1.4.6.2. Le marché français

Sur le marché français, le quantités apparaissent d’abord plus réduites, on l’a vu, en gros deux fois moins qu’en Allemagne. Mais alors qu’en Allemagne, le marché de la revente se réduit à 42 clients, en France Hartmann Risler est en contact avec 119 clients dans 52 villes. Chaque client achète en moyenne pour 1930 livres (5 fois moins qu’en Allemagne) et il n’y a que trois clients dépassant ou approchant les 10 000 livres (contre 11 en Allemagne). ; le plus important, Girard aîné A Marseille achète pour 17 740 livres, Philippon & Cie à Lyon vient ensuite avec 14 560 livres et Fatou à Bordeaux 9956 livres ; ces trois clients ne représentent que 18,4 % des ventes. Dans certaines villes, la situation est encore plus étonnante : à Rennes, trois revendeurs se partagent 956 livres ! 34 revendeurs soit près d’un quart, achètent pour moins de 500 livres.

Une telle situation donne lieu à plusieurs hypothèses. La première qui vient à l’esprit tient à la situation particulière d’Hartmann Risler, venu lentement et tardivement sur un marché difficile par suite de la Révolution et de la guerre, sans même parler des difficultés monétaires liées à l’assignat. Mais aussi, les manufactures françaises et, bien sûr, les grandes manufactures parisiennes n’ont pas attendu les Mulhousiens pour conquérir quasiment de droit le marché. Enfin et plus sûrement, à la fin du XVIIIe siècle, le papier peint en France a déjà une bonne trentaine d’années d’histoire derrière lui. En conséquence, il s’est plus largement répandu qu’en Allemagne et les détaillants en sont nombreux, même si leur débit n’est pas important.

La localisation des revendeurs confirme la dernière hypothèse, sans pour autant exclure les autres. Hartmann Risler n’a pas véritablement couvert l’ensemble du pays : le Nord, urbanisé, n’est par exemple guère touché. Mais l’entreprise est présente dans les grands centres, à l’exception de Paris (6525 francs de vente entre 8 revendeurs…) : Lyon (26 917 livres), Marseille (28 876 livres), Bordeaux (16 700 livres), Toulouse (7993 livres), Nantes (5286 livres), Strasbourg (9116 livres) ont des revendeurs, mais pour des sommes faibles comparées aux grands centres allemands ; en revanche, des villes de bien moindre importance achètent quelques rouleaux comme par exemple Coutances, 197 livres, ou Vesoul, 347 livres… Ceci va dans le sens d’un marché large, bien établi, où Hartmann Risler est réduit aux portions congrues. C’est sans doute ce qui se passe pour Paris où la concurrence est des plus intense, au point que la manufacture hésite à s’y implanter vraiment : elle le fera plus ou moins poussée par le Bisontin Moutrille en 1800 seulement et sera très vite en situation d’échec514.

En résumé, même si la situation d’Hartmann Risler n’est pas exactement représentative, elle permet pourtant de dessiner le portrait d’une France déjà ouverte au papier peint dont la distribution semble très diffuse.

Notes
514.

Zuber 1895, p. 45.