2.4.1. Un paysage sur le mur

Définir précisément ce que regardaient ces enfants n’est pas chose simple. Ce que nous appelons panoramique est un paysage (c’est le terme le plus communément utilisé au XIXe siècle, en particulier par les manufacturiers) fait de rouleaux ou lés de papier peint : six au minimum, trente trois au maximum, vingt quatre le plus souvent. Chacun de ces lés, différent de son voisin, forme une partie de ce paysage et le dernier lé se raccorde au premier¹¹⁶⁹ de façon à créer un panorama, historié ou non. Ce panorama est ainsi conçu qu’il s’adapte aux murs d’un intérieur avec souplesse, quel que soit le nombre d’ouvertures.

Par delà cette définition, il faut nuancer, car il est des cas limites : un décor comme le Jardin d’Armide, présenté par la manufacture Jules Desfossé à l’Exposition universelle de Paris en 1855 est-il un panoramique ? Non, dans la mesure où il exclut toute dimension de panorama, centré qu’il est sur la statue d’Armide se détachant sur un fond d’arbres, oui, si l’on songe à la dimension paysagère et à la technique de fabrication utilisée ; or les années 1850-60 ont multiplié ce type de décor pour compenser le recul du panoramique traditionnel : le décor Grande Galerie Louis XIV(ill° 42. 7) des frères Hoock (1867), par exemple, est de conception similaire. Autre cas particulier : Psyché & Cupidon (ill° 42. 1) créé par Dufour en 1815 ; il s’agit de “tableaux-tentures”, une série de tableaux en papier peint de largeur variée (1 à 6 lés) qui ne se raccordent pas entre eux ; qui plus est, pratiquement tous se déroulent dans un intérieur, non dans un “paysage”. Ce décor précède et annonce, plus de trente ans plus tard, la production des “tableaux” (ill° 42) qui va prendre son essor à partir de 1855 pour lutter contre le désintérêt croissant pour le panoramique et qui ne sont, à proprement parler, d’aucune manière des panoramiques¹¹⁷⁰.