.

Bien sûr, il aurait été intéressant de poser la question en désignant le soldat allemand : « En vous appuyant sur vos aspirations, quels sont les principes que nous pourrions donner au soldat allemand pour l’exercice de son métier » ? Cette question reste sans réponse argumentée par les groupes, mais lors de la restitution, un participant a fait remarquer que « ces principes pouvaient intéresser n’importe quel soldat » sans réaction de rejet des autres participants.

Cette expérience a bien évidemment des limites, par exemple dans le sens accordé au vocabulaire. Les Allemands ont demandé un exemplaire du code du soldat que les germanistes du programme ont traduit. Or quelques difficultés ont vu le jour dans le sens que chacun attribue aux mots. A titre d’exemple, l’article 8 du code prévoit : « Attentif aux autres et déterminé à surmonter les difficultés, il œuvre pour la cohésion et le dynamisme de son unité. » Le mot « unité » était traduit dans le sens de globalité, homogénéité, or le sens donné dans la rédaction en français peut se traduire par « troupe » mais il est plus correct de lui donner le sens « d’organisme » ou de « régiment » ; c’est-à-dire le lieu de vie du soldat professionnel.

Cette présentation ne signifie pas non plus que les pacifistes du programme se rangent naturellement dans une référence de défense armée. Mais comment comprendre leur participation active à un tel travail qui implicitement reconnaît l’existence du soldat ? Comment comprendre que des participants aux origines si diversifiées ont pu se consacrer avec autant de pertinence dans la reconstruction du code de soldat français ? Comment les militaires allemands ont pu participer à la rédaction d’un code du soldat français ?

Notes
358.

PAIN (A.). - Education informelle, les effets formateurs dans le quotidien. Paris, L’Harmattan, 1990 (défi formation), 256p.