1.6.11. Plafonds

Si les murs peuvent donner lieu à des décors très élaborés, il en est de même des plafonds. Un des motifs de prédilection est la rosace complétée par un jeu de bordures autour de la pièce. Ce sont d’ailleurs à ces jeux de bordures complétant une corniche que les mémoires de la Maison du roi font à l’occasion référence, mais, curieusement, dans ces cas, le centre du plafond ne semble pas avoir donné lieu à des créations en papier peint. C’est ainsi qu’en avril 1791, Arthur & Robert fournissent pour l’encadrement du plafond du cabinet d’étude de Madame royale  aux Tuileries :

‘Corniche
- 62 pieds de perle étrusque de 4 lignes A 2 6 4
- 62 dits feuille de 2° 6 lignes A 5 15 10
- 62 dits frise n° 967 de 6° A 12 37 4
- 62 dits feuille de 2° 6 lignes A 5 15 10
- 62 dits vis de 1° A 2 6 4852

Sans doute y-a-t-il déjà dans la pièce une rosace en stuc. En revanche, lorsqu’en septembre 1794853, Nicolas Dollfus fournit à Engelbach à Hambourg le décor de son appartement, il prévoit dans deux pièces des plafonds en papier peint pour lesquels sont fournies des esquisses : la pièce n° 5 fait ainsi appel à :

‘36 paysages coloriés 14 à 0.30
7
49 camées coloriés 14
fd brun à 0,30 7
634 à 7 camées coloriés
4 fd brun à 1 4
rosace à éventail 1 à 1.30
1.30
35 rosettes 2
fd brun à 0,30 1
perspectives 5 à 1.30
7.30
vases à fleurs 5 à 3.12
16
draperie 5 à 1
5’

ce qui nous amène à un total de 48.60 florins, soit 104 livres. Ici, la rosace centrale se combine à tout un ensemble de motifs dont on comprend mal l’usage.

Un plafond maintenant conservé au Musée des arts décoratifs de Paris (ill° 4. 10)854 et que l’on peut dater des débuts des années 1790 forme un ensemble séduisant. Le fond est vert fin ; il est entouré d’une bordure à tors de fleurs qui permet aussi de créer des compartiments, séparés par des surfaces unies jaunes. Au centre, un « éventail » entourant Diane sur un char. Aux quatre coins, des figures à l’antique de couleurs naturelles sous la forme de papiers en feuille jouent le contraste avec des Vénus jouant avec l’Amour traités en tons de bronze. L’ensemble, résultat d’un montage, séduit par sa gamme colorée, la complémentarité entre les motifs à l’antique et les fleurs, et sa composition élaborée.

Enfin deux exceptionnels plafonds des années 1790 nous sont parvenus intacts in situ A Guntersblum et à Ostankino et permettent d’illustrer le mémoire précédent.

A Guntersblum, le petit salon décoré de panneaux d’arabesques possède un plafond d’une élaboration exceptionnelle. Au centre, une surface ovale est peinte de nuages ; elle est entourée d’une large bordure de fruits855. Entre le plafond et le mur, la liaison se fait par une série de bordures très diverses mais pourtant parfaitement harmonisées ; la première, collée sur la corniche, propose une draperie plissée, apparemment posée à l’envers ; puis se succèdent une bordure à médaillons alternés à motifs raphaélesques856, une large bordure en camaïeu sur fond bleu à motif de lions ailés encadrant un vase Médicis et enfin une bordure de roses au naturel très proche de celle de la manufacture Jacquemart & Bénard. Dans les angles est posé un papier en feuille, découpé en trapèze avec un motif de scène mythologique. La pose témoigne à la fois d’un remarquable métier de décorateur et d’un savoir-faire raffiné de colleur857.

A Ostankino, on rencontre des plafonds à motif de caisson, comme dans les petits cabinets du pavillon italien où se combinent différents types de caissons ; mais il est des formules plus compliquées et dans ce même Pavillon italien, un plafond (ill° 4. 9, détail 4. 10) présente une structure plus complexe encore, en faisant appel non seulement à un ensemble de bordures mais aussi à des vases et à des fragments de papiers peints en arabesques découpés858.

Le caisson carré du plafond (ill° 4. 10) s’organise à partir d’un jeu de trois bordures successives de l’extérieur vers l’intérieur. Au bord, une bordure néoclassique alterne des têtes et des médaillons dans une structure rigoureuse de tors de fleurs traitée en bleu canard ; dans les coins, un motif en feuille de sacrifice antique finit le motif859. Vient ensuite sur un simple fond blanc, un motif de griffons affrontés monochrome, de façon à créer un contraste de couleurs. Une troisième bordure présente des fruits traités en camaïeu bronze.

A l’intérieur de ce cadre, sur un fond uni vert anglais se détachent des bouquets en vase aux quatre coins, proches de ceux utilisés sur les bas de lambris du boudoir de St-Blaise860. Au centre, dans un cercle de tors de marguerites (Réveillon, n° 1069), le poseur a découpé et collé sur un fond vert anglais des fragments du papier peint en arabesques à simple chemin n° 686 de Réveillon : apparaissent découpés les lambrequins, les tors de plantes, les cartouches, les vases ; les bacchantes proviennent peut-être aussi de ce papier peint, mais on n’en connaît pas d’autres exemples.

Dans ces deux cas, le résultat, très sophistiqué, suppose un travail très soigné de la part du décorateur qui a eu à sa disposition de nombreux exemplaires de bordures différentes, des papiers en feuille mais aussi, à Ostankino, des arabesques à simple chemin des plus coûteuses. Mais ces plafonds sont en tous points une œuvre originale, irréalisable dans toute autre technique, la peinture en particulier. Ici, le papier peint atteint son plein épanouissement en donnant naissance à une forme décorative absolument nouvelle, à un langage sans précédent.

Notes
852.

A.N. O13654,3.

853.

MPP, Z 96.

854.

Hoskins 1994, p. 92.

855.

Attribuée à Malaine : cf. Nouvel 1981, fig. 290. La même bordure est aussi conservée dans la collection Poteau au Tapetenmuseum de Kassel, cf. Thümmler 2000, p. 49, ill° 48.

856.

Connue dans plusieurs collections : sans doute s’agit-il de variantes d’un même motif ; l’exemplaire de la SPNEA à Boston porte la marque de Bourrier à Amsterdam.

857.

Wisse 1996, p. 118-119.

858.

Vdoven 1994, p. 125, ill° 82.

859.

On le retrouve utilisé à la Campagne du Désert à Lausanne ; ce pourrait être le n° 1126 de Réveillon, cf. Piguet1998, p. 89, fig. 12.

860.

Le MPP en possède un exemplaire, inv. 991 PP 12-38 ; le vase est découpé.