Le souci du confort s’affirmant au cours du XVIIIe siècle entraîne l’essor de l’usage du paravent888 : comme son nom l’indique, il protège des courants d’air provoqués par les cheminées et les ouvertures des appartements en suite ; il permet aussi davantage d’intimité dans des pièces où se déroulent encore des activités très diverses. Le papier peint trouve la un usage décoratif qu’attestent aussi bien les archives que les nombreux exemplaires parvenus jusqu’à nous. Papillon, dans la VIIe planche de ses dessins réalisés vers 1759 nous en montre la fabrication. Chaque « feuille889 »est formée d’un châssis de bois rectangulaire, renforcé à mi-hauteur par une entretoise. Ces différents châssis sont fixés entre eux par des charnières, généralement doubles, de toile clouée. Sur ce châssis est tendue une toile sur laquelle est collé un papier de décor. Les papiers s’abîmant, en particulier dans la partie inférieure, au contact de l’humidité, ou se démodant, on peut être appelé à les renouveler, auquel cas, on colle simplement une nouvelle couche dessus890.
Il existe deux modèles de base : tout d’abord un paravent haut d’1,45 m à 2 m891 de haut. Sa partie supérieure est le plus souvent traitée en chapeau de gendarme à l’époque rococo puis devient horizontale par la suite. Un second modèle, plus bas, d’environ 0,80-1 m de haut, est davantage destiné à être utilisé comme pare-feu et sa partie supérieure est généralement horizontale. Le papier peint recouvre les deux faces et se rabat sur les bords. Une bordure garnit le pourtour. Elle peut être remplacée par une baguette de bois clouée, peinte ou dorée. La partie inférieure peut faire l’objet d’un lambris d’esprit architectural892 ou plus simplement être recouverte d’un papier uni ou presqu’uni, foncé, facile à remplacer, cette partie s’abîmant rapidement. Les motifs varient du tout au tout, des plus coûteux, comme les papiers chinois893 ou les arabesques894, jusqu’aux plus simples895, y compris des dominos.
Une feuille d’un paravent démonté conservé au MPP (ill° 1. 3)896 se révèle riche d’enseignement : au verso a été utilisé un papier tontisse à médaillons imprimé en France vers 1760 ; A l’origine, le motif était imprimé en vert sur un fond rose, comme les bords le laissent encore deviner ; de la même époque, au verso, un domino au motif inspiré de celui d’une soierie. Ce motif rocaille, sans doute passé de mode, a été par la suite recouvert d’un papier peint en arabesques des années 1780.
Les archives nous permettent de donner une idée de la valeur de ces paravents : ainsi ces livraisons à la Maison du Roi en 1783 :
‘Menus-PlaisirsChez Arthur & Grenard, le paravent semble être une marchandise courante : l’inventaire de 1789 en relève des exemples à différents stades. Les bois tout d’abord :
‘1 bois de paravent de 8 feuilles à 5 pds1/2 8 (livres)’Puis des paravents prêts à être contrecollés de papier peint, par exemple :
‘5 Paravents de 6 feuilles de 4 pieds1/2 chaque en toile et papier gris à 15 75’Enfin un seul paravent prêt à la vente :
‘1 Paravent de 6 feuilles à 5 pds1/2 couvert en cendre bleueLes exemplaires prêts à être couverts dominent de très loin : la manufacture propose donc à ses clients des paravents prêts à être décorés selon leurs désirs.
Pardailhé-Galabrun 1988, p. 375 montre leur présence dans les intérieurs parisiens du XVIIIe siècle. Voir, pour une approche plus approfondie Havard 1887-1890, tome 4, colivres 99-101 et Banham 1997, p. 1146-1148 (art. « screens »)
C’est le nom que l’on donne traditionnellement aux différents éléments du paravent. Les inventaires parlent aussi de « feuillets ».
Les exemples en sont fréquents et permettent des découvertes quasi « archéologiques », voir infra.
Les paravents figurant dans l’inventaire d’Arthur & Grenard de 1789 varient entre 4 pieds 1/2 (1,44 m) et 6 pieds 1/2 (2,08 m).
Ainsi dans ce paravent conservé à Mâcon, Jacqué 1995, p. 57.
Cf. le tableau de Boucher la Toilette, 1742, coll° Thyssen-Boremisza, Madrid : un paravent couvert d’un papier chinois empêche le passage de l’air entre la porte et la cheminée.
Jacqué 1995, p. 56, avec un bas de lambris ; le Musée Carnavalet en possède en réserves un superbe fait de panneaux d’arabesques.
Cf ; le tableau d’Antoine Raspal, Atelier de couture, vers 1770, Musée Réattu, Arles : le paravent est décoré d’un papier peint (ce que prouvent les déchirures) en deux couleurs sur fond bleu.
MPP, inv. 985 PP 4-2, cf. Jacqué 1995, p. 32 et 35.
O1 3065A,
A.N. O1 3631.2