1.6.9. Un exemple de pose atypique : le théâtre d’amateur de Kochberger (Thuringe)818

Le domaine de Kochberger, proche de Weimar, est racheté en 1732 par la famille von Stein : Charlotte von Stein sera étroitement liée à Goethe de 1775 à 1788. En 1796, le fils aîné de Charlotte, Karl, en devient propriétaire et construit alors, en amateur éclairé, un petit théâtre néoclassique. Ce bâtiment très simple, a fait l’objet d’une décoration intérieure en papier très élaborée (ill° 4. 8). Les murs, les plafonds, les arcs et les colonnes sont couverts de papier, mais du papier marbré en jouant sur deux variantes, l’une jaune, l’autre grise complété de bordures de papier peint : Karl von Stein reprend ici les conseils du Journal des Luxus und der Moden de 1787 qui conseillait l’usage mural du papier marbré et en proposait des échantillons tout en montrant comment les utiliser819. Le propos était alors très néoclassique avec des panneaux jouant les contrastes de couleur, aux horizontales et verticales très marquées. Au théâtre, le propos est différent dans la mesure où les formes sont tout autres, plus souples et moins savantes. C’est ainsi que sur les murs traités en jaune, on a posé au-dessus d’une plinthe foncée une bordure de fleurs roses et jaunes et de feuilles de roses trémières en 12 couleurs imprimées sur un fond vert sombre : la partie supérieure, qui se détache sur le papier marbré, en a été découpée. Sur les murs traités en gris ont été créées des arcades décorées de draperies peintes ; ces draperies, peintes grossièrement, sont bordées de différentes bordures de fleurs où dominent roses et narcisses820. Ces bordures, découpées de part et d’autre, sont posées en guirlandes en festons, complétées aux angles de chutes de fleurs. Il ne semble pas que ces bordures aient été conçues pour cela, le poseur les aura adaptées821 par un découpage plein de naïveté. La combinaison des fleurs très naturalistes dans le goût des années 1790 offre ici un heureux contraste avec le fond plus grossier de draperies imitées au pinceau. Dans le reste de la salle, les colonnes toscanes sont en papier marbré gris ; autour de la partie supérieure du fût a été posée une bordure avec un motif de draperie d’un dessin néoclassique raffiné quoiqu’un peu naïf de traitement en dépit de son rythme complexe : il pourrait avoir été créé autour de 1800.

La combinaison des différents éléments aboutit à un décor plutôt original, en tout cas peu courant, parce qu’il ne se réfère précisément à aucun modèle : travail d’amateur, la décoration structure fortement l’ensemble, enrichit une architecture somme toute banale, d’amateur elle aussi, mais qui prend dès lors une dimension nouvelle à peu de frais. Le papier peint prouve ici qu’il peut rendre intelligente une architecture pauvre.

Notes
818.

Le château et le domaine de Kochberger ont fait l’objet d’une monographie dans les Arbeitshefte des Thüringischen Landesamtes f. Denkmalpflege, n° 5/1994, p. 371-379 ; les papiers peints du théâtre et leur restauration ont fait l’objet d’une étude de Jürgen Beyer dans la même revue, n° 3/1993, p. 83-94.

819.

Ce qui n’est pas pour étonner puisque ce Journal était édité à Weimar.

820.

Une production française, vers 1790-1797, pas encore attribuée avec précision. : on peut penser à un dessin de Malaine.

821.

Mais on se souvient que Nicolas Dollfus en proposait, d’après son inventaire de 1794 (MPP, Z 8).