UNIVERSITÉ LYON II LUMIÈRE
UFR D’HISTOIRE
THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR
en histoire contemporaine
DE LA MANUFACTURE AU MUR
Pour une histoire matérielle du papier peint (1770 – 1914)
Directeur de thèse
Monsieur Serge Chassagne
Jury
Monsieur Serge Chassagne, professeur d’histoire moderne, université de Lyon 2 Lumière
Monsieur Jean-Claude Daumas, professeur d’histoire contemporaine, université de Franche-Comté
Monsieur Bernard Deloche, professeur de philosophie, université de Lyon 3
Monsieur François Loyer, directeur de recherches, CNRS
Monsieur François Pupil, professeur d’histoire de l’art, université de Nancy 2
Le 27 septembre 2003

Coquilles & errata

1.

p. 8, l. 9 : aux

p. 9 : paragraphe en italique, par erreur

p. 12 : paragraphe en italique, par erreur

p. 13, l. 21 : avant-guerre…

p. 16, l. 8 : 35e

p. 18, l. 2 : d’histoire consacrée au papier peint…

p. 18 , l. 17-19 : paragraphe en italique ; l. 20-23 : double intervalle

p. 19 : l. 3 : la démocratisation du luxe »

p. 28, note 63 : la technique…

p. 33, l. 13 : tristes…

p. 40, l. 4 : manufactures115, …

p. 46, l. 6 : . De son côté…

p. 47, l. 12 : clients ; la paix, l. 23 : très présente(9 mai 1796) : …

p. 49, l. 24 : maison »164 . Ce…

p. 52, l. 9 : A Mulhouse…

p. 55, l. 4 : dispose d’un spécialiste, l. 15 : il vaut mieux :, l. 24 : vendre le goût…

p. 57, l. 16 : de suite.

p. 62, note 214 : Redouté…

p. 66, note 231 : livres

p. 74, l. 4 : dessinateurs qui gagnent, l. 15 : travail.

p. 76 : Risler : sans

p. 77, note 272 : L’Ambassade de la Compagnie orientale des Provinces-Unies

p. 78 : les lois concernant…

p. 86, l. 26 : en 1798 et 1800.

p. 89, l. 6 : d’Annonay, 24 livres…

p. 89, note 314 : André 1996, qui constate…

p. 90, l. 15 : différents318., l. 19 : en 1794, l. 23 : Delagarde…

p. 99, l. 15 : à froid ;

p. 105, note 368 : livres

p. 110, l. 22 : adroit ;

p. 115, l. 6 : rangement.

p. 122, l. 13 : 6348 livres ; l. 24 : de la ville.

p. 125 : l. 13 : nécessaires,

p. 127, l. 2 : Delarosière…

p. 133, l. 3 : beaucoup.

p. 135, l. 17 : Roi.

p. 137, l. 6 : ressemblent a s’y méprendre a du bois…

p. 138, note 473 : blanches d’un effet ravissant,

p. 142, l. 15 : heurte à une ; l. 20 : à partir…

p. 144, l. 14 : montrent que les papiers peints…

p. 146, l. 19 : (voir annexe 4). l. 22 : reste importante.

p. 150, l. 5 : Sigmund Michael Munck, le… ; l. 22 : les quantités…

p. 151, l. 3 : en Allemagne) ;… ; l. 4, à Marseille… ; l. 23 : 6525 livres de vente…

p. 152, l. 18 : avec les combats Si…

p. 153, l. 8 : 56 % du total. C’est…

p. 155 : 1.5.1.1 La pose à broquettes

p. 159 : du XVIIIe siècle : le propos…

p. 160, l. 19 : état de conservation. Une…

p. 161, l. 5 : en pierre à 36… ; l. 10 : italique

p. 164, l. 11 : de Réveillon. Ce dernier, dans son Exposé

p. 170, l. 18 : parisiens,

p. 174, l. 2 : demande à Raflin…

p. 176, l. 3 : Engelbach à Hambourg…

p. 179, l. 2 : architecturaux,… ; l. 23 : n’y a-t-il pas…

p. 182, l. 1 : XIXe siècle,… ; l. 9 : lieux. ; l. 17 : Cryger Jr. à New York… ; note 518 : vol. IV…

p. 192, l. 20 : En 1797, à l’occasion…

p. 197, l. 8 : 1787 du Journal

p. 204 : premier paragraphe en romain et aligné sur le reste du texte.

p. 207, l. 20 : (…à l’antique), ce qui…

p. 209, l. 1 : référence à leur pose… ; l. 13 : ce n’est pas le seul…

p. 211, l. 4 : de fleurs, appartiennent…

p. 212, l. 5 : plus grossiers695  :

p. 214, l. 23 : Et, de fait…

p. 233, l. 6 : 359 livres,…

p. 234, l. 8 : à Guntersblum,

p. 237, l. 5 : il est réalisé

p. 248, l. 6 : de mode 797,…

p. 250, l. 11 : C’est là

p. 256, l. 20 : Havard.

p. 260, l. 20 : On retrouve la souplesse…

p. 261, l. 23 : à Rixheim…

p. 265, l. 19 : à Guntersblum…

p. 271, l. 10 : 1786880 .

p. 273, l. 5 : trouve là

p. 282, l. 2 : XIXe siècle…

2.

p. 291, l. 1 : L’affirmation de l’industrie du papier peint au cours de la première moitié du XIXe siècle : le papier peint panoramique.

p. 316, l. 20 : demandes expresses de…

p. 319, l. 16 : à peu près

p. 323, l. 16 : la couleur (ill° 11.4)

p. 325, l. 7 : donnent des couleurs…

p. 326, l. 12 : siècle (ill° 11.7)…

p. 327, l. 6 : en 1847 à Rixheim172 .

p. 339, l. 3 : d ’Illustrations of…

p. 347, l. 11 : (Jacquemart, vers 1825)

p. 353, l. 21 : le catalogue…

p. 360, l. 13 : tropicale256 .

p. 371, l. 25 : expliquent

p. 373, l. 10 : pour la maison,

p. 374, l. 1 : déviter…

p. 381, l. 4 : ill° 34…

p. 394, l. 11-14 : paragraphe en romain, aligné sur le reste de la page

p. 403  l. 23 : lés en est exposée…

p. 406, l. 21 : l’obscur Sauvinet de Paris

p. 414, l. 19 : 7). De…

p. 418, l. 15 : très grande souplesse…

p. 419, l. 10 : à ce que ces papiers peints aient donné lieu… :

p. 426, l. 14 : le D r August...

p. 427, l. 1 : supposent

p. 428, l. 12 : 1 & 2). ; l. 18 : ill° 21.1) ;…

p. 453, l. 13 : sont sortis des presses…

p. 461, l. 25 : février) retardent le projet :

3.

p. 568, l. 3 : en revanche, après 1860, ils ne sont plus…

p. 588, note 118 : ajouter les n° 6088 et 6090.

p. 593, l. 3 : anglo-saxon, à la recherche d’une nouvelle esthétique, n’a rien produit…

p. 614, l. 24 : sont un produit de luxe…

p. 619, l. 17 : de la firme…

p. 623, note 236 : française).

p. 660, l. 7 : la Cueillette des oranges…

p. 666, l. 13 : y est de mise.

p. 689, l. 23 : précédent 427 .

p. 695, l. 10 : d’œuvre437 .

p. 727

Tocqueville (Alexis de)

De la démocratie en Amérique, Paris 1840 (édition de 1848, Folio, 1986)

p. 731, l. 4 : pour l’Exposition universelle de 1855… l.5 : après Wyatt (Dygby) : supprimer la ligne blanche

p. 733, l. 10 : Une femme d’affaires au XVII I e siècle

p. 734, l. 22 & Oberlé (Raymond) dir.

p. 735, l. 5 : après Palmade (Guy) : supprimer la ligne blanche

p. 735, l. 26 : après Haemmerle (Albert) : supprimer la ligne blanche

p. 739, l. 27 : Jacqué (Bernard) dir.

Les papiers peints en arabesques de la fin du XVIII e siècle, Paris-Rixheim 1995

p. 745, l. 24 : Kammerer-Grothaus (Helke) : supprimer la ligne blanche

p. 747, l. 7 ; après Richert (Gertrud) : supprimer la ligne blanche.

p. 766, l. 37 : L’affirmation de l’industrie du papier peint au cours de la première moitié du XIXe siècle : le papier peint panoramique.

Remerciements

En 1972, Odile Kammerer, depuis conservatrice au Musée des arts décoratifs de Paris, m’inocula le virus du papier peint : on n’en guérit pas ! J’ai eu ensuite le privilège de mettre sur pied et de diriger le Musée du papier peint de Rixheim, ce qui m’a mis en contact avec un fonds sans équivalent. Tout au long de ces années, les Présidents successifs, Pierre Jaquet, Adrien Ketterer, Paul Giband et Daniel Reibel ont vigoureusement soutenu la politique de recherche de l’institution : qu’ils en soient vivement remerciés.

Gérard Binder; alors Président de l’Université de Haute-Alsace, m’encouragea vivement à concrétiser ces recherches sous la forme d’une thèse et m’offrit le moyen matériel de réaliser ce projet. Serge Chassagne accepta de me diriger : nos entretiens, ses conseils, ses relectures aussi minutieuses que critiques m’ont permis de progresser dans cette rude tâche.

Ce travail n’aurait pu se faire sans l’aide permanente de Philippe de Fabry, archiviste-documentaliste du Musée du papier peint, qui a su rendre utilisable un grand nombre de sources, d’ouvrages et d’articles que j’ai largement exploités. Un coup de chapeau très cordial aussi à Marc-Henri Jordan qui m’a fait libéralement profiter de ses propres recherches dans les archives de la Maison du Roi et m’a signalé, au cours des années, d’innombrables documents en rapport avec ce travail.

Mes contacts avec les grandes collections de papier peint ont été facilités par leurs responsables que j’ai grand plaisir à remercier : Véronique de la Hougue à Paris, Sabine Thümmler à Kassel, Christine Woods à Manchester et Joanne Kosuda-Warner à New York.

Il me serait impossible de citer ici tous ceux qui m’ont apporté leurs critiques, ouvert des portes, facilité le travail en répondant obligeamment à mes demandes. Que soient ici remerciés : Angélique Amandry, Hendrik Bärnighausen, Verena Baumer-Müller, Jürgen Beyer, Josette Brédif, Ed Polk Douglas, Louis Dumont, R. P. Emlen, Charlotte Gere, Robert M. Kelly, Burckhard Kieselbach, Eloy Koldeweij, Kveta Krizova, Aloys Lauper, Chris Ohrstrom, Benoît Meyer, Eliane Michelon, Richard C. Nylander, Raymond Oberlé, Anne-Catherine Page, Xavier Petitcol, Claire Piguet, Petar Puhmajer, Pascal Ruedin, Evelyne Schmitt, Hermann Schöpfer, Camille de Singly, Jacques et Françoise Subes, Peter Thornton, Dimitri Tkatch, Christian Tortu, Isabelle Ursch-Bernier, Christine Velut, Marie-Claire Vitoux, Lutz Walter, Geert Wisse, Christian Witt-Döring, Bertrand Zuber.

Mes remerciements tout particuliers s’adressent à Christine Delerm qui a eu la patience et la gentillesse de relire avec soin mon texte et d’en éliminer un maximum de fautes.

Enfin, mon épouse, Jacqueline, mes enfants, Isabelle et Philippe, m’ont soutenu dans tous les sens du terme, avec constance et résolution tout au long de ce travail et m’ont permis de le mener à terme.

1. Pour une historiographie du papier peint

Selon ce que l’on entend par papier peint, de simples feuilles de papier collées côte à côte sur le mur ou, à la façon de ce que nous connaissons mieux, des rouleaux, son origine date du XVIe ou du XVIIe siècle. Les premières tentatives pour en faire plus ou moins systématiquement l’histoire datent du XIXe siècle2. La plus ancienne semble être la conférence que John Gregory Crace3 prononce le 14 février 1839 sur « The History of paperhangings » devant le Royal Institute of British Architects de Londres, qui la publie dans son journal. En France, l’approche historique ne remonte guère qu’à 1851 : le manufacturier Jean Zuber-Karth4 lit le 27 août 1851 à la Société Industrielle de Mulhouse un Rapport sur l’industrie du papier pour tentures  à la suite de l’Exposition de Londres de 1851 ; la Société Industrielle décide son impression le 26 novembre de la même année. Ce Rapport inclut un « historique de l’industrie du papier peint » sous la forme du Chapitre 1er.Les Reports by the Juries de la classe 26 à l’Exposition, parus à Londres en 1852, introduisent aussi dans leur compte-rendu une large introduction historique.

Le texte de Jean Zuber retrace une brève histoire du papier peint, de la Chine à l’Angleterre, puis à la France qui devient leader, « en 1780 environ », et le reste en dépit de nouveaux pays fabricants, les USA surtout depuis les années 1830. En bon industriel, il insiste surtout sur la dimension technique en montrant l’évolution de la fabrication. Il ajoute enfin un tableau statistique par pays précisant le nombre de tables, de machines, d’ouvriers, de « chevaux de force », le nombre de rouleaux produits, leur valeur en francs et la valeur moyenne d’un rouleau.

Le texte anglais est beaucoup plus précis (il cite par exemple le Dictionnaire universel du commerce de Savary5) ; il souligne la compétition que se livreraient les fabricants français et britanniques dans ce domaine depuis le XVIIe siècle6 ; il décrit les procédés de fabrication en insistant sur l’avenir de l’impression mécanique, alors en plein essor. Il reproduit enfin la statistique de Jean Zuber, tout en critiquant sa sous-estimation de la production anglaise7.

Dans les années suivantes, les rapports officiels ou officieux des Expositions universelles continuent à donner lieu à ce type d’exercice historique : en 1855, par exemple, le rapport anglais de l’Exposition de Paris, sous la plume de Digby Wyatt8, insiste davantage sur les débuts de l’industrie anglaise au XVIIIe siècle et surtout, en utilisant les Rapports des Expositions françaises des produits de l’industrie, écrit la première histoire précise de la production française au XIXe siècle, sans erreurs majeures. En 1867, à la suite de l’Exposition de Paris, De Kaeppelin publie dans la Nouvelle technologie des arts & métiers de E. Lacroix une étude consacrée à la fabrication des papiers peints où il fait une large place à l’histoire française et anglaise de ce domaine au XIXe siècle9. L’ouvrage de W.F. Exner Tapeten- und Buntpapier-Industrie, publié à Weimar en 1869, reprend ces données, d’autant plus facilement qu’Exner a été membre du jury de l’Exposition de 1867.

A l’exception du chapitre consacré au papier peint par Charles Blanc dans sa Grammaire des arts décoratifs de 1881, il est vrai plus centré sur la dimension esthétique qu’historique, les années suivantes n’apportent rien de véritablement neuf, les auteurs se recopiant les uns les autres jusqu’à l’Exposition de l’Union centrale des Arts décoratifs à Paris en 1882 consacrée aux « arts du bois, des tissus et du papier ». Elle donne lieu à un texte de Victor Potterlet10, dessinateur majeur de papiers peints et co-fondateur de l’union centrale des arts décoratifs, et de P. Rioux de Maillou : la dimension historique prend de l’ampleur, avec des références précises à des almanachs et des guides pour le XVIIIe siècle, à l’expérience professionnelle de Potterlet pour le XIXe siècle. Dix illustrations complètent le texte, couvrant toute l’histoire du papier peint ; les auteurs reproduisent même des documents néoclassiques voués alors aux gémonies, en particulier dans leurs assertions. La voie est désormais ouverte à des travaux plus approfondis. En 1887, l’industriel et collectionneur Félix Follot donne à la Bibliothèque Forney une « causerie sur le papier peint » qui présente des éléments historiques neufs, sur le XVIIIe siècle en particulier : des documents issus de sa collection l’illustrent.

Henry Havard va plus loin dans son Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration publié de 1887 à 1890 ; il rassemble des données historiques nouvelles, en particulier sur le XVIIIe siècle : Havard fait alors un véritable travail d’historien ; ne se contentant pas de généralités, il a dépouillé de nombreuses sources, des inventaires depuis la fin du Moyen Age et des publications du XVIIIe siècle, guides, almanachs, mais aussi Savary, l’Encyclopédie et Papillon ; pour le XIXe siècle, il fait surtout appel aux Rapports d’exposition et il est là beaucoup moins neuf que pour la période précédente.

La fin du siècle n’apporte rien de notable. Par contre, lors de l’Exposition de 1900 à Paris, le manufacturier et collectionneur Félix Follot11, est responsable de l’Exposition rétrospective et centennale du papier peint. Comme il l’écrit dans sa préface au catalogue12, il collecte depuis plus de 40 ans des papiers peints ; le petit-fils du manufacturier Jacquemart lui a donné les albums de référence de Réveillon et de ses successeurs jusqu’en 1840 ; « petit à petit et patiemment », il a rassemblé un fonds exceptionnel, complété en 1900 par des prêts. Il est à même de présenter trois cents pièces lors de ce qui semble être la première exposition historique de papier peint après celle de l’Union des arts décoratifs en 1882. De plus, cette exposition est accompagnée d’un catalogue illustré qui reste un ouvrage de base, en particulier parce que Follot a sans doute eu accès à des sources que nous ignorons. L’accent est porté sur le XVIIIe siècle, dominé par la figure haute en couleurs du manufacturier Réveillon auquel est consacrée la seule véritable monographie, alors que les autres entreprises, du XIXe siècle en particulier, ne font l’objet que de simples mentions.

La plupart des documents de Follot proviennent directement de manufactures qui les lui ont souvent donnés ; en conséquence, ces papiers peints sont le plus souvent neufs et bien documentés, mais, par contre, ils ne reflètent aucunement l’histoire de l’intérieur ; beaucoup, par exemple, sont des modèles d’exposition, produits à peu d’exemplaires. C’est là un trait majeur des collections françaises, ce qui influence fortement l’historiographie dans ce pays, à la différence, nous le verrons, de la démarche anglo-saxonne.

La seconde moitié du XIXe siècle a vu aussi paraître des articles décrivant des manufactures. Déjà, dès 1819, Sébastien Le Normand avait décrit la manufacture Dufour d’un point de vue purement technique 13; son texte, à peine modifié, connaît deux rééditions14. L’ensemble de monographies le plus important est le fait d’Exner en 1869 15; il est très précis pour les entreprises françaises et celles de l’espace germanique, beaucoup moins pour les autres pays, dont la Grande Bretagne. Par ailleurs, la firme Gillou donne lieu à une monographie en 186716 et Turgan, dans ses Grandes usines : études industrielles en France et à l’étranger 17 présente :

Le renouveau de l’approche vient des Etats-Unis. A partir de 1883 surtout, à la suite de leur centennial, les Américains redécouvrent leur passé – un passé où les papiers peints couvrent les murs depuis l’époque géorgienne. Ils ne disposent cependant pas de collections : leur démarche va donc dans un sens différent qui s’affirme dès la première publication notable, l’ouvrage pionnier de la journaliste Kate Sanborn, Old time wall-papers, en 1905 ; pour l’essentiel, son histoire repose sur les documents que l’auteur a retrouvés sur le mur. L’antiquaire Nancy V. McClelland (1877-1959)18 reprend le chantier : tout en chinant en France, elle rassemble de la documentation qu’elle complète par un inventaire systématique de ce qu’elle trouve in situ Outre-Atlantique, les panoramiques en particulier, dont c’est la première étude systématique ; elle montre plus spécialement les liens étroits entre la France et les États-Unis dans ce domaine puisque l’essentiel des papiers peints de qualité posés en Amérique vient de France jusqu’à la fin du XIXe siècle. Elle a l’occasion, au cours de ses recherches, de rencontrer le conservateur français Henri Clouzot qui s’intéresse à la question depuis l’avant- guerre, puisque son premier article date de 191219. Il préface son ouvrage Historic wall-papers de 1924, publie un catalogue raisonné des papiers peints panoramiques de Dufour en 193020 avant de proposer de son côté une première synthèse rapide en 1931 : Le papier peint en France du XVII e & XIX e siècles, qu’il complète avec Charles Follot, le fils du collectionneur Félix Follot pour aboutir à la publication en 1935 de l’ouvrage qui a fait date dans l’historiographie française et internationale : l’Histoire du papier peint en France. Si ce livre rassemble une importante documentation puisée pour le XVIIIe siècle dans les archives et les almanachs, il ne renouvelle guère la connaissance du XIXe siècle, fondée pour l’essentiel sur les rapports d’exposition ; et alors que Clouzot s’est toujours intéressé, dans son activité de conservateur au Musée Galliera, à la production contemporaine, il s’arrête ici à la fin du XIXe siècle. Le tiers de l’ouvrage est consacré au seul Réveillon et les trois cinquièmes au seul XVIIIe siècle. L’iconographie puise presque exclusivement dans la collection Follot et il n’est pas une seule fois fait mention d’un papier peint in situ ; les auteurs ne s’intéressent pas non plus au marché. On en reste pour l’essentiel à une histoire des styles qui magnifie le XVIIIe siècle pour mieux décrier le XIXe siècle. Tel quel, ce livre, édité luxueusement, a du moins le mérite de faire connaître le papier peint au public cultivé international ; il reste la seule référence française jusqu’en 1967.

L’histoire du papier peint fait aussi de rapides progrès Outre-Manche dans les années 1920. Coup sur coup paraissent trois ouvrages. En 1923 est tout d’abord publié l’ouvrage de Phyllis Ackerman, centré surtout sur le motif, mais qui, dans un chapitre historique, s’efforce de faire une histoire internationale. En 1926, ce sont deux industriels anglais, Alan Victor Sugden & John Ludlam Edmonson qui proposent de leur côté la première grande synthèse anglaise : A history of English wallpaper, 1509-1914. La date de 1509 se réfère à un papier retrouvé en 1911 à Cambridge dont les Britanniques ont fait une icône de l’histoire du papier peint21 . Plus moderne dans sa conception que le livre de Clouzot & Follot22, cet ouvrage fait la part belle aux techniques ; il donne aussi une série de monographies élaborées des entreprises anglaises du secteur. Il affirme enfin avec force le renouveau anglais après 1851, ouvrant la porte à une longue historiographie qui fait de la production anglaise de cette époque, celle de William Morris en particulier, la source de toute modernité dans le domaine des arts décoratifs, une opinion encore très (trop ?) présente actuellement dans les publications britanniques. Du moins, les auteurs, à la différence de Clouzot & Follot, ne s’arrêtent-ils qu’en 1914. Enfin, en 1929, Charles C. Oman réalise le premier catalogue des collections de papier peint du Victoria & Albert Museum : très différentes de la collections Follot, elles sont formées pour l’essentiel de documents démontés du mur. L’auteur introduit son travail par une savante histoire du papier peint centrée sur l’Angleterre et la France23 : notons que ce catalogue est le premier publié depuis celui de Félix Follot en 1901.

Or, il existe depuis 1923 à Kassel, en Allemagne, le seul musée consacré exclusivement au papier peint : mais aucun catalogue n’est publié, pas même pour les expositions que le musée organise dans diverses villes allemandes avant 1939. Jusqu’alors, la contribution allemande à l’histoire du papier peint se trouve rassemblée dans les ouvrages techniques du XIXe siècle : Schmidt (1856), Exner (1869), Seemann (1892). Pourtant, un travail de fond se réalise au Musée, qui aboutit en 1970 à une somme sans équivalent sur l’histoire du papier peint, en Allemagne, mais aussi dans le monde occidental : Tapeten, Ihre Geschichte bis zur Gegenwart, sous la direction d’Heinrich Olligs. Outre la synthèse des connaissances alors acquises, les trois tomes rassemblent une ample documentation sur l’industrie allemande. Malheureusement, la barrière de la langue a fortement réduit l’influence de cet ouvrage fondamental, en particulier dans les pays anglo-saxons. Il en est de même pour la somme d’Albert Haemmerle sur les Buntpapier de 1961 ou celle de Frederieke Wappenschmidt sur les Chinesische Tapeten de 1989. Cette dernière, jamais traduite, est en particulier totalement ignorée de l’historiographie anglo-saxonne qui a multiplié les articles sur telle ou telle série de papiers peints chinois dans les intérieurs britanniques en reprenant toujours les mêmes erreurs de datation.

Il faut attendre en France l’exposition Trois siècles de papiers peints au Musée des arts décoratifs de Paris24 en 1967 pour voir renaître la recherche dans ce pays : le riche catalogue de cette exposition met en valeur le fonds parisien et révèle en même temps la qualité des collections conservées à Rixheim par la manufacture Zuber & Cie. L’approche reste stylistique, mais l’exposition lance, sinon la recherche, du moins un inventaire des riches collections françaises : Jean-Pierre Seguin, conservateur au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, met sur pied un programme de recherche dans le cadre de la 35e section du CNRS qui met en valeur les fonds de Zuber & Cie à Rixheim et ceux de la Bibliothèque Forney à Paris25 ; la collection de Forney fait l’objet d’un catalogue en 198026 ; quant à la collection de Rixheim, inventoriée jusqu’en 1850, elle donne naissance, après de longues tractations, au Musée du papier peint en 1982, enrichi par ailleurs de la collection du Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse et d’acquisitions ininterrompues depuis27. Le fonds de Rixheim possède aussi, indépendamment des papiers peints, les archives de la manufacture Zuber & Cie et de ses antécédents depuis 1790, le seul fonds d’entreprise cohérent actuellement connu.

Progressivement, la présence de conservateurs professionnels dans les collections de Kassel, Paris, New York, Boston, Manchester et Rixheim entraîne des publications nombreuses et de qualité qui renouvellent notre connaissance sur des bases scientifiques28 ; des catalogues raisonnés commencent à être publiés29, généralement dans le cadre d’expositions, comme celui des papiers peints panoramiques en 1990 et des papiers peints en arabesques en 1995. A partir de 1982, la collection Follot est mise en vente avec un grand succès30 : depuis, régulièrement, ont lieu des ventes de papiers peints anciens dont la place de Paris s’est fait une spécialité ; ces ventes révèlent des documents et donnent lieu à des catalogues de bon niveau qui sont d’une grande aide pour l’historien31. La collection de la Bibliothèque nationale, formée des dépôts légaux de la fin du XVIIIeet du début du XIXe siècle a été cataloguée32. Le monde du papier peint s’élargit : la Suède33, les Pays-Bas34, la Belgique35, la Suisse36 entrent désormais dans la ronde. Dans l’abondante masse de publications, l’ouvrage le plus neuf reste celui de Catherine Lynn : Wallpaper in America qui, le premier, replace le papier peint dans son contexte technique, économique et humain, en se fondant sur un large travail d’archives ; on y constate aussi un regard nouveau sur le XIXe siècle, débarrassé des œillères qui en noircissaient jusqu’alors la lecture. La multiplication des articles37, des communications lors de colloques spécialisés38, des expositions, commence à donner enfin un substrat d’études de détail sur lesquelles fonder des synthèses nouvelles. L’approche sur des bases inédites de la lecture de l’intérieur depuis Mario Praz, le développement des recueils de vues d’intérieur, non seulement dans le monde anglo-saxon39 mais aussi aux Pays-Bas40, en République tchèque41, en Russie42, propose aux chercheurs des sources encore peu exploitées.

De son côté, le monde universitaire développe finalement sa recherche dans ce domaine : après les travaux en histoire de l’art de Sabine Thümmler en 1988 puis d’Isabelle Kapp en 1996, Christine Velut a soutenu en 2000 une première thèse d’histoire au papier peint parisien de 1750 à 1820, ouvrant des horizons totalement neufs à la recherche.

Mais quel que soit l’intérêt pour l’histoire du papier peint à l’heure actuelle, nous sommes dans un domaine où l’érudition s’est finalement peu manifestée par rapport aux autres arts décoratifs. Cela tient à un problème plus profond, celui du statut du papier peint. Alors que, pour l’essentiel des XIXe et XXe siècles, il s’est révélé la principale forme de décor intérieur, dès son origine, il a été l’objet de critiques négatives, passant aux yeux des leaders d’opinion pour une forme de décor au rabais, souvent méprisée par rapport aux autres formes de décor, considérées comme plus nobles.

Au XVIIIe siècle, s’il est des approches positives, toutes insistent cependant sur la dimension d’imitation à moindre prix du papier peint, refusant de prendre conscience de son originalité et de son autonomie par rapport aux autres types de décor. Ainsi, lorsque Quatremère de Quincy traite des arabesques en 1788, il se morfond de ce que

‘l’usage des papiers peints qui s’en sont presque entièrement approprié l’emploi, par la facilité de multiplier ces décorations, vienne réduire en routine et en métier ce qu’elles peuvent comporter de goût et de génie43 ’

sans se rendre compte que le papier peint ne s’est pas contenté de les diffuser, mais qu’il en a développé des formules originales et sans équivalent dans les autres matériaux.

Voulant attaquer la gestion de Thierry de Ville d’Avray au Garde-Meuble royal, un texte anonyme de 179044  constate :

‘Il n’y a pas jusqu’aux appartemens de la famille Royale qu’il n’ait infecté45 de ces sortes de tentures (les papiers peints). De pareils ameublemens ne conviennent tout au plus, dans les Maisons Royales, que pour le logement des gens de suite.’

Le XIXe siècle voit l’argumentaire se développer : « le papier peint arrivait juste à point pour répondre à une nécessité du temps, à un fait économique du plus haut intérêt : la démocratisation du luxe 46, le papier peint n’est que « sinon l’équivalent du luxe, du moins ce qui pourrait en donner le mirage 47». Jules Verne le condamne au nom de l’hygiénisme : le papier peint n’est-il pas « chargé de mille poisons subtils48 » ? Viollet-le-Duc lui préfère en 1873 les toiles peintes plus durables et surtout moins banales : « on est assuré de ne pas voir sa tenture chez tout le monde49 »... Les oukases d’Adolf Loos dans Ornament und Verbrechen en 1908, de Le Corbusier, au nom de la morale : « On fait propre chez soi (…) on fait propre en soi » en remplaçant le papier peint par « une couche pure de ripolin blanc 50», vont dans la même direction. Mais le pire des discrédits n’est-il pas la médiocrité actuelle ? Il devient difficile d’imaginer la splendeur des papiers peints anciens dans ces conditions, et donc de les étudier…

2. Le cadre de l’enquête

Or, nous l’avons vu, l’historiographie démontre que le passé du papier peint diffère profondément du présent de ce matériau de décoration. L’historien ne peut donc que se réjouir de l’ampleur des études actuelles, devenues enfin scientifiques, après une longue stagnation. Cependant, de vastes domaines restent à défricher pour faire « parler » de façon efficace le papier peint ancien : en dépassant l’histoire des formes, d’un intérêt certes fondamental, en allant au-delà de la généalogie des entreprises, il est vrai indispensable ; il s’agit désormais d’entrer dans une dimension plus concrète, dans ce que Daniel Roche a nommé « l’histoire des choses banales51 », de tenter de cerner ce que l’objet « papier peint » enferme d’ingéniosité, de choix et finalement de culture52. Or, durant une longue période, nous l’avons vu, les seules approches furent celle de la prosopographie, puis plus récemment celle de l’histoire des styles : le papier peint n’était-il pas une parfaite « grammaire des styles » qui se sont succédés du milieu du XVIIIe siècle à nos jours, en particulier de tous les styles historicistes du XIXe siècle dont il aurait été la caricature ? Le papier peint était dans ce cas considéré comme un objet d’art décoratif en soi, ce qui ne pouvait, dans la plupart des cas, que le déconsidérer par rapport à d’autres formules d’art décoratif estimées à tort ou à raison comme plus abouties – et ceci pratiquement dès la fin du XVIIIe siècle.

L’erreur était de couper le produit de son contexte : si la recherche anglo-saxonne, en l’absence il est vrai de collection notable, mais aussi à cause de son intérêt manifeste pour l’intérieur, l’a replacé in situ dès sa première approche historique, il n’en est pas de même en France, jusqu’à certaines publications récentes. Définir aussi le cadre de sa création, l’entreprise, le studio de dessin, l’atelier, voir comment et à qui il était vendu, son mode de pose, permettent de mieux saisir sous la surface du motif, un peu de ce poids de civilisation qui le sous-tend et lui donne tout son sens.

Ce travail a donc la modeste ambition de faire le point sur les différents aspects matériels du papier peint, du stade de la conception à celui de la pose, de la manufacture au mur, en se centrant moins sur la production courante mais davantage sur la production « fine » pour reprendre l’expression des manufacturiers du XIXe siècle, non seulement parce qu’elle s’est révélée une spécialité quasi-exclusive de l’industrie française, mais aussi, sources obligent, parce qu’elle est un peu mieux documentée que le reste de la production. Pour ce faire, nous disposons d’une source exceptionnelle, le fonds de la manufacture Jean Zuber & Cie, autour duquel nous avons centré notre étude, sans pourtant négliger d’autres sources, chaque fois que nous l’avons estimé nécessaire.

3. Les sources exploitées

Ce fonds Zuber, conservé au Musée du papier peint (MPP) de Rixheim, se révèle exceptionnellement documenté. Le début d’inventaire engagé par le CNRS en 197253 a révélé sa richesse : l’ensemble de la production de la manufacture depuis le début du XIXe siècle, mais aussi un ensemble d’archives qui, à défaut d’être complet, a l’avantage de la cohérence. Ajoutons que ce fonds provient d’une des manufactures majeures de l’histoire du papier peint, ce qui lui donne une dimension particulière. Précisons enfin que ce fonds d’origine privée n’a aucun équivalent54.

S’y ajoutent les collections du Musée proprement dites : outre le fonds de la manufacture se sont ajoutés depuis 1982 des ensembles qui ont pour ambition de couvrir l’ensemble de l’histoire du papier peint, tant sur le plan historique que géographique, des arabesques les plus somptueuses de la manufacture de Réveillon autour de 1790 aux audacieux papiers du Bauhaus à partir de 1929. Nous avons pu aussi, par ailleurs, consulter les grandes collections publiques55. C’est le contact quotidien avec ces papiers qui a nourri ce travail et nous a poussé à en savoir davantage sur les étapes de leur vie, de la manufacture au mur.

Pour cerner toutes ces étapes, nous avons pu largement utiliser la vaste documentation du musée, rassemblée depuis 1982 autour des différentes approches possibles du papier peint. La documentation technique (brevets, articles et ouvrages professionnels de tous les pays occidentaux) s’est révélée particulièrement utile, mais ne saurait faire oublier tout ce qui a été accumulé dans le domaine de l’intérieur : plus d’un millier de dossiers inédits d’intérieurs comportant du papier peint, à l’échelle internationale56.

Les collections de matériel technique conservées à Rixheim, documentées par les inventaires de la manufacture, bien conservés de 1794 à la fin du XIXe siècle, ont servi de base à l’étude technique : si les traités professionnels se sont révélés indispensables, c’est pourtant l’étude directe des papiers peints qui nous a le plus apporté dans ce domaine, concrétisant ou limitant ce que peut décrire la littérature spécialisée.

Quant au domaine de la commercialisation, il n’est ici esquissé que dans ses grandes lignes, grâce aux archives de Jean Zuber & Cie, fréquemment lacunaires dans ce domaine : l’absence d’archives de revendeurs limite de toute façon fortement l’approche.

En dehors de Rixheim, nous avons pu exploiter pour le XVIIIe siècle les dossiers de la Maison du Roi aux Archives nationales57, à notre connaissance, seule source donnant systématiquement une idée de l’usage du papier peint, de la soupente du domestique aux appartements du roi  : si rien ne subsiste de ce qui y est documenté, du moins la précision de la description des mémoires donne une idée très précise de l’usage du papier peint qu’il est possible de mettre en rapport avec ce qui est conservé par ailleurs in situ à l’heure actuelle. Nous n’avons pu prolonger ce dépouillement au XIXe siècle ; mais les sondages montrent que les fonds se révèlent moins riches : les investigations concernant par exemple le Compiègne du Second Empire où pourtant abondent encore des papiers peints plus ou moins bien conservés dans les suites destinées aux « séries » se sont révélées très décevantes. Par contre, pour le XIXe siècle, en dehors même de ce qui est encore conservé sur le mur, en particulier dans de très nombreux châteaux allemands58, nous possédons, au moins pour les intérieurs aisés, d’une iconographie surabondante, encore que dispersée59 : les familles du XIXe siècle ont multiplié les albums de vues d’intérieur destinés à conserver le souvenir de lieux aimés au cours d’une vie plus itinérante qu’on ne l’imagine60.

Notre recherche s’est concentrée sur une période qui démarre dans les années 1770, à partir de l’apparition du papier peint en rouleau imprimé en détrempe sur le continent européen, pour s’achever avec la Première guerre mondiale, même si les nouveaux horizons qui s’ouvrent dans l’Entre-deux-guerres sont évoqués en conclusion.

Si le papier peint du XVIIIe siècle est envisagé dans toute sa variété, dans la mesure où il est encore un produit d’exception, relativement bien documenté, nous avons préféré une approche différente pour le siècle suivant. Comme ce décor se démocratise, les sources se font plus rares et les exemples conservés sur le mur plus exceptionnels ; nous nous sommes plus particulièrement intéressé à deux produits particuliers au papier peint et spécialement bien documentés : le panoramique et le « décor » ; si le premier a donné lieu à une monographie61, nous avons souhaité envisager une approche plus concrète que celle développée jusqu’alors, sans pour autant remettre en cause fondamentalement cet ouvrage, en faisant un large usage des archives et de la documentation disponibles ; nous avons prolongé le travail par l’étude de ses « succédanés » de la seconde moitié du siècle, « tableaux » et « tapisseries » ; quant aux « décors », nous avons approfondi les données existantes par un large usage des sources.

Nous nous en sommes tenu à un plan chronologique, avec trois grandes parties. Après l’analyse de la situation du XVIIIe siècle, la coupure du début du XIXe siècle, qui nous a été suggérée par la prise en main de l’entreprise de Rixheim par Jean Zuber en 1802, est loin d’être aussi artificielle qu’il y paraît : l’usage de la planche prend alors une autre dimension avec l’usage systématique de la presse et le lancement sur une grande échelle du panoramique et du décor ; quant au système de pose, il évolue profondément, les producteurs, en mettant en œuvre des concepts nouveaux, remplacent les décorateurs dans l’usage du produit. L’essor de la mécanique à partir de 1850 sur le continent correspond aussi à une étape de l’histoire de la manufacture : celle-ci épuise désormais jusqu’à la Première Guerre toutes les possibilités des techniques traditionnelles, dans l’essor du décor en particulier, mais aussi de tout ce qui est susceptible de remplacer le panoramique, cela au moment où la mécanique remet définitivement en cause son approche. Un rapide survol du XXe siècle en manière de conclusion permet de mieux comprendre la situation actuelle, par comparaison avec le passé.

Notes
2.

Pour un accès simple à l’histoire du papier peint, l’ouvrage le plus clair est celui que Lesley Hoskins a dirigé en 1994. Au XVIIIe siècle, le profus ouvrage de Jean-Michel Papillon, Traité historique et pratique de la gravure en bois, Paris, 1766, comporte de nombreuses mentions historiques sur les « papiers de tapisserie ». Quant au plaidoyer pro domo de Jean-Baptiste Réveillon Relation historique et très intéressante des malheurs arrivés au Sr Réveillon(…), Paris 1789, il comporte une partie historique concernant la manufacture avant 1789, cf. Jacqué 1995, p. 38 et passim.. L’ouvrage de Charles C. Oman & Jean Hamilton 1982, donne pour les XVIIIe et XIXe siècles une bibliographie chronologique (p. 457-460). On peut aussi se référer à l’ouvrage d’Entwisle : A literary history of wallpaper, Londres, 1960.

3.

John Gregory Crace (1809-1899) est le plus important décorateur anglais de son époque et un grand utilisateur des papiers peints français de haut-de-gamme : cf. Aldriche (Megan) ed. The Craces, royal decorators 1768-1899, Brighton 1990.

4.

Jean Zuber fils (1799-1853)

5.

Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel du commerce, Genève, 1723, nouvelle édition 1742.

6.

Ce thème revient inlassablement jusqu’au début du XXe siècle : il n’est que la transposition du combat que se livrent les industries des deux pays dans ce domaine tout au long du siècle, en particulier dans le cadre des Expositions où la France remporte régulièrement la quasi-totalité des médailles.

7.

Annexe 13.

8.

Sir Matthew Digby Wyatt (1820-1877) est un des designers majeurs du XIXe siècle anglais ; il a joué un rôle de premier plan dans l’organisation et le déroulement de l’Exposition de Londres de 1851.

9.

Kaeppelin a largement inspiré les pages de Louis Figuier dans Les Merveilles de l’industrie, Paris 1878, volume 2, p. 314-336.

10.

Victor Potterlet (1811-1889) a dessiné des papiers peints, en particulier des décors pour toutes les grandes firmes françaises, cf. Jacqué 2000.

11.

Sa collection a fait l’objet de ventes publiques et privées à partir de 1982 ; les pièces maîtresses sont entrées au Musée des arts décoratifs à Paris et au Musée du papier peint de Rixheim.

12.

Follot 1901.

13.

« Description de l’art du fabricant de papier de tenture de toute espèce », Annales de l’industrie nationale et étrangère, tome 8, n° 34, octobre 1822, p. 5-51 (texte non signé).

14.

Sous l’article « papiers peints » du Dictionnaire technologique ou nouveau dictionnaire universel des arts et métiers et de l’économie industrielle et commerciale, Paris 1829, tome XV, p. 262-284 puis dans le Nouveau manuel complet du fabricant d’étoffes imprimées et de papiers peints, Paris 1832, p. 169-269, nouvelle édition complétée en ? ? ? ?

15.

Exner (W.F.) 1869.

16.

Légentil 1867.

17.

Paris, 1854-1880.

18.

Notice nécrologique in Wallpaper & wallcoverings, novembre 1959.

19.

Voir sa bibliographie : « Hommage à Henri Clouzot », 1966.

20.

Il invente à cette occasion le terme « panoramique ».

21.

Voir Shipley, 1916.Le document mériterait une étude moderne, tout comme en France le bois Protat, jamais revu depuis sa publication : ces documents ont été étudiés dans un contexte nationaliste, face aux recherches allemandes sur les origines de l’impression ; il fallait alors à tout prix être antérieur aux Allemands.

22.

Encore dans les limbes à cette date…

23.

Ce catalogue a été réédité et complété par Jean Hamilton en 1982.

24.

L’exposition voyage sous une forme réduite à travers la France.

25.

Seguin 1984.

26.

Guibert 1980.

27.

Jacqué 1984 et les catalogues d’exposition successifs du musée.

28.

L’ouvrage dirigé par Lesley Hoskins en 1994 rassemble l’ensemble de ces conservateurs.

29.

Parmi les meilleurs, on peut citer celui de la collection de la SPNEA à Boston en 1986 par Richard Nylander

30.

Ventes Sotheby Park Bernett, Monte-Carlo, 7-8 février 1982 et Néret-Minet & Coutau-Bégarie, Drouot, Paris, 22 septembre 1990

31.

Bernard Poteau puis Xavier Petitcol ont rédigé avec science ces catalogues.

32.

Christine Velut a réalisé ce catalogue, appelé à paraître dans un proche avenir (2002).

33.

Tunander 1984, rassemblant des travaux plus anciens.

34.

Heesters 1988, Koldeweij & al. 1991.

35.

Avec les recherches et les articles de Geert Wisse.

36.

Avec les travaux pionniers d’Hermann Schöpfer et de Marc-Henri Jordan, ce dernier sur la France au XVIIIe siècle ; les services d’inventaire suisses s’intéressent de près au papier peint : cf. par exemple le colloque d’Alaman de 1994.

37.

Dans le cadre par exemple de la Revue de la Wallpaper historic society depuis  1989.

38.

Cf. par exemple la remarquable publication en 1998 de Couper-coller, qui, malgré son titre stupide, rassemble un corpus entièrement neuf sur les papiers peints du XVIIIe siècle, à la suite du colloque de Neuchâtel de 1996.

39.

L’ouvrage de Thornton, en 1984, demeure un classique, mais l’approche de Brandimarte sur les photographies d’intérieur texanes renouvelle complètement l’approche de la question.

40.

Voir la récente synthèse de Fock 2002.

41.

Avec le superbe ouvrage de Krizova en 1993. De nombreuses vues qu’elle reproduit sont plus accessibles dans le catalogue de Loosdorf, Schloß Schallaburg, 1997.

42.

Le récent ouvrage de Volodazsky & al. fait suite à de nombreuses publications dans ce domaine dans les années 1980-90.

43.

Article Arabesques de l’Encyclopédie méthodique.

44.

Réponse au mémoire intitulé Dépense du Garde Meuble de la Couronne, Paris, 1790.

45.

Nous soulignons

46.

Luc-Léo, 1878, p. 67.

47.

Blanc, 1881.

48.

Jules Verne le bannit de la cité idéale de Franceville dans les Cinq cent millions de la Bégum, édition de 1917, p. 169.

49.

Histoire d’une maison, Paris 1873, p. 244.

50.

L’art décoratif d’aujourd’hui, 1925.

51.

On se réfère ici à l’ouvrage de Daniel Roche du même nom qui a sous-tendu notre interrogation. L’approche de Versailles par Frédéric Tiberghien dans son étude sur le chantier de Versailles, la méthodologie qu’il a développée nous a aussi vivement conforté dans notre recherche.

52.

Pour plagier L’éloge de l’objet de François Dagognet.

53.

Par Odile Kammerer, sous la direction de Jean-Pierre Seguin, conservateur au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, cf. BSIM 1984, p. 50-51.

54.

Les archives Desfossé et Leroy, conservées au Musée des arts décoratifs de Paris, se révèlent bien plus modestes, abstraction faite des papiers peints, bien sûr : au mieux quelques « livres de gravure » incomplets.

55.

Nous avons eu la chance de consulter le fonds du Musée des arts décoratifs, le seul qui puisse lui être comparé, celui, fort riche mais moins homogène, du Deutsches Tapetenmuseum de Kassel, celui, centré sur les Réformistes anglais, de la Whitworth Art Gallery de Manchester et les superbes fonds, très français, du Cooper Hewitt Museum de New York, de la Society for the Preservation of New England Antiquities, du Musée de la Rhode Island School of Design à Providence.

56.

Nous citons ces dossiers « doc° MPP » : ils sont classés au Musée en fonction de la localisation géographique des lieux envisagés.

57.

Ma dette ici est immense envers Marc-Henri Jordan qui, travaillant dans les fonds de la Maison du Roi sous un autre angle d’approche, m’a signalé de nombreux documents intéressant ma recherche.

58.

Pour lesquels il manque une étude synthétique : du moins les monographies sont-elles abondantes et de qualité, en particulier la série exemplaire éditée par la Staatliche Verwaltung f. Schlößer, Gärten u. Seen de Bavière. Pour un survol, on pourra consulter : Le temps du voyage, voyage dans le temps, Ratisbonne 1999.

59.

Les références de base sont les ouvrages de Thornton 1984 et Praz 1990. Mais, il en existe de nombreux recueils en Europe centrale, comme l’exemplaire ouvrage tchèque de Krizova en 1996.

60.

Voir Jacqué 2001, p. 75-80 pour la problématique de ces vues d’intérieur.

61.

L’ouvrage Papiers peints panoramiques (Paris1990, édition revue 1998) dirigé par Odile Kammerer-Nouvel (auquel nous avons participé) reste le pivot de toute étude par les contributions qu’il réunit et par son catalogue raisonné.