1.5. La pose

1.5.1 La technique de pose

1.5.1.1 La pose A broquettes

L’essor de la jeune industrie du papier peint ne peut se faire sans créer un marché, ce qui a pour corollaire une activité apparemment nouvelle : la pose. La forme la plus simple consiste à fixer le papier avec seulement des broquettes522 : Jean Michel Papillon, dans ses « Additions historiques et importantes » à son Traité de 1766, faisant allusion à l’arrivée sur le marché de papiers imprimés en détrempe conseille

‘de les attacher simplement avec des broquettes comme de la tapisserie sans les coler sur le mur 523 ; ’

la méthode était couramment utilisée en Angleterre dans la première moitié du XVIIIe siècle, deux textes, l’un de 1700, l’autre de 1735 la recommandent524 et plusieurs loges du théâtre de Drottingholm (Suède), décorées peu après 1766, possèdent encore des papiers peints posés de cette manière (ill° 7.1)525. S’en rapproche la pose avec des baguettes, dorées (ill° 7. 2) ou non, que l’on retrouve souvent utilisée pour les papiers tontisses dans les annonces de vente, comme celle-ci, dans le Journal général de France en date du 30 mars 1780526 :

‘A vendre environ 9 aunes de cours de papier tontisse, cramoisi, et 150 pieds de baguettes dorées.’

Ces baguettes pouvaient être de bois, mais aussi de papier mâché.

Pourtant, ces méthodes restent l’exception : en fait, on sait coller du papier sur le mur depuis la fin du XVIIe siècle, puisque on utilisait cette méthode pour poser des papiers peints chinois dans les résidences de l’élite à travers l’Europe527. Les Anglais ont fait de même avec leur production d’après ce qui a été conservé in situ (ill° 2. 1)528. De son côté, Jean Baptiste Réveillon a souvent raconté529 comment il a lui-même débuté dans le métier en 1753 en posant les « papiers d’Angleterre » de Lord Abermale dans sa maison de Passy. Par ailleurs, peu après, vers 1759, Jean-Michel Papillon démontre, par ses dessins à la plume et au lavis, comment poser ses papiers de tapisserie, imprimés à la feuille : on regrette seulement que ces dessins, jamais publiés par Diderot, aient perdu les « 3 cahiers épais, in folio, d’un caractère fort menu530 » qui les légendaient. Dans les années qui suivent, la technique de pose ne change guère, quoique les feuilles soient remplacées par des rouleaux. On peut donc se fonder sur ces documents, tout en faisant appel aux mentions diverses qui peuvent compléter ces données premières. Les nombreux exemples de pose pour la Maison du Roi dans les années 1764-1791 permettent d’élargir nos connaissances dans ce domaine. Mais ce sont surtout les exemples conservés en place ou démontés qui nous apportent le plus d’informations. Par ailleurs, dans les archives de la manufacture Nicolas Dollfus & Cie, puis de ses successeurs apparaissent quelques chantiers bien documentés. Nous ne pouvons que regretter l’absence dommageable d’un traité précis : une fois de plus, nous sommes devant des données qui ne se transmettaient que par apprentissage et qu’apparemment, personne n’a pris le soin de transcrire. Du moins, ces différentes sources nous permettent-elles de suivre pas à pas les étapes de la pose au XVIIIe siècle.

Notes
522.

On entend par broquettes des clous à tête plate.

523.

Papillon 1776 (manuscrit additif non publié, 1776a, Bibliothèque nationale)

524.

Rosamn 1992, p. 10-11. Cet ouvrage est le seul à développer les techniques de pose.

525.

Doc° MPP, dossier Drottingholm.

526.

On en trouve de nombreux exemples cités dans Havard 1887, art. papier peint.

527.

Wappenschmidt 1989,

528.

Si les flockpapers anglais sont fixés par des pointes en haut et en bas, ils sont collés sur toute leur longueur, cf. Rosaman 1992, p. 11-12.

529.

En particulier dans son Exposé justificatif de 1789.

530.

Clouzot (Henri) Le papier peint au début du XVIIIe siècle « A l’enseigne du Papillon » Renaissance de l’art français et industrries de luxe, avril 1925, p ; 149-160.