1.4.6.3. Les marchés italiens et espagnols

Dès 1791, Nicolas Dollfus souhaite conquérir le marché italien et il engage à cet effet Jean Zuber qu’il forme515. Pour les années qui nous intéressent, la guerre gâche le marché puisqu’elle est quasi incessante depuis 1796 sur le sol italien et que s’y ajoutent d’importantes ponctions de numéraire. D’ailleurs, en juillet 1800, Jean Zuber écrit à Hartmann Risler :

‘Comme il paroit certain que nous aurons la paix dans peu de temps, je serai d’avis d’aller a Turin et a Milan, tant pour voir ce que nous pouvons tirer de nos débiteurs que pour être les premiers a fournir ce pays de papier, 516

preuve que plus d’une créance est restée en rade avec les combats….Si l’on ajoute à cela la longue tradition italienne du décor à fresque, on peut plutôt en sens inverse s’étonner que pendant ces années difficiles, les ventes italiennes aient représenté 105 688 livres, soit 11,23 % des ventes. Ici, ce sont 32 clients qui se partagent les ventes, mais 4 d’entre eux qui achètent pour plus de 10 000 livres font plus de la moitié des ventes (51,8 %). : une très forte concentration, comparable à celle de l’Allemagne.

La concentration géographique est encore plus forte. Les ventes ne se font qu’en dix villes – et si l’on ne retient que les ventes notables, dans quatre : Milan (20 493 livres), Rome (17 587 livres), Turin (24 425 livres), Venise (33 052 livres) qui, à elles seules, représentent 90,4 % des ventes. Lors de ces premiers séjours en Italie, Jean Zuber ne réussissait pas à placer du papier peint dans les petites villes où il n’y avait pas de magasins où les vendre, même si partout, dit-il, on en vantait « il buon gusto ».517. Une exception notable : Venise, avec sept revendeurs, dont Galizzi qui fait 56 % du total C’est que Venise a une longue tradition : l’on y trouve du papier peint anglais dès les années 1760, comme dans cette alcôve du palais Carminati conservée à la Ca Rezzonico518. Jean Zuber, en 1792, à la surprise de découvrir du papier peint dans les chambres de son hôtel et réussit à placer des commandes « chez les quincaglieri qui tiennent aussi les papiers peints 519».

En fait, nous sommes en face d’une situation qui rappelle celle de l’Allemagne, avec une nuance d’importance : le papier peint ne semble pas faire l’objet d’une mode comparable à celle qui soutient les ventes Outre-Rhin.

En Espagne, la manufacture récolte les fruits tardifs et peu abondants du voyage qu’y fit Jean Zuber en 1793-4, avec un succès très limité520. Le total des ventes se monte à 26 715 livres, dont 23 425 (88 %) à Bilbao. Les ventes ne s’effectuent que dans les ports et tous les marchands portent des noms à consonance germanique.

Notes
515.

Zuber 1895, p. 17-18.

516.

Z 108.

517.

Zuber 1895, p. 21-24.

518.

Romanelli Giandomenico) Ca Rezzonico, Milan 1986, p. 93. Les papiers anglais se retrouvent aussi dans la villa di Geggiano à Sienne, vers 1780, ill° 7. 2.

519.

Zuber 1895, p. 24.

520.

Zuber 1895, p. 26-32.