2.3.4. A la recherche de nouveaux effets : l’irisé

La technique traditionnelle du papier peint n’autorise que les effets de surface colorée en aplats, ce qui offre bien des possibilités, à condition d’en maîtriser la technique. Par ailleurs, en matière de fond, le brossage normal n’autorise qu’une seule couleur.

Pourtant, les textiles les plus appréciés en décoration – et les plus coûteux, donc les plus susceptibles d’être imités – sont les soieries1109. Il est certes possible de copier ces motifs en papier peint, mais l’imitation faisant appel à la technique traditionnelle de la détrempe à la planche reste frustrante car, si elle permet de reproduire le motif, elle ne permet pas d’atteindre ce qui fait le charme de la soie, le jeu de sa fibre avec la lumière, les vibrations qui habitent la surface du tissage et entraînent ses séduisantes brillances.

La solution est trouvée par le manufacturier Michel Spörlin, beau-frère de Jean Zuber à Vienne : à partir de 1816, il met au point le procédé de l’irisé1110 (ou Iris), d’abord horizontal pour les ciels puis l’améliore progressivement dans l’autre sens, sans doute en 1819 à Rixheim, dans l’entreprise de son beau-frère, Jean Zuber où on l’observe à partir de 18221111 les premiers papiers peints foncés et imprimés en irisé1112.

Spörlin en explique en janvier 1823 le principe, simple en théorie, fort complexe en pratique :

‘Le nouveau genre de papiers peints que j’ai inventé et dont j’ai établi la fabrication dans la manufacture de MM. Jean Zuber & Comp. A Rixheim avec un succès complet, a été appelé Iris ou irisé (…) Le principe de de mon invention est tellement simple, que j’ai de la peine à croire que je soye le premier fabricant qui aie conçu cette heureuse idée ; mais ce qui me paraît certain, c’est qu’aucun autre avant moi n’a eu le courage de la mettre en pratique. Qu’on se représente un réservoir de couleurs divisé en compartiments plus ou moins étroits, avec une brosse assez longue pour entrer à la fois dans tous les compartiments, et tout le mystère sera révélé. Après la conception de l’idée, l’essentiel était de rendre le travail parfaitement régulier, et d’en trouver une application heureuse pour les dessins à exécuter1113.’

Le procédé, admirablement maîtrisé à Vienne puis à Rixheim, permet de donner aux ciels des panoramiques et des paysages des dessus-de-porte une extraordinaire profondeur et une poésie insoupçonnable pour qui ne les a vus ; par ailleurs, en jouant sur le fond et l’impression, il est possible d’imiter à la perfection les effets de la soierie, voire, dans les meilleurs cas, de jouer avec le procédé pour des effets formels qui, avec le recul du temps, nous apparaissent d’une étonnante modernité1114.

Notes
1109.

Pour la soierie lyonnaise de l’époque napoléonienne, nous possédons le catalogue de Coural 1980.

1110.

Voir Mieg 1857, Nouvel 1981 (descriptif illustré de Michel Spörlin, p. 25-28) Nouvel-Kammerer 1984, Jacqué 1992, p. 20 et la mise au point de Witt-Döring 1995 à partir des sources viennoises.

1111.

Papier peint n° 1983, Nouvel-Kammerer 1984, p. 108.

1112.

La chronologie de l’invention et le rôle précis de Michael Spörlin ne sont pas tout à fait clairs. Witt-Döring, se fondant sur les documents viennois parle de premiers essais à Vienne en 1816 ; la date de 1819 est retenue dans la famille Zuber pour la transmission du procédé à Rixheim, cf. Zuber 1851, p. 6, mais le premier papier peint faisant appel au procédé à Rixheim appartient à la collection 1822, soit une création en 1821, alors que la technique est déjà maîtrisée à Vienne, au moins pour les fonds. Michaêl Spörlin s’estime seul inventeur, Jean Zuber-Karth se dit co-inventeur en 1851, mais son père semble l’avoir contesté dès 1846, Zuber 1972, p. 14.

1113.

Ce texte (doc° MPP) a été publié par Nouvel 1981, p. 25 et Nouvel-Kammerer 1984 p. 108.

1114.

C’est en particulier le cas quand le procédé est appliqué en textile, sur laine dans les années 1840, nombreux exemples dans les collections du Musée de l’impression sur étoffes, Roland 1996. Voir infra l’étude des imitations de soierie en irisé. Voir Persoz 1846, t. II p. 323.