1.6.3. Des panneaux de papier uni

Pour réaliser des murs organisés de la sorte, la formule de décor sans doute la plus simple, la plus fréquente et pourtant la plus mal connue est celle qui fait appel à un simple papier uni placé au-dessus d’un lambris, voire directement au-dessus de la plinthe et généralement encadré d’une bordure d’architecture ou de fleurs !ill° 5).

Les papiers unis étaient une production majeure des manufactures de la fin du XVIIIe siècle. L’inventaire achevé le 20 février 1789 lors du rachat d’Arthur & Grenard par Arthur & Robert631 liste plusieurs milliers de rouleaux simplement « foncés » dans un large éventail de couleurs très nuancées avec des prix qui varient de 1 à 6 livres, les plus chers étant les vert fin et cendre bleue à 6 livres, viennent ensuite les vermillon et ponceau à 5 livres, les bronze et abricot à 4 livres, les jaune minéral à 3 livres 10 sous (contre 1 livre 10 sous pour les jaune stil de grain, d’origine végétale et moins stable à la lumière) ; les rouleaux cramoisi sont à 3 livres 10 sous, les vert d’eau et les rose à 3 livres, tous les autres (en particulier tous les gris et les nuances d’ocre) à 1 et 2 livres. Dans son inventaire terminé le 31 janvier 1797, la manufacture de Rixheim distingue deux sortes d’unis : pour l’impression et finis ou unis pour unis. Leur valeur n’est pas la même : un rouleau de vert fin pour l’impression est coté 2 livres, le même pour uni 3 livres 10 sous. En fait, dans le cas des premiers, les imperfections sont susceptibles de disparaître sous l’impression, tandis que les seconds, soigneusement lissés, ne doivent pas comporter la moindre tache. Les plus chers sont les vert de pré à 5 livres le rouleau, vert fin et bleu fin sont à 3 livres 10 sous632. : ces couleurs sont obtenues à base de sels de cuivre, ce qui en fait le prix; le gris, à base de composé terreux, bien moins coûteux, tombe à 1 livre. Pendant longtemps, la manufacture mulhousienne désespère d’obtenir des verts et des bleus aussi beaux que ceux de Jacquemart & Bénard et s’efforce de lui en acheter: le 26 messidor 3, par exemple, elle charge son colleur Raflin de passage à Paris d’acheter

‘2 à 300 rx verd anglais - bien couverd633 & unis sans rayures au meilleur prix possible - Jacquemart & Bénard font toujours le plus beau.’

En 1797, cependant, l’embauche du chimiste Löffler de Berne résout le problème :

‘Ce coloriste savait produire mieux que personne les verts et les bleus du précipité de cuivre. Nous arrivâmes, grâce à lui, à livrer le beau vert pré qui fut longtemps un de nos principaux articles et nous procura de grands bénéfices634. ’

Le suivi de ces couleurs ne devait pas aller sans problème : sur les livres de vente figurent à plusieurs reprises pour les bleus, les verts et parfois les jaunes des échantillons se référant au produit expédié, de façon à assurer la continuité de la fourniture.

Les ventes de la dite manufacture permettent d’avoir une idée de l’utilisation de ces unis. En fait, elle ne varie guère. Le 24 floréal an 3 (14 avril 1795), en réponse à un officier en garnison à Montbéliard qui souhaitait tapisser son intérieur, Hartmann Risler répond :

‘Le plus nouveau goût est en ce moment un fond uni garni d’une jolie bordure à fleurs635. ’

Ce goût, à vrai dire, dure depuis quelques années déjà : quand, fin 1789, les appartements des Tuileries sont rafraîchis avec du papier peint, à la suite de l’installation forcée de la famille royale (annexe 1), la reine Marie-Antoinette fait alors décorer sa salle à manger à l’aide de papiers d’Arthur & Robert ; y sont posés:

‘164 aunes de Cendre verte sur toile forte et papier gris
200 pieds de Tors de fleurs de 9 pour encadrement
830 pieds Tors de fleurs de 11 en quadrille sur la cendre verte
229 rosettes de 9 pour écoinsons
26 pieds de tors de fleurs de 6 sur 2 parties636.’

S’y ajouteront l’année suivante dans la dite salle “ou est le fond vert et le tors de fleurs” des bordures d’architecture en grisaille pour encadrer le miroir637. Le tout se monte à plus de 928 livres. L’énorme quantité de “tors de fleurs” et d’écoinçons laisse supposer un découpage aussi élaboré que minutieux de la surface des murs organisée en panneaux.

Peut-être faut-il voir là l’origine de cette mode que l’on retrouve d’un bout à l’autre de l’Europe ? On sait par ailleurs l’importance attachée par Marie-Antoinette aux fleurs ; or la mode de ces bordures dites à « tors de fleurs » dans les inventaires, où les fleurs variées sont traitées au naturel, apparaît précisément en 1789 à la fois chez Réveillon et Arthur638. Et la même année, lorsque la manufacture Nicolas Dollfus ouvre ses portes à Mulhouse, la première lettre au dessinateur Joseph Laurent Malaine, par ailleurs spécialiste de la fleur aux Gobelins, lui passe commande de 

‘1° deux bordures massives a fleurs naturelles dont lune de grandeur naturelle de 8 pouces & lautre de 6 pe.’

Sous des formes plus simples, plusieurs appartements des Tuileries font d’ailleurs appel à un décor similaire :

Quelques ventes à des particuliers de la manufacture de Mulhouse précisent que l’exemple en est suivi loin de Paris : ainsi, le 5 novembre 1794, le “grand salon” de la maison de J. Ls. de Jacques Sulzer à Winterthur nécessite :

‘7 rouleaux verd de pré uni à 8 L 30. soit 59.10
390 3 bord. fd brun à 7. 10 soit 22.01642.’

La relative austérité de la pièce est ici compensée par un exceptionnel raffinement dans le traitement des croisées : les intérieurs en sont recouverts d’une imitation de marbre blanc, avec des chutes en bronze et leur entablement est encadré d’une bordure; enfin, un dessus-de-porte encadré complète le tout.

Le 20 février 1795, la manufacture envoie au sénateur Barbazzi de Bologne pour une chambre apparemment très simple:

‘9 rouleaux fond bleu royal uni à 7 L, soit 63 L
4 rouleaux bordure à iris fond citron à 9 L soit 36 L
3 dessus-de-portes à vases & panier de fleurs fd brun à 4 soit 12 L643.’

Remarquons le bas prix relatif du dessus-de-porte, si on le compare à celui du rouleau d’uni.

Le 23 avril 1797, la manufacture fait parvenir à Elie Graff fils de Colmar pour une chambre:

‘4 rx jeaune minéral clair uni à 3.15 L soit 12. 60
2 bord grisaille à 2.15 soit 4. 30
2 lambris gris à 5 soit 10
1 (rouleau) feuille morte uni à 2.15 soit 4. 30644

Les deux coloris d’uni utilisés ici sont moins coûteux que le bleu et le vert. Par ailleurs, la bordure de fleurs a sans doute été remplacée par une bordure d’architecture si l’on se réfère à son traitement en grisaille.

Enfin, le 1er novembre 1796, quitte Mulhouse à destination de Civita Vecchia, chez les héritiers de Jean Manzi, le décor de deux pièces faisant appel à de l’uni:

‘la 2e (chambre)
12 rx fd Isabelle uni à 1 florin soit 12
4 bord A fruits découpées à 5 soit 20
3 (rouleaux) lambris grisaille à 1.30 soit 4. 30(sic)
1 1/2 corniche gris à 1. 30 soit 2. 15
3° stanza da letti
8 rouleaux verd d’eau uni à 2.30 soit 20
3 bordure gris fond violet foncé découpé à 2 soit 6645

(24 L valent 9 florins 75)

Il en est de même Outre-Rhin puisque le Journal des Luxus und der Moden de Weimar, dans sa livraison de 1787, précise qu’il est de la dernière mode de découper les murs en panneaux de dimensions régulières, de les traiter dans une couleur de fond douce et unie, dans une nuance de vert, de jaune, de gris, de rouge ou de bleu et de les encadrer avec une bordure d’une autre couleur coordonnée ; il ajoute :

‘Man bezieht sie (die Wände) mit schon einfärbigen Papiertapeten, die man sowie die Bordüre schon fertig, in jeder Tapetenfabrik findet646 .’

Il en propose un exemple sous la forme d’une gravure (ill° 5. 1)647 : au-dessus d’un bas de lambris très bas, comme souvent en Allemagne, le mur est couvert d’un papier uni vert pâle entouré d’une large bordure rose à motif architectural qui encadre aussi la porte et la fenêtre.

Quoique très courants à la fin du XVIIIe siècle, ainsi que le montrent ces quelques exemples documentés, rarissimes sont ceux de ces décors qui sont parvenus jusqu’à nous : la moindre tache dans les fonds leur enlève tout charme ; par ailleurs, l’intensité des couleurs en est rapidement passée de mode. Enfin, sous cette forme du moins, ils tendent à disparaître devant l’arrivée d’un nouveau style à l’extrême fin du siècle648

Les exemples les plus somptueux se trouvent au palais d’Ostankino, demeure des richissimes comtes Cheremetiev, construite et décorée dans les années 1790 au Nord de Moscou. La galerie de peinture (ill° 5. 2) propose la formule la plus simple, conservée sous la forme d’une restitution de 1937 : le fond du mur au-dessus d’un bas de lambris en boiserie, est entièrement traité en papier uni bleu, mais sans bordure aucune, les éléments architecturaux en tenant lieu649. Les salons d’angle du Pavillon italien (ill° 5. 3) présentent une formule plus élaborée conservée dans son état d’origine. En 1794 ou 1795, au plus tard, leurs murs sont couverts de papier uni vert anglais, entouré de la large bordure à tors de fleurs n° 1010 de Réveillon, créée en 1789, au-dessus d’un lambris à balustres imitant le bronze ; une bordure à motifs de griffons affrontés surmonte le décor650. En 1797, A l’occasion des fêtes du couronnement du tsar Paul 1er, les salons sont tendus de soie de couleur cramoisie et ce n’est que lors d’une restauration en 1937-38 que les papiers originaux ont été retrouvés intacts sous la soie651.

Dans un bâtiment moins somptueux, le manoir de Guévaux652 dans le canton de Vaud, en Suisse, les murs du grand salon s’organisent de façon absolument semblable : même fond vert anglais uni, même large bordure à tors de fleurs (combinés ici à quelques fruits) posée tout le long du lambris d’appui, du plafond et des portes.653 La même couleur se retrouve aussi dans un cabinet de toilette dans un château proche de Dôle, avec une bordure étrusque654.

Par ailleurs, la maison de Goethe à Weimar (ill°5. 4-6)655 était presque totalement décorée de cette manière à partir de 1792, mais son propriétaire a changé à plusieurs reprises les gammes de couleurs et les bordures tout au long de son existence : en 1822, encore, il renouvelle le traitement de son cabinet de travail, papier uni vert et bordure de fleurs (ill° 5. 5). Des sondages, ses courriers actifs et passifs ainsi que les échantillons qu’il a conservé des différents unis en vue de ses recherches sur la couleur (ill° 5. 6)656 ont permis de subtiles restitutions657. Il est intéressant de constater que Goethe a utilisé du papier uni dans les pièces principales, se contentant de peinture à la colle, beaucoup moins coûteuse, dans les pièces secondaires ; l’effet était très différent, plutôt doux et chaud dans le premier cas, rude et froid dans le second.

Sa première commande date du 28 avril 1794 pour la chambre dite bleue (l’actuelle chambre de Junon, ill° 5. 4) : il s’adresse au fabricant de toiles peintes et négociant de papiers peints Nothnagel de Francfort, qu’il connaît depuis son enfance et s’enquiert d’un bleu très particulier qui se révèle introuvable sur le marché, tout en hésitant avec un violet ; remarquons qu’à cette époque, Nothnagel se fournit chez Nicolas Dollfus à Mulhouse qui lui-même fait venir de Paris une grande partie de ses unis. Nothnagel, dans les mois qui suivent, fournit aussi pour cette pièce des bordures et du papier imitant l’acajou pour les boiseries ; on peut lire dans la facture du peintre qui a posé les papiers, en date du 5 décembre 1794658 :

‘Ein Zimmer mit Lilas Tapeten zu tapeziren und Borduren herum zu sezen
Ein dergl. mit blauen Tapeten…
3 Thüren 5 Fenstergewände und das Lambris in beyden Zimmer mit Holzpapier zu überziehn…’

Mais dès l’année suivante, la couleur est changée en repeignant dessus, tandis que d’autres pièces sont tapissées, toujours en uni.

A Berlin, dans le petit château construit pour la future reine Louise à partir de 1795 sur l’Ile des paons (Pfaueninsel), plusieurs pièces ont conservé étonnamment intact leur décor d’unis : dans le salon de thé, au-dessus d’un bas de lambris peint, les murs sont couverts d’un papier uni vert pâle en contraste avec une large bordure très dense à motifs de fruits ; une autre pièce, dans une des tours, est de la même manière traitée en papier uni jaune soutenu, encadré d’une large bordure à motifs de coquillages659.

Toujours en pays germanique, à Schloß Favorite, à Ludwigsburg, une des résidences du duc de Wurtemberg (ill° 5. 7), trois pièces sont décorées en papier peint entre 1799 et 1801 par l’architecte Nicolas Frédéric de Thouret660 : mais leur décor a été restitué avec sécheresse dans les années 1970 par la firme Hembus de Francfort661 . A l’exception des plafonds, restés baroques, tout, du sol au plafond, est réalisé en papier. Dans l’une, les panneaux muraux, vert d’eau, sont encadrés de tors de fleurs, au-dessus d’un lambris reprenant l’aigle de Santi Apostoli ; une corniche architecturale en grisaille rehaussée d’or finit l’ensemble. Sur les panneaux, il y avait, en plus des cas précédents, des médaillons ovales à l’antique. Les deux autres salles sont d’un rendu plus néoclassique : des panneaux encadrés d’éléments antiquisants en aplat, tels qu’on les retrouve dans les toutes dernières années du XVIIIe siècle.

Peut-être cette mode vient-elle d’Angleterre où elle n’a pas été étudiée : notre information à ce propos vient d’Outre-Atlantique662. Dès 1763, George Washington reçoit

‘a handsome plain paper for a room 18 by 16 feet and 6 feet above chairboard,’

mais la couleur n’en est pas précisée. En 1765, Benjamin Franklin écrit à sa femme depuis Londres à propos de la décoration de leur salon à Philadelphie :

‘Paint the wainscoat a dead white, paper the wall blue, and tack a gilt border round the cornice.’

A cette date, ce papier ne pouvait venir que de Londres, comme celui, bleu aussi, qui est utilisé en 1771 dans la salle de bal du palais du gouverneur à Williamsburg. Le 17 janvier 1784, George Washington souhaite décorer sa salle de bal à Mount Vernon et hésite entre du bleu et du vert et se renseigne dans ce sens à Philadelphie. Les fragments retrouvés en place nous montrent qu’il a choisi le vert avec une bordure architecturale en grisaille. Le Président ne fait alors que suivre le goût général car les journaux américains donnent des exemples de publicité pour des papiers unis de ces deux couleurs, importés ou fabriqués sur place.

Jefferson, qui a vécu en France et utilise les papiers peints de la manufacture Arthur & Robert, en reçoit, facturés le 29 juillet 1790 :

‘22 Rouleaux cendre bleue unie à 4 176
4 Rouleaux draperie sur fond bleu fin à 18 72
72 cantonnières coloriées à 4 288
12 Rouleaux N° 848. tors de Roses de 4° à 12 144663

Dans les années 1790, le même schéma se retrouve, encore que le papier soit remplacé par de la peinture combinée avec une bordure :

‘It has become the prevailing fashion to paint dining rooms and large halls, either green, light blue, or yellow, which looks extremely well. A border of paper or paint of a different colour or colours is added ’

écrit de New York Henri Remsen à Jefferson en 1792. Le schéma ne diffère pas ici du schéma français, même si la large bordure de fleurs n’est pas la règle.

Au château Thun, à Vigo de Ton dans le Trentin-Sud Adige (Italie)664, il existe aussi une exceptionnelle « salle des papiers peints », un salon dont le décor, actuellement démonté et en cours de restauration665, est comparable, quoique plus complexe : s’y ajoutent des médaillons sur les panneaux. Le mur, au-dessus d’un lambris de papier peint à motif d’architecture, s’organise en panneaux larges et étroits. Les panneaux larges, cendre bleu, sont encadrés d’un double tors de fleurs, large à l’extérieur, étroit à l’intérieur, et d’une bande de papier bleu uni de nuance plus intense ; sur ces panneaux ont été posés des médaillons peints ovales dans la partie médiane ; des médaillons rectangulaires leur répondent en haut et en bas. Ces médaillons polychromes associent (médaillons ovales) des scènes antiquisantes à des ports à la Vernet (médaillons rectangulaires)666. Dans les panneaux étroits, le décorateur a placé au milieu un médaillon ovale, à fond sombre sur lequel se détache chaque fois un personnage antiquisant en grisaille.

Le Musée du Kirschgarten à Bâle conserve une variante de ces types de décor : au lieu d’un fond uni, on y trouve un fond de papier marbré en provenance d’un salon d’une autre maison patricienne de la ville, aujourd’hui disparue, le Segerhof. Le mur s’organise en panneaux, tantôt larges, tantôt étroits, rythmés par un encadrement de papier marbré vert qui se détache sur un papier marbré beige. Sur les panneaux larges, des médaillons décorés de personnages à l’antique peints, proches de ceux du château Thun, alternent avec les rosaces en grisaille utilisées comme décor des panneaux étroits. De petites rosaces soulignent les angles. Ces papiers peints, posés vers 1790, sont traditionnellement considérés comme anglais, mais rien ne le prouve : en fait, ce type de papier est produit à Paris et figure sur les inventaires des manufactures françaises de l’époque667. Le décorateur a sans doute eu entre les mains la livraison de 1787 du Journal des Luxus und der Moden de Weimar qui conseille une utilisation très proche des papiers marbrés.

Dans une maison de Chariez (Haute-Saône)668 où des années 1760 aux années 1930 se succèdent les couches de papier peint, la couche de la fin des années 1820 révèle un fond jaune minéral avec une bordure drapée en tontisse repiquée cramoisie. Il s’agit ici d’une forme tardive de ce type de décor : en fait, les unis ne disparaissent des inventaires qu’après 1834 ; une pièce privée de la Résidence à Munich peinte en 1832 montre encore un papier uni bleu complété d’une large bordure (ill° 5. 8)669. Il faudra attendre Le Corbusier pour prôner le « ripolin en rouleau » avec les collections d’unis qu’il réalise pour la firme Salubra à deux reprises, en 1932 et en 1959 : mais là, la bordure aura disparu. Et l’utilisation de ces papiers a une résonance morale qu’a ignorée Marie-Antoinette puisqu’il s’agit désormais, selon Le Corbusier, de « (faire) propre chez soi (…) en soi »670

L’utilisation du papier uni donne au décorateur une vraie liberté, dans la mesure où ce type de décor n‘est, d’aucune façon, l’imitation d’un type de décor existant, mais bien une véritable création, sans équivalent par ailleurs : l’usage par exemple du vert et du bleu fin est spécifique au papier peint. Et les pièces conçues et réalisées à la fin des années 1780 et au début des années 1790 démontrent que le papier peint a atteint une véritable maturité décorative qui lui permet de proposer quelque chose de véritablement différent. Sa pose sous cette forme aux Tuileries, dans les appartements royaux (annexe 1), démontre d’ailleurs bien qu’il ne s’agit pas d’une forme de décor de seconde zone mais bien d’un décor reconnu, digne d’être utilisé dans les intérieurs les plus raffinés.

L’ajout des  papiers « en feuille » sur ces papiers unis va permettre d’élargir encore cette liberté.

Notes
631.

Inventaire Arthur 1789.

632.

Inventaire 1797-98, manufacture Hartmann Risler, MPP Z 8. En 1798 sont disponibles : du vert de pré à 100 s ; du vert fin à 70 s, du bleu fin à 70 s, du bleu mi-fin à 40 s., du bleu clair à 20 s., du violet fin à 50 s., du aurore à 50 s., du citron à 25 s., du gris (de lin ?) à 20 s., du vert d’eau à 40 s.. En 1800, la gamme est plus large avec du cramoisi, du jaune minéral, du chamois, du rose, du lilas, de l’olive, du feuille morte et la gamme de bleu et de vert est élargie.

633.

En 1789, Arthur & Robert fournissent pour le décor de pièces aux Tuileries du « verd anglais superfin à 4 couches » à 25 sous l’aune.

634.

Zuber 1895, p. 41.

635.

MPP Z 97, p. 16

636.

A.N. O13652,1

637.

A.N. O13654,1

638.

L’étude de ce type de bordure de fleurs n’a pas été faite : mais on les retrouve de façon cohérente à partir de 1789, précisément dans les inventaires d’Arthur & Grenard et dans l’album Billot. Ce type de fleurs se retrouve semblable dans les bordures de mouchoirs des manufactures d’indiennes Hausmann à Colmar et Oberkampf à Jouy dans les années, 1790, cf. Brédif 1998et Une manufacture alsacienne, BSIM n° 810, n° 3/1988, n° 172, p. 33. Voir aussi les exemples en soierie dès 1786 pour la Maison du Roi ou la Russie : catalogue 1988-89, n° 49, 51, 58.

639.

A.N. O13652,1

640.

Idem.

641.

Idem.

642.

MPP Z 71

643.

MPP Z 72.

644.

MPP Z 72.

645.

MPP Z 72.

646.

« On décore les murs avec du papier peint déjà uni, que l’on trouve dans toutes les fabriques de papier peint, tout comme des bordures toutes prêtes ».

647.

Planche 24.

648.

Cf. MPP Rixheim 1997.

649.

Semionova 1981, planches 96 et 97

650.

Les balustres et la frise de lions affrontés se retrouvent ensemble encadrant le panoramique les Métamorphoses d’Ovide dans un exemplaire provenant d’une maison de la place de la Bourse à Bordeaux et conservé au MPP (inv. 989 PP 23) La frise de lions est aussi présente dans le plafond du petit salon de Guntersblum, voir infra.

651.

Semionova 1981., planches 42 et 43.

652.

Fontannaz 1997 Voir particulièrement les pages 24 et 25

653.

A Stavenger (Norvège), dans un bâtiment royal, le même décor se retrouve : nous n’en connaissons que des vues de détail ; les bordures de fleurs, peut-être un peu plus tardives, y sont vernies et le fond blanc uni a sans doute remplacé une couleur plus soutenue (documentation MPP).

654.

Doc° MPP.

655.

Beyer 1993, p. 41-56.

656.

Voir dans Beyer 1993 l’illustration 34 : un cadre contenant 30 échantillons d’unis dans différentes nuances de bleu, de vert, de jaune et d’ocre (Goethe Nationalmuseum, Naturwissenschaftliches Kabinett, VIII/12).

657.

La question a été étudiée de façon très approfondie par Beyer 1993, Tapeten bei Goethe, p.. 41-56.

658.

Goetherechnungen X, 2, folivres 353.

659.

Poensgen 1968. Excellentes photographies dans Sangl 2000, p. 66-69.

660.

Merten 1989, p. 33-40, illivres p. 37.

661.

Julius Hembus GmbH & Co. KG Schloß Favorite in Ludwigsburg, slnd.

662.

Ces informations ont été rassemblées par Lynn 1980 qui dans son ouvrage est la seule à consacrer une étude à l’utilisation des papiers unis (« plain papers »), p. 125-8.

663.

La facture, conservée à la Bibliothèque du Congrès est reproduite dans Lynn 1980, p. 88 ; elle comporte d’autres papiers peints pour un total de 1117 livres 10 sous. Monticello n’en conserve pas la trace.

664.

Dossier en provenance du Service des Biens culturels de Trente, documentation MPP.

665.

Restauration menée par Nathalie Ravanel pour les services patrimoniaux locaux (2001) ; dossier au MPP.

666.

Le Musée du papier peint possède, en provenance de l’hôtel d’Ursel à Bruxelles, des médaillons tout à fait comparables (voir infra).

667.
Ackermann 1976, non paginé.
668.

Doc° MPP.

669.

Hölz 1999, p. 80.

670.

Le Corbusier 1925, p. 191