2.3.1. La révolution du papier en continu

Depuis le XVIIIe siècle, les manufacturiers font usage de rouleaux de papier peint faits de feuilles raboutées : Le Normand en décrit encore la technique en 1832. Mais en 1826, la manufacture de Rixheim adapte au papier peint la technique d’impression au rouleau de cuivre gravé en taille-douce1083 : elle se heurte alors au problème de la tension que provoque la machine sur les rouleaux de papier rabouté, ce qui accélère sans doute la mise au point du rouleau de papier continu1084. La manufacture accélère ses essais et dépose finalement le 30 septembre 1830 un brevet (ill° 11. 2). Le papier peint n° 2744 dans la collection de 1832 est le premier papier peint imprimé en continu.

L’on peut se demander pourquoi une si longue attente alors que le papier en continu est déjà bien connu et utilisé : Robert en a mis au point le principe dès l’an VII, les premières fabrications se font en Angleterre dès 1804, dès 1815 en France. Mais les besoins en papier de l’imprimerie (bien sûr majoritaires) ne sont pas du même ordre que ceux des fabricants de papier peint qui ont besoin de rouleaux longs, si possible de 9 mètres.

Jean Zuber est à l’affût dès 1819 d’une machine pour sa papeterie de Roppentzwiller mais il n’y a sur le marché que des machines nécessitant la découpe en feuilles à la sortie ; par ailleurs, il faut attendre 1827 pour que soit résolu le problème du collage du papier. Finalement, le mécanicien Amédée Rieder, ami d’enfance de Jean Zuber fils, améliore une machine Leistenschneider, en particulier en matière de séchage, la brevète1085 et la fait construire par les ateliers d’André Koechlin à Mulhouse. Dans une notice sur Zuber à propos de l’Exposition de 18341086, le rapporteur constate que cette invention

‘a permis d’arriver à une délicatesse d’impression, à une régularité, à une précision que l’on n’avait jamais pu atteindre.’

Dans les années qui suivent, Zuber fournit ses confrères, mais très vite, avant 1840, le papier continu devient la règle, de nombreux papetiers en mettent sur le marché. A l’Exposition des produits de l’industrie en 1839, l’ensemble de la profession a adopté ce nouveau type de rouleau de papier1087.

On peut s’étonner que les Anglais qui maîtrisaient parfaitement la technique du papier en continu ne l’aient pas appliquée au papier peint avant 1830. C’est simplement pour des raisons fiscales, parce que le papier peint était imposé à la feuille ; résultat, les tentatives des fabricants se sont heurtées au refus de l’administration fiscale. La manufacture Williams, Coopers & C° a fait par exemple à trois reprises des demandes restées sans succès en 18281088.

La mise au point du rouleau de papier en continu marque une étape fondamentale puisqu’elle conditionne tout le processus de mécanisation : la vitesse d’une machine, entraînée à la vapeur, est incompatible avec le rouleau de papier rabouté.

Notes
1083.

Voir infra.

1084.

Pour cette question, André, 1996, a réalisé une irremplaçable synthèse.

1085.

Le brevet est complété à deux reprises, le 29 août 1831 et le 19 février 1834. Leistenschneider a mis au point une machine à forme ronde, mieux adaptée au papier peint que les machines à forme plate.

1086.

BSIM, 1834, p. 456.

1087.

André 1992.

1088.

Sugden & Edmonson 1925, p. 125.