1. De la manufacture au mur : le fulgurant essor du papier peint en France à la fin du XVIIIe siècle

En janvier 1775 paraît dans le Mercure de France cette annonce publicitaire62  :

‘Manufacture Françoise de Tapisseries en papiers brochés, nués & papiers peints, chez Mlle Hemery, rue Comtesse d’Artois, au Café d’Apollon, vis-à-vis la rue Mauconseil
Toutes les fabriques de ce genre se sont parées, jusqu’à ce jour, du titre de Manufactures de papiers Anglois, & il est facile de s’appercevoir des efforts qu’elles ont fait pour en imiter les dessins.
L’ambition de mériter le titre de Manufacture Françoise, a déterminé celle-ci à n’exécuter que des dessins François, à s’appliquer à leur donner les grâces & l’élégance qui caractérisent tous les ouvrages François ; le suffrage & l’applaudissement du Public l’ont convaincue en même temps qu’elle ne s’est point écartée de son objet , & qu’en matière de goût, notre Nation en vaut bien une autre.’

En 1775, à la lecture de ce texte, il apparaît clairement que, même si le papier peint est d’origine anglaise, les entrepreneurs français se le sont totalement approprié : la greffe a non seulement réussi, mais le succès est tel de ce côté-ci de la Manche à partir des années 1770, que la production française est à même de déloger le papier peint anglais de ses marchés traditionnels, comme l’Amérique du Nord, et qu’elle étend rapidement sa vente à l’ensemble de l’Europe. Faisant appel aux meilleurs dessinateurs, perfectionnant des techniques déjà anciennes, mettant sur pied un réseau de vente, s’adaptant à des modes de pose variés, les manufacturiers transforment un produit considéré comme un moyen d’imiter d’autres décors en un produit véritablement autonome. Et la réflexion qui s’amorce à l’extrême fin du siècle autour du panoramique et de ce que le siècle suivant nomme « décor » démontre l’étonnant dynamisme de ce produit de décoration, somme toute encore nouveau.

Notes
62.

Mercure de France, 1775, p. 204. Je remercie Marc-Henri Jordan de me l’avoir signalée.