En fait, ces décors sur papiers unis, s’ils nécessitent des bordures, tantôt florales, tantôt architecturales, font aussi appel, comme nous venons de le voir dans le Trentin-Haut Adige et à Bâle, à un type de produits que la manufacture de Mulhouse, inventorie en 1794672 sous l’appellation d’objets en feuilles :
‘18 à 25 figures en bronze (en gris)Quelques années auparavant, la manufacture Durolin (ou Durollin) à Paris propose à la vente, en 1788 ou 89, des pilastres, chutes, balustres, corniches architraves, statues, guirlandes, parterres, angles…673
En 1789 toujours, l’inventaire de la firme Arthur & Grenard décrit à proximité de la boutique, le contenu d’une Chambre des ornemens. On y trouve, entre autres, des rosettes, des feuilles de cannelure grisaille, des chapiteaux de grisaille, des bases idem, différents pilastres, des cantonnières, des têtes de sirène en coloris, toutes sortes de dessus-de-portes, de devants de cheminée et des camés grisaille de 15° sur 8° de haut. Le Deutsches Tapetenmuseum de Kassel (ancienne collection Poteau)674 et la collection Mauny675 possèdent tous deux un exemplaire de feuille d’ornement du début du XIXe siècle : des rosettes, des pommes de pin, des culots traités en couleurs bronze et destinés à être découpés pour compléter un décor.
A côté de rouleaux de motifs répétitifs, il existe donc des motifs imprimés en feuille, destinés à être isolés ou à se combiner entre eux, à être collés sur un fond uni de façon à créer un décor. Robert fournit ainsi aux Menus-Plaisirs le 15 janvier 1787 :
‘- 20 aunes toille forte fournie et tendue par supplément dans la galerie de Mr Desentelles (a) 36 36soit un total de 672 L 19 s.
Par un système de bordure et de pilastres, le colleur crée de « grands panneaux » à fond bleu vermicellé sur lesquels il dispose des « camets en lauzange a figure etrusque», sans doute des personnages pompéiens en grisaille ou de couleur orange (celle des figures des vases réputés « étrusques »), avec un jeu complexe de bordures d’encadrement ; douze pilastres rythment la décoration. Les vingt-quatre camées jouent ici un rôle essentiel puisqu’ils permettent de réaliser des panneaux variés.
Un autre exemple nous est donné par l’aménagement raffiné du cabinet d’étude de Madame Royale677 aux Tuileries, réalisé par Arthur & Robert au début 1791:
‘- 54 aunes cendre verte unie sur mur dans les armoires et tables des panneaux (à) 2 10 135On est ici devant un travail beaucoup plus élaboré où chaque espace disponible, en particulier la façade de la bibliothèque, la boiserie et les fenêtres font l’objet d’un décor à base de camées encadrés. Le coût en est d’ailleurs fort élevé : quelque 1200 livres, beaucoup plus que tous les décors réalisés aux Tuileries jusqu’alors, y compris dans les appartements des souverains. Les camées rythment ici l’ensemble par leur présence sur les panneaux. Remarquons qu’ils font l’objet d’un encadrement.
En 1795, Friedrich August Leo, important revendeur de papier peint de Leipzig et éditeur de Ideen zu Zimmerverzierungen 679, propose, croquis à l’appui, un de ces décors (ill° 4. 10) :
‘Le fond de couleur verte est particulièrement bienvenu et peut, comme le montre cet exemple, être mis en valeur grâce à des guirlandes de fleurs décoratives, des festons et des vrilles de feuillage en bordure et être décoré de diverses manières avec des grandes peintures dans le goût antique, comme dessus-de-porte ou médaillons ou tableaux peints sur papier. ’Et il ajoute que, par ce procédé, on peut décorer une pièce à moindre prix.
Une vue d’intérieur signée « J. Ragolsteid, 1805 », et réputée représenter une pièce dans une résidence de la famille Thürheim ou Starhemberg nous donne un autre exemple de cette utilisation (ill° 4. 4)680. Dans ce salon de musique informel, les murs couverts d’un papier uni blanc ou beige, sont découpés en panneaux larges et étroits par un jeu de bordures ; l’une se distingue nettement et représente un large ruban drapé. Des éventails (des quarts de vélum) forment les angles, en manière d’écoinçons ; sur les panneaux étroits, sont posés différents médaillons : l’un en losange, avec un obélisque, apparaît clairement ; d’autres, de forme octogonale, sont traités à l’étrusque en noir et orange et représentent des scènes pompéiennes. Au-dessus d’une double porte transformée en bibliothèque, un dessus-de-porte en grisaille sur fond brun à scène mythologique affecte une forme rectangulaire avec des angles coupés. En fait, tout le décor est réalisé en papier, dans un esprit proche de la galerie de 1787 décrite plus haut, mais le fond clair, la présence de motifs étrusques, laissent supposer une date un peu plus tardive681.
Trois autres exemples682 semblent subsister :
Dans ces deux derniers cas, il est fait appel à des médaillons imprimés, certes, mais aussi peints, quoique produits en série : ce type de médaillons, nous le retrouvons dans le fonds de documents provenant de l’hôtel d’Ursel A Bruxelles et maintenant conservé au Musée du papier peint de Rixheim (ill° 4. 1-3)685.
L’hôtel d’Ursel était la résidence bruxelloise de l’aristocratique famille du même nom (elle reçut le duché d’Ursel en 1716) qui l’a occupée pendant douze générations jusqu’à sa destruction en 1960 dans le cadre de la Jonction Nord-Sud. Situé Marché-au-bois, dans la haute ville, à proximité de Ste Gudule, ce bâtiment a connu de nombreuses transformations et souffert de vicissitudes suite en particulier lors de la Révolution brabançonne et de la Révolution française : le 12 décembre 1789, des balles et des boulets sont tirés contre l’hôtel qui est transformé en couvent en 1795-6 avant de revenir à la famille ; une partie des intérieurs est saccagée les 5 et 6 avril 1834 dans le cadre d’une émeute populaire anti-orangiste. L’état ultime avant démolition est le résultat des travaux de l’architecte Clément Parent en 1862-63 : cet état nous est bien connu par de nombreuses photographies d’intérieur conservées à la bibliothèque de l’Institut royal du patrimoine artistique à Bruxelles, des décors du XVIIIe siècle (ou de style Louis XV et Louis XVI dont Parent était un spécialiste) à base de boiseries et de panneaux de soieries.
Lorsque les intérieurs furent mis à l’encan, un antiquaire récupéra dans un sous-sol de l’hôtel un portefeuille plein de papiers peints, dont un fragment d’arabesque de Réveillon de 1789 (n° 933). L’inventaire en 1991, après acquisition par le MPP, révéla plus de 300 fragments, dont de nombreux doublons en quantité inégale ; la trace laissée par le ciseau du colleur laisse supposer qu’il s’agit du solde d’un décor réalisé mais dont ne subsistent ni mention, ni vestige matériel.
On peut distinguer trois types de production :
Ces différents types de médaillon se retrouvent dans les décors cités précédemment : on les reconnaît aussi bien dans la vue d’intérieur de 1805, ill° 4. 4 (les médaillons polygones traités « à l’étrusque ») qu’au Schloß Thun (médaillons rectangulaires peints à paysage), à Guntersblum ou à Bâle (personnages à l’antique).ce qui suppose qu’ils aient été assez répandus
On peut se poser la question de la fabrication des médaillons peints : était-elle le fait d’un atelier de papiers peints ? La manufacture Arthur fournit régulièrement des éléments peints à la maison du Roi. La manufacture Nicolas Dollfus de Mulhouse travaille pour sa part avec le Parisien Besancenot installé à la Barrière du Trône renversé et lui passe commande de grandes quantités de dessus-de-porte peints à motifs de chinoiserie, de paysages, de chasse et d’animaux, des arabesques en 1794-5. A côté de cette production de série, Besancenot est aussi capable de répondre à une commande particulière comme celle destinée au décor des intérieurs de Schmidt à Francfort étudié supra. Les quantités fournies laissent supposer soit un atelier, soit une sous-traitance auprès d’autres dessinateurs.
La série de panneaux attribuée à la manufacture Arthur & Grenard depuis Félix Follot en 1900 représente un autre exemple de papiers en feuille (ill° 4. 5). Neuf panneaux différents de 0,88 m x 0,68 m représentent des scènes antiques en grisaille très soignée, imprimée en dix couleurs687. En cohérence avec ces panneaux existent des panneaux décoratifs avec un motif de lyre dans des rinceaux de feuillage stylisé. De même largeur, d’une hauteur de 0,30 m, ils s’adaptent au-dessus et au-dessous du panneau central. Enfin, une lunette de même largeur et de 0,33 cm de rayon est destinée à être placée au-dessus : les quatre éléments, d’après Boucher688 ou des allégories des quatre saisons les décorent. Tous ces éléments sont bordés d’un talon à motif de perles dans une gamme de bleu. On a ici, à la différence des cas précédents, un concept cohérent dès le départ qui aboutit à des poses semblables en différents endroits.
Félix Follot, qui en possédait huit, en fait mention pour la première fois dans le catalogue de l’exposition centennale, en 1900689. Ces panneaux ont alors été montés sur un papier brun pour ladite exposition. Quatre autres décoraient une pièce du château de Dampierre-sous-Salon (Haute-Saône) où, en les démontant, Charles Huard et sa femme trouvèrent une inscription faisant référence A leur pose en 1789690. Enfin, la Société d’histoire & d’archéologie du canton de Neuchâtel possède 11 panneaux (dont six semblables) provenant de La Cibourg, la maison de maître d’un marchand de vins du canton de Berne où ils auraient été posés en 1793691. Les deux ensembles de Dampierre et La Cibourg sont très proches : le même tors de fleurs encadre les différents éléments, tandis qu’un pilastre ionique, lui-même décoré d’un tors de fleurs plus large, les sépare ; seule différence : le fond, gris à la Cibourg, marbré vert anglais à Dampierre. Cette similitude de montage ne tient évidemment pas du hasard : le fabricant les proposait-il ainsi ou les deux clients, séparés seulement par le Jura, ont-ils fait appel au même revendeur ou au même poseur ? Nous savons que le marchand de vins bernois travaillait beaucoup en France, ceci expliquant sans doute cela.
Mais ce n’est pas la le seul problème posé par ce décor. Qui en est le fabricant ? Arthur & Grenard, répond Félix Follot, sans préciser les raisons de son attribution. Sans doute avait-il des documents qui nous manquent désormais pour l’affirmer. De fait, plusieurs arguments plaident pour ce choix : la qualité du travail, exceptionnelle, l’intelligence du concept (un décor avant la lettre) laissent supposer une manufacture de premier plan, comme Arthur. Or Arthur, d’origine anglaise, ne pouvait ignorer la production de John Baptist Jackson qui a reproduit en grisaille des peintures vénitiennes692. Cela dit, ces travaux ne figurent pas dans l’inventaire établi du 26 novembre 1788 au 20 février 1789 de la manufacture Arthur & Grenard, alors qu’en 1789, ils font l’objet d’une pose à Dampierre-sous-Salon. Auraient-ils été imprimés entre temps ou proviennent-ils d’une autre entreprise – et si oui, laquelle ? Impossible de répondre dans l’état actuel des connaissances.
L’iconographie proposée emprunte dans sa totalité à la mythologie classique, et plus particulièrement aux Métamorphoses d’Ovide pour une raison simple : les recherches de Melle M. Schaetzel, citées par Maurice Jeanneret, montrent que quatre d’entre eux sont des emprunts à des gravures publiées dans Les Métamorphoses d’Ovide en latin et en français de la traduction de Monsieur l’abbé Banier de l’Académie royale des Inscriptions et Belles Lettres, 4 tomes, 1767-1771 :
L’utilisation de ces panneaux, à la Cibourg comme à Dampierre-sous-Salon montre le statut ambigu du style du papier peint à la fin du XVIIIe siècle, un statut que l’on retrouvera pour les panneaux d’arabesques. Le traitement en camaïeu des motifs, leur inspiration mythologique les inscrivent dans le néoclassicisme en cours d’affirmation ; dans un même temps, les panneaux, par leur lyrisme éloquent, mais aussi leurs encadrements de fleurs appartiennent à la tradition rococo qui domine encore largement les arts décoratifs – et les papiers peints.
L’inspiration se révèle plus franchement moderne dans un dernier groupe de documents aussi découvert à l’hôtel d’Ursel et désormais bien documenté (ill° 4. 2). Il s’agit de médaillons de forme rectangulaire, circulaire ou ovale, ou d’éléments de bordure, de coins imprimés en taille-douce sur un papier vergé foncé en orange et lissé. Les dimensions maxima sont de 0,385 m de long et de 0,336 m de large, minima de 0,12 m de haut et 0,232 m de large. Le papier n’a révélé aucun filigrane.
Le fond orange est obtenu avec de la mine orange qui apparaît dans les inventaires de manufacture à Paris comme à Mulhouse ; à base d’oxyde de plomb, ce colorant reste coûteux jusqu’aux années 1820, aussi l’utilise-t-on sous forme de touches pour relever un motif, en particulier dans les arabesques. Conséquence des guerres révolutionnaires, son approvisionnement s’avère difficile et Jacquemart & Bénard le fabriquent pour répondre à leurs besoins693. C’est qu’il devient indispensable avec la mode étrusque, puisque c’est le seul moyen de produire une couleur orange bien couvrante, susceptible d’imiter les fonds des vases grecs à figures noires.694.
L’impression est réalisée en taille-douce : la cuvette très lisible sur certains documents et la présence de coulures dans la couleur de fond, visible par transparence, suppose une humidification du papier. Le procédé de l’aquatinte, fort à la mode à la fin du XVIIIe siècle, à la suite des travaux de Jean-Baptiste Leprince, a été utilisé pour les surfaces noires, complété par des traits de pointe sèche pour accentuer le modelé. Le rendu diffère profondément de celui obtenu par les procédés classiques d’impression à la planche de bois, à l’évidence plus grossiers.695 : la subtilité des volumes des personnages s’approche du rendu pictural.
Les motifs sont tous d’inspiration antique : si l’harmonie noire/orange fait d’emblée référence, visuellement, aux vases antiques, le raffinement du traitement et l’iconographie s’en éloignent fort ; à l’évidence, les artistes qui ont travaillé ne connaissent rien des originaux mais recréent à partir d’une documentation (les arabesques, par exemple, sont très proches des modèles néerlandais de la fin du XVIe siècle, certains motifs ont déjà été utilisés par Clodion696). Nous sommes ici à la limite de la tendance « douce » et de la tendance « dure » du néoclassicisme.
Quels sont les artistes qui ont créé ces motifs ? Un seul document est signé : un médaillon circulaire portant l’inscription « Junon dormant dans les bras de Junon/Dessiné par M. Moitte, sculpteur du Roi/Gravé par M. Willemain »697. Jean-Guillaume Moitte (Paris 1746-1810), après une formation de sculpteur qui lui valut en 1768 le Prix de Rome, a eu aussi une activité de décorateur : il a dessiné des modèles pour le célèbre orfèvre Henri Auguste (1759-1816), il a réalisé le décor de panneaux d’arabesques, aujourd’hui disparu, de l’Hôtel de Salm. Il travaille dans un style robuste et tourmenté698. Nicolas-Xavier Willemin (il signe aussi Willmin et ici Willemain) (1763-1839) est un praticien de la gravure qui a entre autres gravé la Collection des plus beaux ouvrages de l’Antiquité Statues, bustes, groupes, bas-reliefs, vases, trophées, ornemens d’architecture choisis parmi les monumens des Étrusques et des Romains utiles aux études des artistes et des amateurs, parue à Paris chez Esnauts & Rapilly sans date mais avant la chute de la monarchie ; nombre de détails de vases antiques y sont imprimés en aquatinte sur un fond orange en lavis.
En revanche, ces documents ne possèdent aucune marque de manufacture : or l’inventaire de la manufacture Arthur & Grenard, achevé le 20 février 1789, le dessin en coupe de l’entreprise conservé au Musée des arts décoratifs et datant sans doute de 1789699, l’article du Lycée des arts, Inventions et découvertes de vendémiaire an 4 (septembre 1795) montrent que l’entreprise de la Chaussée d’Antin était fortement impliquée dans l’impression en taille-douce. L’inventaire révèle que cette activité représente à elle seule 1/5 de la valeur de l’entreprise en 1789. La direction de ce département appartient à l’Anglais Jacques (ou James) Gamble qui « ne met dans ledit commerce que son industrie », son savoir-faire, donc, à défaut de capitaux. Beau-frère du papetier Didot-Saint-Léger, il meurt à New-York le 12 septembre 1799700. L’activité a sans doute cessé avec sa disparition.
Moitte apparaît dans l’inventaire des plaques d’impression de 1789701 : ses dessins ont été utilisés pour des « Eutrusques », une longue et une petite arabesque et de nombreux motifs d’ornement imprécis. Les arabesques sont sans doute les bordures modulables horizontales et verticales702. Si les autres motifs, n’apparaissent pas, c’est parce qu’ils ont été gravés après 1789.
Se pose la question de l’usage de ces documents. Certains ont pu être utilisés en cartonnages (l’inventaire cite, par exemple, des « médaillons pour tabatières »), d’autres ont pu être encadrés comme de simples estampes. Des médaillons rectangulaires ont aussi été collés sur la traverse supérieure des dossiers de chaises de type klysmos mises à la mode par Jacob en particulier703.
Quant à l’usage sur le mur, nous possédons quelques points de comparaison. De 1766 A 1776, Pierre François Hughes d’Hancarville publie son Recueil d’Antiquités Étrusques, Grecques et Romaines en quatre volumes qui illustre la première collection de vases antiques de Sir William Hamilton. Dans une note à Hamilton non datée, d’Hancarville écrit :
‘L’idée qu’a eu Mr Hamilton que beaucoup de gens détacheront ces planches pour en orner des appartements est très juste puisque déjà une personne m’a demandé si elle pourrait avoir en payant les planches séparées du livre, sur cela je travaille (…)704 ’puis de 1791 à 1803, Jean Henri Tischbein réalise une Collection of Engravings from Ancients vases of Greek workmanship discovered in sepulchres in the Kingdom of the Two Sicilies during the course of the years 1789 and 1790 qui reproduit la seconde collection d’Hamilton. En 1806, le commissaire-priseur James Christies publie sous une forme différente ces gravures susceptibles d’être adaptées à des cabinets « in the way of modern paper hangings », ce que laissait déjà entendre, dans une lettre d’avril 1796, l’architecte Charles Heathcote Tatham qui écrivait alors :
‘You can scarce imagine how successful and new such ornaments appear.’Et, de fait nous les retrouvons dans la bibliothèque de Mere, une maison géorgienne irlandaise, posées sur le mur au-dessus de casiers de livres en acajou en 1815705.
Deux exemples subsistent, mais mal documentés. Le premier en Irlande à Clongowes Wood College, Co. Kildare, a été publié sous la forme d’un seul cliché médiocre par Ada K. Longfield, Dublin Paper-Industry, 1947. Le second est en Bohême à Tereziino Udoli : il est connu par une vue d’intérieur de 1837 conservée dans les collections de la famille Buquoy au château de Nové Hrady (ill° 4. 5)706. Le peintre a représenté le salon Nord d’une maison construite pour l’aristocrate Jean Buquoy avant 1803 dans une station thermale dénommée Tereziino Udoli, en l’honneur de sa femme. A l’époque où cette vue a été peinte, le lieu semble quasi-abandonné, sans une ombre de vie, mais l’intérieur a conservé son décor et son ameublement intact mis en place dès l’origine, conçu en style étrusque. Les meubles, d’un style Empire germanique très raffiné (chaises klysmos, tabourets, récamier autour de guéridons) s’organisent de façon informelle, à l’exception de deux consoles demi-circulaires entre les portes-fenêtres. Sur ces consoles, sur la tablette de la cheminée, sur une étagère légère, une collection de vases grecs à figures rouges ou leurs copies à Wedgwood. Les murs et le plafond sont traités dans une harmonie de trois couleurs : fond bleu pâle, ornements orange et noirs, au-dessus d’un lambris bas peint en blanc. La même harmonie se retrouve sur un paravent bas.
Cette harmonie n’est évidemment pas le fruit du hasard : elle est en relation directe avec les vases. Sans pouvoir l’affirmer de façon définitive (ce décor est peut-être peint), il n’est pas difficile d’imaginer qu’il a été réalisé avec les papiers imprimés en taille-douce en provenance de Paris. Le mur a été divisé en panneaux encadrés de bordures horizontales et verticales dessinées ici succinctement. S’intègrent à ces panneaux différents types de médaillons rectangulaires, ovales, ronds et hexagonaux, du même type que ceux imprimés par Arthur. Et même s’il s’agit d’un décor peint, les papiers d’Arthur permettaient de réaliser un semblable décor.
La manufacture parisienne rentabilisait au maximum ses planches de cuivre : les mêmes motifs se retrouvaient sur de la soie. L’article du Journal du Lycée des Arts de vendémiaire an 4 précise :
‘A cette intéressante manufacture s’est joint un attelier qui mérite aussi toute votre attention. C’est le laboratoire fondé par les citoyens Gamble et Coypel, imprimeurs en taille-douce, et qui ont poussé très-loin cette industrie au moyen de laquelle ils ont donné naissance à une nouvelle branche de commerce (…) Par ce procédé, ils impriment sur des toiles, des mousselines, du linon et toutes les étoffes de soie, des paysages, fleurs, arabesques, fruits, camées, médaillons et ornemens de toute espèce, d’une fraîcheur, d’une variété qui contraignent l’admiration.’A l’évidence, certaines plaques de cuivre étaient utilisées à la fois sur papier et sur textile puisque, par exemple, le motif d’arabesques conservé à Rixheim sous le n° 991 PP 12-189 se retrouve sur une ceinture de soie conservée au Musée Cooper-Hewitt de New-York707. Le Musée textile et du costume de Barcelone possède aussi un gilet de même origine708. L’inventaire d’Arthur de 1789 documente d’ailleurs
‘1 Dessein Pour Boutons/Moitte/108 (livres),Arthur et ses collaborateurs ne faisaient pas alors œuvre originale puisqu’en Alsace et à Londres, la même technique était utilisée709.
Les papiers en feuille donnent toute liberté au décorateur pour réaliser un décor dont l’équivalent n’existe qu’en peinture : l’exemple le plus célèbre de l’époque est la salle de bains de Mademoiselle Dervieux, conçue par F.J. Bélanger en 1789 et gravée par Détournelle710. Le papier peint offre une possibilité semblable mais à moindre coût, tout en maintenant un haut niveau de qualité dans le dessin des « camées ».
Ce type de décor n’a jamais donné lieu à une étude systématique.
MPP Z 8.
Publicité relevée par Clouzot-Follot 1935, p. 115.
Thümmler 2000, n°60.
Catalogue Garenne Lemot, 1997, n° 111.
A.N. O13641,2
Fille unique des souverains et future duchesse d’Angoulême.
A.N. O 13654,3
Leipzig, 1795, 2e livraison, planche n° 1.
Vente Christie’s Interiors, Londres, 14 novembre 1995, n° 135, illivres couleurs. Le catalogue a été réalisé par Charlotte Gere.
Nous ignorons où se trouvait ce décor et s’il a survécu.
Il en existe un quatrième dans un petit salon d’un intérieur de Chinon : tous les éléments utilisés sont authentiques mais la réalisation donne l’impression d’être un fort joli pastiche des années 1920 : cf. illivres n° 109, Hoskins 1994, p. 85.
Dossier en provenance du Service des Biens culturels de Trente, documentation MPP.
Cet extraordinaire ensemble de papiers peints n’a fait l’objet d’aucune monographie approfondie, voir Wisse 1998.
Ce fonds a fait l’objet de deux mises au point : Jacqué-Wisse 1992, p. 5-29 ; comme le titre l’indique, seule une partie du fonds, les documents imprimés en taille-douce, fait l’objet de l’étude. L’article de Wisse 1995 donne un aperçu général du fonds dans le cadre d’un n° spécial de la revue consacré au dit hôtelivres
L’on retrouve ce type de médaillons dans la collection Mauny : Garenne Lemot, 1997, n° 45-47 et dans la collection Follot (attribués à Arthur & Robert), Teynac 1981, p. 103.
La mise au point la plus récente est Piguet 1998. Les neuf panneaux sont les suivants (titre moderne) :
Orphée
Pyrame et Thysbé
Apollon et Daphné transformée en laurier
Pygmalion et Galatée
Le sacrifice d’Iphigénie
Iphigénie condamnée aux régions du Nether
Offrande à Pan
Eurydice piquée par un serpent
Scylla méprisée par Minos
Jean-Richard 1978, n° 1275-1284.
Sur ces huit panneaux, cinq au moins passèrent en vente en 1982 à Monte-Carlo (Catalogue vente Sotheby’s Parke Bernett Monte Carlo, 7 et 8 février 1982) sous les n° 190, 191 et 233 ; le Musée du papier peint en racheta quatre, voir MPP Rixheim 1997-98, n° 2.
Ces panneaux, alors possédés par Barrie & Desmond, Inc., ont été présentés à l’Exhibition of wallpaper du Museum of fine arts de Buffalo en 1937 sous le n° 54, avec une notice se référant à leurs origines, les attribuant à Arthur & Grenard d’après un dessin de Jean-Honoré Fragonard. On ne sait combien Huard en démonta : deux de cette méme série ont abouti au Musée des arts décoratifs après être passés dans la collection Poteau ; Clouzot-Follot 1935 reproduit Orphée p. 110 et Hoskins 1990 Pygmalion & Galatée p. 84, n° 108.
Découverts et étudiés par Maurice Jeanneret, ils ont fait l’objet d’une étude détaillée de leur inventeur : les papiers peints de la Cibourg , Musée neuchâtelois, mai-juin 1957, p. 65-70. Cette étude a été reprise par Piguet 1998.
Nous manquons cruellement d’un travail sur Jackson dont l’ Essay on the invention of engraving and printing in chiaro oscuro est aussi obscur et prétentieux que celui de son maître Jean-Michel Papillon. Cf. Kainen 1962.
A.N., M.C. Et. XVII Léger 1092.
Il suffit de comparer les documents « foncés » et les fonds obtenus en aquatinte dans les nombreuses publications qui reproduisent les découvertes de vases comme par exemple Hancarville (Pierre François Hugues d’) Antiquités étrusques, grecques et romaines tirées du cabinet de M. Hamilton, Londres 1766-76. Par ailleurs, cette utilisation comme fond, fortement délayé avec de la colle, en nécessite de moindre quantité que l’impression.
Il faut attendre 1826 pour voir reparaître l’impression en taille-douce dans le domaine du papier peint, mais cette fois-ci non à la plaque mais au cylindre. L’indiennage utilise l’impression en taille-douce depuis les années 1780, à la plaque puis au rouleau, mais le problème de l’humidification ne s’y pose pas ; par ailleurs, le burin y est préféré à l’aquatinte pour une meilleure lisibilité des motifs.
Bordure d’encadrement inv. MPP 991PP12-190 et Le coupe-tête, inv. MPP 991PP12-183 à comparer au n° 85 du catalogue Clodion, Paris, Louvre, 1992
Inv. MPP991PP 12-171.
Notice de F. L Regnault de Lalande précédant le catalogue de la vente après décès de Jean-Guillaume Moitte, 7-8 juin 1810, Catalogue Paris, Grand Palais, 1974, avec un essai sur les dessins de Moitte conservés en France. La thèse de Campbell 1982 ne fait aucune allusion aux documents qui sont notre propos.
Voir le chapitre sur les techniques de fabrication.
A. N. M.c. Et. XVII Léger 1092.
Cet inventaire est publié dans l’article de Jacqué-Wisse 1992.
Inv. MPP 991 PP 21 190, 191, 192 et 193.
Exemplaires conservés au Mobilier national (inv. GMT 14254) au Musée Marmottan et à Ostankino (Moscou). Voir aussi Groër 1985, p. 18, illivres 15, p. 20, illivres 19, p. 22, illivres 27.
Griener 1992, p. 120.
Documentation MPP.
Inv. 426/52., aquarelle de 0,325 m x 0,302 m. Cette vue a été publiée par Krizova 1993, planche XLII, p. 86. D’après Madame Krizova, ce décor a disparu (communication écrite).
Chronicle of the Museum for the arts of decoration of the Cooper-Union, volivres 2, n° 7, juin 1955, p. 228. D’autres exemplaires non publiés sont conservés au Musée historique des tissus de Lyon, à l’Art Institute de Chicago (département textile) et à la bibliothèque du Musée Carnavalet.
Coll° Rocamora, inv. 88.310. Exemplaire similaire au Cooper-Hewitt à New-York.
Le Musée de l’impression sur étoffes de Mulhouse conserve le décor d’un siège dessiné par Bonaventure Lebert pour une manufacture thannoise et imprimé selon la même technique (inv. 970.13.2.M) et le Victoria & Albert Museum un décor de siège gravé par Marino Bovi et daté 1799 (inv. 1871-1899). Voir le catalogue du Musée Galliera, Paris, 2000-01, n° 161 et 162, p. 193. Par ailleurs, les sièges du boudoir de l’impératrice au Palais de Pavlovsk sont réalisés avec ces mêmes tissus (Jacqueline Jacqué, communicat° orale).
Thornton 1984, p. 184.