3. Les principes de comportement et d’action

De l'analyse des fondements et des exigences, se dégagent quatre principes propres à inspirer les comportements individuels et l'action collective, en tous temps, en tous lieux et à tous les niveaux. Ils ne sont pas à hiérarchiser mais s'imposent dans une suite logique et sont indissociables.

Le premier principe résulte du cœur même de la spécificité, tel qu'exprimé précédemment et fait écho à ce qui a été identifié comme le paradoxe essentiel de l'état de militaire. Il peut se formuler comme suit :

"Cultiver et pratiquer des règles de conduite qui fondent, sur des consciences fermes et fortes et sur l'excellence professionnelle, la mise en œuvre résolue d'une force maîtrisée."

Ainsi peut s'exprimer la traduction éthique du concept opératif et tactique de maîtrise de la force élaboré par ailleurs. Ce concept ne doit pas prêter à contresens : il ne s'agit pas de sacrifier à un effet de mode dans un affadissement de la force qui la rendrait du même coup inopérante. La force reste la force, c'est-à-dire la capacité de prendre l'ascendant, si nécessaire, par la contrainte ; ainsi s'imposent les principes tactiques de base qui permettent de parer aux vulnérabilités, d'imposer sa volonté à l'adversaire et de préserver la liberté d'action. Mais cette capacité s'inscrit dans un monde marqué à la fois par l'ampleur du pouvoir de destruction des armements modernes, et dans une civilisation qui fait du respect de l'homme et de la vie une valeur centrale. Il en découle que la force, rigoureusement suffisante etproportionnelle aux effets à obtenir, devra être strictement adaptée au but poursuivi, qui est toujours le rétablissement de la paix ; ainsi seront par exemple privilégiés les attitudes et les modes d'action dissuasifs, plutôt qu'une logique systématique de guerre totale et dévastatrice.

Cette éthique doit éclairer aussi bien les codes de comportement que l'exercice de l'autorité, notamment dans la conception et la conduite de l'action. Elle est au cœur du système de formation, avec, en particulier, sur la base de la connaissance des textes de référence, la multiplication d'études de cas concrets, de tous niveaux, à partir des expériences vécues, qu’elles aient abouti à un succès ou à un échec.

  • Faire vivre des communautés militaires unies dans la discipline et dans la fraternité d’armes.

Mais les consciences fermes et fortes, évoquées plus haut, ne seront telles que si elles peuvent se nourrir d'un sentiment collectif qui les transcende. C'est pourquoi un deuxième principe vient nécessairement compléter le premier :

"Faire vivre des communautés militaires unies dans la discipline et dans la fraternité d’armes."

On aura reconnu la réaffirmation du rôle de l'esprit de corps développé précédemment, avec ses exigences et ses limites. Ce principe doit inspirer tout particulièrement l'exercice de l'autorité, en ce que, combinant fermeté et fraternité d'armes, il lui revient de nourrir l'âme collective, de dynamiser le groupe et de donner un sens à l'action à travers notamment des traditions vivantes et un cérémonial rénové. En subordonnant le destin individuel au destin collectif, il s'agit bien de permettre à l'individu d'exprimer le meilleur de lui-même au profit de l'objectif commun, avec un sensmarqué de la loyauté, de la solidarité et de l'initiative.

On l'a vu, ce principe doit être éclairé par un principe supérieur, susceptible de procurer à la fois la légitimité et le cadre éthique nécessaires à l'état de militaire :

"Servir la France et les valeurs universelles dans lesquelles elle se reconnaît."

  • Servir la France et les valeurs universelles dans lesquelles elle se reconnaît.

L'action militaire sert toujours un but politique qui est celui de la France, défini par les autorités politiques légitimes auxquelles l'armée est strictement subordonnée, dans la loyauté, la franchise, la transparence et la confiance réciproque. De même, l'action collective, comme les comportements individuels, s'inscrivent bien dans le respect des valeurs fondatrices de la communauté nationale exprimées à travers la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et traduites dans la devise de la République. Dans un cadre international, le soldat, à tous les niveaux, est porteur de l'image de la France et de son honneur. C'est particulièrement le cas dans les opérations complexes souvent placées sous le regard des médias. Là encore, ce troisième principe doit inspirer les codes de comportement et la formation, de même que les traditions et le cérémonial.

  • Cultiver des liens forts avec la communauté nationale.

Ce principe ne serait que déclaratoire s'il ne s'appuyait pas sur un quatrième qui en assure la matérialité :

"Cultiver des liens forts avec la communauté nationale."

La symbiose entre l'armée et la communauté nationale est, comme on l'a vu précédemment, une nécessité vitale. Elle sera réalisée si se généralise, à tous les niveaux, un état d'esprit rayonnant à travers une multitude de canaux et grâce à des relations personnalisées et partenariales. Il s'agit pour les militaires à la fois de se faire connaître et de se faire apprécier par la société civile, mais aussi d'être à l'écoute de celle-ci pour rester en phase avec elle. Le devoir de neutralité dans les domaines philosophique, religieux, politique ou syndical s'impose alors naturellement.

Par ailleurs, un juste équilibre doit être trouvé entre la préparation opérationnelle, qui est la priorité, et une attention au service public, gage de sentiment d'utilité, d'estime et de confiance, qui devra le plus souvent revêtir un caractère d'échange contractuel. Les codes de comportement, la formation, les traditions et le cérémonial, la communication devront y concourir.