1.6.7. Panneaux d’arabesques et pilastres

L’utilisation des pilastres est parfaitement codifiée : un panneau est encadré de deux pilastres de façon à former un ensemble cohérent sur le mur. Il existe pourtant, au-delà de ce cas générique, des cas particuliers.

Il arrive que le pilastre serve quasiment de bouche-trou dans un espace dans lequel il est difficile de placer autre chose pour des raisons de largeur : c’est en particulier le cas lorsque l’espace entre une porte et le mur se révèle étroit comme à Valdemar’s Slot.

Au château de Villers en Ouche, il sert d’axe à l’alcôve793 ; de part et d’autre ont été posés deux panneaux en manière de paire. Normalement, un panneau aurait dû occuper la place centrale, des pilastres l’encadrer et des champs de papier uni compléter l’ensemble. Ce choix surprenant ne trouve pas de justification rationnelle.

Au château d’Hindemae à Ullerslev dans l’île de Fünen au Danemark, les pilastres font corps avec les panneaux dont rien ne les sépare. Ici, dans un salon aménagé au début des années 1790794, des panneaux au motif des Quatre saisons directement issus de l’Iconologie de Cesare Ripa sont posés sans ordre dans une boiserie : on a l’impression que le décorateur (si décorateur il y a eu, le résultat en fait douter) a rempli tout l’espace disponible avec pour seule règle la symétrie. Selon les cas, on a côte à côte deux panneaux et deux pilastres, deux panneaux et quatre pilastres placés non pas en séparation mais comme bloqués en doublons à chaque extrémité. Le panneau encadré de ses deux pilastres semble l’exception. Aucune bordure n’a été utilisée, si n’est un talon encadrant légèrement chaque ensemble. De façon curieuse, le miroir est encadré d’un motif qui reprend maladroitement au pinceau des éléments des pilastres.

Le rendu en trompe-l’œil des motifs, imitant le bas relief en stuc, atténue l’incongruité du montage qui n’a donné lieu qu’à un minimum de réflexion et tient plus du remplissage d’espace que de la décoration.

Pourtant, ce type de montage a été prévu par les fabricants : les Cinq sens (ill° 3. 8)795 en sont un bon exemple. Les pilastres sont conçus de façon à être placés côte à côte avec les panneaux, leurs motifs se complétant : les têtes et les cous des cygnes, dans la partie supérieure, les fleurs des vases à mi-hauteur et les guirlandes en festons se raboutent. En fait, on a affaire à un dessin dont le concept reste baroque dans sa démarche globalisante, alors que les décorateurs néoclassiques structurent le mur en juxtaposant les éléments.

Panneaux et pilastres ont été posés de cette manière à la fin du XVIIIe siècle dans un passage (7,50 m sur 2,50 m) du château d’Allaman, ill° 3. 8a (Vaud, Suisse) : ici, par exemple, cinq panneaux combinés à sept pilastres se succèdent en continu sur une des parois. Au château d’En-haut, à Démoret, ill° 3. 8b (Vaud)796, les Cinq sens font en revanche l’objet d’une pose traditionnelle : sur un papier uni rose, panneaux et pilastres, imprimés en grisaille sur fond vert, alternent, encadrés d’une bordure architecturale. Le compartiment supérieur des panneaux comme des pilastres a dû être réduit pour s’adapter à la pièce assez basse de ce petit manoir ce qui ne pose pas de problème de lecture particulier. En revanche, la pose a aussi nécessité un savant découpage latéral pour rendre lisibles des éléments que le nouveau montage coupait comme les têtes de cygnes qui prennent ici une allure ridicule, recollés sur des cous raccourcis.

Ce n’est donc pas un hasard si ce modèle reste atypique : les fabricants risquaient en dessinant de la sorte de remettre en cause la modularité de leur produit. Il est d’ailleurs fort possible que les Cinq sens qui empruntent largement à un vocabulaire passé de mode.797, soient nettement antérieurs aux autres panneaux rencontrés jusqu’ici798.

Notes
793.

Pilastre IIB10, panneaux IB1. Aucune bibliographie. Voir Jacqué 1995 p. 86, dossiers aux Monuments historiques à Caen et au MPP.

794.

Jacqué 1995 p. 84. Le château a été construit de 1787 à 1790 ; un dessus-de-porte en papier peint du salon consacré à l’Esprit des lois de Montesquieu porte la date de 1789. Panneaux IA8, pilastres IIA4-7. Les fonds vert anglais originaux ont été repeints en bleu, sans doute au moment de la pose.

795.

IA7. L’étude et la bibliographie la plus complète les concernant sont à rechercher dans les actes du colloque du 16 novembre 1994 : les papiers peints du château d’Allaman, Lausanne 1995, p. 25-37.

796.

Voir note précédente. Dossier au Service des bâtiments, section monuments historiques et archéologie du canton de Vaud et au MPP.

797.

Bérain et Watteau pour les ornements des panneaux, Edmé Bouchardon, mort en 1762, pour les figures.

798.

L’absence d’indices scientifiques interdit de les attribuer avec certitude ; le nom de Réveillon est bien sûr répété à l’envi par facilité.