2.3.6. La solution au problème de l’impression des rayures

Dès le XVIIIe siècle apparaissent des papiers peints à rayures, imitant en particulier les indiennes1119 mais les motifs de seules rayures ne semblent apparaître qu’au début du XIXe siècle, avec en particulier les motifs imitant les textiles rayés alors à la mode, drapés ou non1120. Dans ces cas, comme la rayure devient le motif unique, son impression à la planche fait ressortir les imperfections du procédé parce qu’il est impossible de raccorder à la perfection deux coups de planche ; l’imprécision légère, peu visible dans un motif normal, saute aux yeux dans le cas de rayures, aboutissant sur le mur à un effet peu gracieux, très éloigné de la rigueur géométrique du tissage que l’on souhaite imiter1121. Seule une impression en continu peut résoudre ce problème : ce n’est évidemment pas un hasard si la taille-douce est mise à profit dès ses débuts pour réaliser des rayures, combinées ou non à d’autres motifs : la première impression en taille-douce créée à Rixheim est un motif de rayure1122.

Mais la taille-douce suppose une gravure coûteuse et son emploi reste limité à cause de ses impératifs complexes. Dès 1829, si l’on analyse les papiers peints conservés dans les collections du MPP, la manufacture de Rixheim met au point un procédé que l’on peut mettre en rapport avec la fabrication du papier en continu. Mais il ne sera breveté qu’en 18431123. Voici la description qu’en donne Figuier1124 :

‘Un récipient de laiton, nommé tire-ligne1125, de forme triangulaire et divisé en compartiment, reçoit les diverses couleurs qui doivent former leurs rayures. Son arête inférieure a des fentes très-minces qui laissent échapper les couleurs d’une manière uniforme. On place le tire-ligne à l’extrémité d’une table d’environ 9 mètres de long. Le papier, amené sous la fente, est saisi par deux règles de bois formant pince et attaché à une corde qui s’enroule sur une poulie. En tirant cette corde, on entraîne le papier qui, passant avec une vitesse uniforme sous l’arête du tire-ligne, reçoit une trace longitudinale de couleurs, qui forme la rayure. Quand le papier est arrivé au bout de la table, un enfant soulève la feuille humide, pour la suspendre à l’étendoir et la faire sécher, et on recommence l’impression d’un autre rouleau.
Les compartiments cloisonnés du godet, inégaux dans leur longueur, permettent de diversifier à l’infini les dispositions des rayures. Parfois, on bouche avec de la cire les fentes de quelques compartiments, et le papier, à la place correspondante, conserve la couleur donnée par le fonçage.’

Et Figuier d’ajouter :

‘Les rayures servent elles-mêmes souvent de fond. Dans ce cas, on les soumet à une impression nouvelle, soit en les combinant, au moyen de cylindres en taille-douce, avec des raies transversales, ce qui produit un papier de tenture dit écossais, soit en les ornant, par les moyens ordinaires, de fleurs ou d’autres dessins.’

Le procédé est utilisé par toutes les manufactures, à partir de 1853, quand il entre dans le domaine public. Exner1126 précise que les parois à l’intérieur du godet sont réglables et peuvent donc être déplacées en fonction du motif souhaité, ce qui complète l’usage de la cire : nous n’avons jamais rencontré un tel matériel, la manufacture Zuber possédait pour sa part des dizaines de godets différents en laiton en fonction de ses divers motifs de rayures.

Le même procédé permet la fabrication de rayures ondulantes : un brevet est déposé dans ce sens en Angleterre1127.

Notes
1119.

Nombreux exemples dans la production de Réveillon.

1120.

L’on songe par exemple à la draperie drapée produite par Dufour et souvent reproduite (Nouvel 1981, n° 547), voir infra le chapitre sur les draperies.

1121.

C’est déjà très sensible par exemple pour l’impression des lambris : les lignes ont de grandes difficultés à s’adapter les unes aux autres.

1122.

Exemple Nouvel 1981, n° 193.

1123.

Nouvel 1984, p. 111-112. Elle publie un croquis joint au brevet. Le Normand n’y fait pas allusion. Brevet n° 11475, 22 décembre 1843, 10 ans. Machine à imprimer les rayures en toutes couleurs avec brevet d’addition det de perfectionnement du 14 août 1845. Tome LXXXIII, p. 140-142.

1124.

Figuier 1878, p. 336, illustré p. 337 ; il en existe une autre illustration, suédoise de 1874, reprise par Jacqué 1991, p. 38.

1125.

Ou godet : ce qui devient Gaudet dans les traités techniques allemands.

1126.

Exner 1869, p. 280.

1127.

Koechlin 1833 : « Mémoire sur une machine employée en Angleterre pour l’impressions de plusieurs couleurs formant un fond de rayures, soit droites, soit ondoyantes, de telle manière que les couleurs ne puissent pas se fondre l’une dans l’autre, dans les lignes de séparation de ces rayures » Bull. de la Société d’encouragement à l’industrie nationale, p. 374.