2.5.1. Les Vues de Suisse1416

Les Vues de Suisse sont pour Jean Zuber un acte fondateur : n’écrit-il pas dans ses Souvenirs :

‘Cette entreprise dépassait mes moyens, mais j’étais devenu audacieux et le succès répondit à mes espérances1417. ’

Le monde du panoramique ne lui est certes pas inconnu mais la manufacture dont il vient de reprendre la direction n’en a pas l’expérience. En homme de métier expérimenté, il sent bien que le panoramique, jusque là médiocre, a un immense avenir devant lui. Et alors que règne dans ce domaine le camaïeu ou la formule bâtarde du camaïeu complété de quelques éléments en couleurs comme les Jardins anglais, connus sous le nom de Jardins de Bagatelle (ill° 17. 1)1418, il prend d’emblée la décision d’investir de façon coûteuse dans un panoramique entièrement en couleurs. La décision n’a pas dû être simple à prendre puisque la manufacture ne dispose pas d’un capital important alors que l’investissement, en gravure en particulier, ne peut que l’être.

Jean Zuber est servi par un dessinateur qui combine à la fois l’expérience et le talent : Mongin (ill° 24), qu’il a su trouver et peut-être débaucher. Il serait intéressant de connaître la chronologie des Sauvages du Pacifique, apparemment mis au même moment en chantier, mais les archives de la manufacture Dufour ne semblent pas avoir été conservées. En revanche, il nous est possible de suivre pas à pas l’élaboration des Vues de Suisse, et curieusement, mieux que pour aucun autre panoramique ! Nous possédons les courriers envoyés à Mongin quand il n’est pas à Rixheim, les échanges avec certains revendeurs mais surtout les courriers envoyés à Michael Spörlin, voyageur de la maison et de plus beau-frère de Jean Zuber, à qui il se confie volontiers1419. Comme la réalisation d’un panoramique est une expérience totalement nouvelle, les difficultés rencontrées quotidiennement sur le plan matériel tout comme les tentatives commerciales se révèlent particulièrement intéressantes.

Mais posons-nous d’abord la question du choix du sujet : il semble venir de Jean Zuber qui déclare le 28 septembre 1802 :

‘nous voulions choisir des vues de Suisse afin de donner à ce décor un intérêt plus général.’

Le manufacturier connaît bien la Suisse : il est né suisse, comme tout mulhousien, il l’a souvent parcourue au cours de la décennie précédente comme on l’a vu et il a su l’apprécier ; il sait aussi l’ampleur de l’intérêt qui se porte alors sur ce pays, au tournant du XVIIIe siècle, depuis Haller et Rousseau mais aussi Goethe – et bientôt Schiller, Madame de Staël et Senancour. Les guides de l’époque insistent sur quelques paysages choisis parmi les plus romantiques des Alpes : l’Oberland avec la vallée de Grindelwald, Lauterbrunnen et la cascade du Staubach, le massif du Gothard et son pont du diable ; on demande à ces sites exaltants de retremper l’âme du voyageur ; d’autre part, la campagne bernoise, son humanité simple et ses superbes chalets semblent sortis de quelque âge d’or oublié1420. A l’intention des voyageurs qui visitent le pays sont éditées en grand nombre des gravures qui reproduisent les sites naturels et habités, les mœurs et les costumes des populations : une documentation que Jean Zuber connaît, comme on le verra, et qu’il saura mettre à la disposition de son dessinateur. Ce choix fait antérieurement à la rencontre entre les deux hommes, suivons les étapes de l’élaboration du panoramique et de son mode de commercialisation.

5 vendémiaire 11 (28 septembre 1802)

A la suite d’une rencontre à Paris entre Jean Zuber et Pierre-Antoine Mongin, non datée, Jean Zuber explique clairement ses intentions : « exécuter un paysage en coloré », « des vües de Suisse » et il demande à Mongin de faire un essai.

18 brumaire 11 (9 novembre 1802)

Jean Zuber envisage une rencontre entre Spörlin et Mongin à Paris : un de ses essais serait indispensable pour « raisonner (…) sur l’exécution de vos dessins ».

4 février 1803

Jean Zuber écrit enthousiaste à Spörlin à Hambourg :

‘J’ai reçu depuis peu le dessin de Mongin et je le trouve si beau qu’à l’instant je l’ai chargé de peindre 2 lais pour être exécutés et pour pouvoir le présenter l’année prochaine à nos pratiques. Il y aura 12 peut-être 18 lais et ce sera j’espère le travail le plus parfait qui aye encore paru – malheureusement la dépense pour la gravure sera énorme, chaque lai coûtera au moins 600 L.- ’

Pour l’instant, comme le montreront les courriers suivants, Mongin n’a envoyé que la maquette d’un seul lé.

14 pluviôse 11 (4 février 1803)

Jean Zuber confirme à Mongin « la satisfaction que nous éprouvons tant de la composition que par rapport aux soins que vous avez mis à l’exécuter. » et lui paye 120 L. Jean Zuber engage le dessinateur à combiner « toute la perfection possible » à « tous les moyens d’économie », de « ménager le nombre de teintes et (…)de n’employer que les tons absolument nécessaires pour produire l’effet désiré ». Le manufacturier constate la méconnaissance de Mongin des « formes caractéristiques de notre belle nature suisse » et se propose de lui fournir une « collection (…) de bonnes estampes colorés ». Il demande à Mongin « un simple croquis (d’ensemble) au crayon ou à l’encre de la Chine » et lui offre de séjourner à Rixheim pour achever le travail. Quant au coût, « nous nous remettons entièrement à votre honnêteté pour la fixation de vos honoraires et ayez la bonté de nous répondre à ce sujet ». S’y ajoutent des remarques d’ordre technique sur l’usage de couleurs bien collées pour éviter des désagréments lors de la mise sur bois.

26 février 1803

Jean Zuber peut annoncer à son beau-frère que « Mongin viendra exécuter la suite des paysages ».

16 ventôse 11 (7 mars 1803)

Jean Zuber fait parvenir un ensemble important d’estampes au dessinateur : « nous avons fait choix des sujets qui nous ont paru les plus propres à notre objet ». Il ajoute : « il vous sera facile d’assembler en tableaux délicieux (ces sites) ». L’ouvrage de Verena Baumer-Müller1421 qui a fait un point précis de l’iconographie utilisée montre que Mongin a eu d’autres sources que celles fournies par la manufacture. Jean Zuber donne toute liberté au dessinateur pour la composition à condition que « chaque lai présente les objets caractéristiques ».

2 floréal 11 (23 avril 1803)

Mongin fait parvenir à la manufacture une esquisse d’un ancien projet : ce qui ne satisfait pas Jean Zuber qui lui recommande « de vous écarter le moins possible du caractère des estampes (…) tant pour la paysage que pour les fabriques et figures ».

16 prairial 11 (6 juin 1803)

Les deux lais sont terminés  mais pas encore à Rixheim. « Nous sommes de l’avis de ne pas y mettre de nuages » estime le manufacturier.

19 juillet 1803

Dans une lettre à Spörlin, Jean Zuber envisage pour la première fois l’aspect commercial : « Tu pourras parler aux amis de Milan des vües de Suisse, il sera le plus beau produit qui ait encore été fait – je compte vendre le lé à 5 L., il y en aura 12 ou 16 et tout marchand qui prendra à la fois six collections n’en paiera que 5 et recevra la 6e gratis » : c’est la première trace de ce système de promotion qui sera retenu par la suite.

2 thermidor 11 (21 juillet 1803)

Les deux lais sont parvenus et « un des 2 lais (…) a été de suite mis en exécution, on en imprime les premières épreuves en ce moment et le soussigné vous en apportera un échantillon, de vive voix alors nous nous expliquerons sur ce qu’il y aura à faire ».

12 thermidor 11 (1 er août 1803)

C’est le début de la campagne de promotion : « la collection sera livrée dans un an, ceux qui souscriront avant cette époque pour 6 collections recevront la 6e gratis, en payant 6 L. le lai, nous les fournirons également avec des nuages peints à la main à 8 l. 10. » Le prix reste encore fixé au lé, dans la mesure où la manufacture ignore pour le moment le nombre de lés définitif. En revanche, en l’absence de nuages imprimés, les nuages seront peints au prix de deux livres et demi le lé, plus du tiers de la seule impression.

4 fructidor 11 (23 aôut 1803)

Mongin travaille à Rixheim.

14 fructidor 11 (2 septembre 1803)

Spörlin a conseillé à Zuber une esquisse en vue de la vente. A cette date, le 4e lé est en cours d’élaboration ; mais Jean Zuber ignore encore si l’ensemble fera 12 ou 16 lés : il envisage cependant une construction en deux tableaux en deux « jours »1422 différents. La livraison est envisagée pour mai-juin l’année suivante.

20 fructidor 11 (8 septembre 1803)

Jean Zuber conseille à Spörlin de ne pas montrer le nouveau produit à Mâcon « car je ne voudrais pas que Dufour en sache quelque chose avant que le tout paraîtra ». La concurrence est réelle entre les deux manufactures et Dufour n’est peut-être pas au courant que son confrère a débauché Mongin.

16 vendémiaire 12 (10 octobre 1803)

Mongin est de retour pour quelques semaines à Paris.

26 vendémiaire 12 (20 octobre 1803)

Jean Zuber confie à Landon, un de ses revendeurs à Paris, combien il a été satisfait du travail et de la compagnie de Mongin qu’il attend avec impatience : l’amitié qui caractérise les rapports des deux hommes est née.

24 brumaire 12 (18 novembre 1803)

« Je ne fais aucune réflexion sur votre nouvelle composition, nous en causerons à votre retour » déclare Jean Zuber à Mongin. La gravure du 3e lé commence mais la mise sur bois est difficile à cause de l’épaisseur de la couche de couleur.

30 brumaire 12 (24 novembre 1803)

Mongin doit être de retour à Rixheim pour le 12 frimaire.

Novembre 1803

Jean Zuber se plaint à Spörlin qu’il ne fasse pas mention de commandes de « paysages ». Au revendeur Dumas de Valence, il décrit de la sorte (et non sans forfanterie…) les Vues de Suisse : « Il y aura 16 lez, le tout est peint d’après nature et renferme des figures dans les costumes divers de la Suisse, le grouppe ci-joint peut vous donner une légère idée de la perfection dont cet ouvrage sera fait – le prix de chaque collection de 16 lez est de 80 L. si l’on souscrit d’ici le mois de floréal, pour 8 collections, on n’en paiera que 7 en recevant la marchandise ». A peu de choses près, nous avons l’offre qui sera désormais faite à la clientèle potentielle.

17 décembre 1803

Jean Zuber confie à Spörlin que « la composition de 8 derniers lez est de beaucoup supérieure à celle des premiers ; ils seront d’un effet harmonieux et grandiose, outre plusieurs grouppes des animaux sur le premier plan, il y a la belle maison bernoise – plus loin une scène d’épouvante causée par un ours qui descend la montagne1423 - le tout face au Staubach et un paysage du St Gothardt avec le pont du Diable, et tout au pied de cette montagne se trouve la belle procession du baptême. » La structure de l’ensemble est donc désormais fixée, ce qui a permis de définir le nombre de lés : alors que la première partie semble avoir été réalisée à partir de juxtapositions de scènes un peu pauvres rythmées par des arbres, on a ici affaire à une véritable composition, même si la zone montagneuse se révèle déséquilibrée ; et Mongin ne relie pas son dernier lé au premier, ce qui se révélera un vrai problème lors de la pose. Mais peu importe : le 26 frimaire, Jean Zuber assure un de ses correspondants que « c’est l’ouvrage le plus parfait, le décor le plus riche qui ait jamais été fait ».

2 janvier 1804

« Les 8 premiers lez seront bientôt gravés et M. Mongin finira les autres dans cinq à 6 semaines ». Jean Zuber ajoute « j’ai fait imprimer les prospectus » mais en allemand seulement, il songe à en faire une version française. Et il envisage une campagne de publicité dans la presse allemande : « j’engagerai aussi Leo à le faire insérer dans les journaux de l’Allemagne les plus accrédités1424 ».

7 février 1804

« Les paysages demeureront inconnus à Paris jusqu’à ce que l’été je les porte moi-même » : en fait la manufacture privilégie le marché allemand où à défaut de monopole, elle possède une large clientèle à cette date, alors qu’à Paris, la concurrence est plus dure et l’entreprise moins présente.

20 pluviôse an 12 (11 février 1804)

La manufacture ne peut rien envisager de neuf pendant quatre mois, les ouvriers étant tous concentrés sur l’achèvement du panoramique.

10 ventôse 12 (3 mars 1804)

90 panoramiques sont déjà commandés et les 80 restant de la première édition ne devraient pas poser de problème de vente : l’avantage du système de souscription est de permettre le financement d’un travail à la fois coûteux et de longue haleine. Une seconde impression est prévue en fin d’année à l’intention du marché français.

26 ventôse 12 (18 mars 1804)

« Mongin travaille après la cariatide, il faudra je crois que nous fassions cet encadrement de 2 jours, la dépense sera de 400 L. de plus ». La manufacture pense d’emblée à un système d’encadrement du panoramique par le biais de statues destinées, si nécessaire, à séparer les scènes1425.

15 germinal 12 (6 avril 1804)

La première exécution est quasiment vendue par souscription. A la même date, le manufacturier fait part à Spörlin de sa volonté de ne point faire de « croquis » du paysage pour des raisons de coût : de fait, il faudra attendre la généralisation de la lithographie dans les années 1820 pour abaisser le coût de ces reproductions que seul le cuivre rendait alors possible. Enfin, le manufacturier est inquiet de ne pas pouvoir tout livrer tant les commandes sont importantes : il faudra attendre jusqu’en septembre prochain.

23 germinal 12 (14 avril 1804)

‘« le prix de n/(otre) décor à vües de Suisse est de 160 L. la collection pour des particuliers. »’

6 floréal 12 (27 avril 1804)

Jean Zuber justifie auprès d’un client bordelais la réalisation de son panoramique non pas en grisaille mais en couleurs et déclare : « nous sommes bien persuadés qu’aucune autre fabrique ne l’imitera » tant à cause de l’investissement nécessaire : il ignore que Dufour est en train de marcher sur ses brisées, s’il ne l’y a pas précédé.

18 floréal 12 (9 mai 1804)

Jean Zuber déclare méditer « un autre ouvrage conséquent », sans doute l’Hindoustan qui apparaîtra sur le marché en 1807.

28 mai 1804

Première livraison des Vues de Suisse, 20 mois après le premier contact avec Mongin : par la suite, ce temps de réalisation sera plutôt un minimum. Certains exemplaires sont livrés avec des nuages peints.

13 prairial 12 (3 juin 1804)

50 collections sont déjà commandées sur une impression de 200.

3 messidor 12 (23 juin 1804)

Le prix de revient d’une pièce comportant les Vues de Suisse avec les cariatides se monte à 240 L. : le décor représente la moitié du prix du panoramique.

3 messidor 12 (23 juin 1804)

Premiers contacts avec la préfecture, sans doute en vue de l’exposition de 1806.

27 thermidor 12 (16 août 1804)

Le seconde impression « est exécutée dans les tons les plus harmonieux et en général mieux soignée que la 1e ».

L’interruption des copies de lettres le 13 août 1804 ne nous permet pas de suivre plus longuement les Vues de Suisse : mais, déjà apparaissent clairement quelques traits spécifiques à la conception, à la réalisation et à la commercialisation du panoramique. Le dessin a été l’objet de tâtonnements pour la première moitié, alors que la seconde donnera lieu à un croquis d’ensemble de façon à aboutir à une vraie composition tout en évitant l’effet de juxtaposition ; Mongin a travaillé à partir d’estampes combinées entre elles ; la mise sur bois et la gravure suivent le dessin, lé par lé, tout comme l’impression, le dessinateur surveillant l’ensemble des opérations. Un décor d’encadrement est réalisé de pair avec le panoramique. Ce dernier est d’abord vendu en Allemagne, un marché plus aisé que le marché parisien, sous la forme de souscription, pour éviter de peser sur la trésorerie de l’entreprise. La commercialisation passe par le biais d’un prospectus, mais pas encore d’une reproduction, trop coûteuse.

Pour l’essentiel, les autres panoramiques suivront les mêmes règles, la souscription mise à part : en dépit de sa relative nouveauté, le panoramique, résultat de tentatives déjà anciennes et héritier d’un métier parfaitement au point, ne pose pas de problèmes techniques particuliers à l’entreprise, en revanche il pèse lourdement en terme de capital investi.

Il faut cependant reconnaître que ce panoramique est loin d’être parfait. Un premier défaut saute aux yeux : les deux extrémités ne se raboutent pas, ce qui n’en simplifie pas la pose ; de plus, la présence de montagnes très élevées dans les trois seuls derniers lés déséquilibre l’ensemble. Pour y remédier, en 1938, alors que le panoramique reste en fabrication, la manufacture prévoit de raccorder le lé 4 au lé 13, ce qui supprimerait d’un coup les deux difficultés, mais la guerre empêchera la réalisation de ce projet1426. Mais plus encore, sans même parler des montagnes, il existe un problème d’échelle des personnages, beaucoup trop petits, ce qui les rend peu lisibles ; et ceux-ci sont très peu nombreux, nettement moins que dans les Sauvages du Pacifique. Dès le panoramique suivant, l’Hindoustan, Zuber et Mongin corrigeront tous ces défauts en multipliant les personnages, très colorés, plus grands, en équilibrant l’ensemble et en raboutant les extrémités.

Ces défauts n’empêchent pas que le panoramique, présenté à l’Exposition des produits de l’industrie à Paris en 1806, y soit remarqué : le jury déclare : « Zuber (…) a fait exécuter des paysages qui présentent des difficultés vaincues d’une manière utile à l’avancement de l’art ». Résultat, « le jury lui décerne une médaille d’argent de 2e classe1427 ».

Dès les premières tentatives de souscription, les Vues de Suisse se révèlent un succès1428 puisque la première souscription est close avant même l’impression et qu’une seconde rencontre le même succès. La première livraison se présente de la sorte :

  • - France 57 (dont 24 à Lyon, mais volontairement rien à ParisConformément à une stratégie commerciale qui nous échappa.)
  • - Allemagne 44 (dans la vallée du Rhin et à Hambourg)
  • - Suisse 9 (en Suisse alémanique)
  • - Italie 14
  • - Pays du Nord 18
  • - Espagne 2

Jusqu’en 1815, ce seront 1109 s qui seront vendues en neuf éditions successives qui varient de 50 à 200 exemplaires. Par la suite, le panoramique sera remis sur le métier neuf fois jusqu’en 1882 avant d’être réédité à nouveau des années 1930 à nos jours.

Ce seront les mêmes pays que pour la première livraison qui se partageront les 1109 collections, à l’exception d’un exemplaire qui parviendra en Pologne. La répartition se fait de la sorte :

France 6411/2 58 %
Allemagne 1191/2 11 %
Suisse 70 6 %
Italie 118 11%
Pays-Bas 85 8 %
Belgique 62 5,5 %
Danemark 10 1 %
Espagne 2 0,2 %
Pologne 1 0,1 %

La France domine largement le marché et plus encore Paris avec 1551/2, soit 14 % du total, suivi de Lyon, 107 (10 %), de Bordeaux, 62 (6 %) ; mais cette carte montre un vaste espace vide entre Seine et Garonne. En Allemagne, au lieu des centres de revente observés au XVIIIe siècle, le marché se concentre sur les villes rhénanes, à l’exception notable de Kassel où prospère Arnold (27 collections) ; Francfort (Nothnagel n’achète que 4 collections !) et Hambourg (16 collections) ont perdu leur primauté. En Italie, Milan tient désormais le haut du pavé avec 87 collections, 74 % des ventes italiennes et 8 % du total. Les Pays-Bas septentrionaux et méridionaux ont retrouvé leur dynamisme : 147 collections, 13,5 % des ventes. Les ventes suisses (6 %) se partagent entre les grands centres : Bâle, Genève et Zurich. Copenhague, de par sa situation portuaire, fournit sans doute la Suède où les Vues de Suisse sont nombreuses1430.

Il est frappant de constater qu’en dépit de l’intense concurrence sur la marché français et plus encore parisien, le marché s’y concentre désormais : le panoramique apparaît comme un produit de luxe parisien et s’y vend à l’intention sans doute d’un marché international.

La vente se poursuit dans les années suivant à un rythme moindre : au lieu d’une centaine par an, on passe jusqu’en 1823 (au-delà, notre documentation devient lacunaire) à 35. Mais le nombre de panoramiques disponible aussi bien à Rixheim que chez ses confrères s’accroît régulièrement, créant une concurrence intense.

Notes
1416.

Nouvel-Kammerer 1990 n° 52, 1804, n° 720-735, 16 lés, 1024 planches, colorié, 98 couleurs. Ill° 25.

1417.

Zuber 1895, p. 55.

1418.

Jacqué 2002, n° 45, p. 121-122.

1419.

MPP Z 99, du 18 mars au ! décembre 1802, Z 100, du 8 décembre 1802 au 13 août 1804.

1420.

Baumer-Müller 1990, p. 10-20 fait le point sur la question et donne une bibliographie de base.

1421.

Baumer-Müller 1991, p. 22-36.

1422.

On entend ici par jour le côté de l’ombre, ce qui conditionne la pose.

1423.

Une scène qui ne sera finalement pas retenue : il s’agit déjà de ne pas inquiéter le client potentiel. L’ours est toujours là dans le lointain, mais il ne provoque guère la panique, qui plus est, un chasseur veille…

1424.

Leo à Leipzig est à la fois marchand de papiers peints et éditeur d’une revue de décoration, voir supra.

1425.

Ce système est utilisé dans l’actuel hôtel de ville de Lenzburg (canton d’Aarau en Suisse).

1426.

Livre de gravure, MPP Z 182.

1427.

Exposition des produits de l’industrie française, p. 91.

1428.

La commercialisation de ce panoramique a fait l’objet jusqu’en 1815 d’une communication restée inédite de Philippe de Fabry en 1990 : « les marchands de papiers peints panoramiques », lors du colloque Décors et paysages de papier peint, Paris, 17 novembre 1990 (Documentation MPP).

1430.

Tunander 1984.