2.3.9. Les effets nouveaux du gaufrage

Le souci d’une imitation toujours plus raffinée des matériaux de décoration les plus sophistiqués a poussé les manufacturiers à multiplier les expériences en trois dimensions. Les fabricants français, en particulier, ont repoussé les limites du relief par une maîtrise quasi absolue de la perspective et du modelé des formes : les draperies de Dufour des années 1810-30, les fleurs d’Isola bella à partir de 1842 sont là, si nécessaire, pour le prouver, tout comme les condamnations des Réformistes anglais qui, après 1851, rejettent avec mépris les créations françaises qui remettent en cause la planéité du mur1163. Mais, quelles que soient les possibilités du procédé, il ne réussit pas à rendre de faibles reliefs sur des surfaces limitées, quand il s’agit par exemple d’imiter les étoffes façonnées, la passementerie et surtout les cuirs de Cordoue dont la mode s’affirme avec le succès du néo-Renaissance à partir des années 1830. Pour développer cette dimension tactile, les manufacturiers multiplient les brevets tout au long du siècle, la seconde partie se révélant étonnamment inventive dans ce domaine : nous n’aborderons ici que les prodromes de ce procédé.

Afin d’obtenir un faible relief, non celui d’un cuir doré mais celui du grain d’un textile, on fait usage de deux cylindres gravés, l’un en creux, l’autre en relief, entre lesquels passe le papier imprimé : le procédé a été mis au point à Hanovre en 1835 par un dénommé Schütz avant qu’en 1838 Spörlin & Rahn et Jean Zuber & Cie en 1843 ne l’exploitent chacun de leur côté ; le procédé ne permet cependant pas de faire concorder impression et gaufrage, ce qui en limite l’usage. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on parle le plus souvent de gobelinage à ce propos1164.

La presse à gaufrer le papier apparaît dès 1825, à la manufacture Spörlin & Rahn de Vienne qui met au point un procédé pour gaufrer le papier doré afin d’imiter les cadres de miroirs et de tableaux : l’affaire prend de l’ampleur et, en 1834, l’entreprise met sur le marché 3000 cadres dorés. Quant aux papiers peints, la manufacture de Rixheim en produit dès 1840, Spörlin & Zimmermann à Vienne, depuis 1842, l’entreprise Bauernkeller s’en fait une spécialité à Darmstadt de 1845 à 1848, sur la base d’un brevet déposé à Vienne dès 1840.

La première moitié du siècle a donc mis en place les bases de la mécanisation : ce sera le rôle des manufacturiers de la seconde moitié du siècle de pousser au maximum les possibilités des nouveaux procédés et à réfléchir sous quelles formes peuvent se maintenir les techniques anciennes. Ces techniques connaissent leur apogée dans la première moitié du siècle avec la pleine réussite du panoramique.

Notes
1163.

Banham (Joanna) 1994 p. 138-149.

1164.

Laboulaye 1879, p. 26-27. De nombreux brevets y font par la suite allusion.