2.5.8. Le Paysage égyptien1490

Le 26 octobre 1819, Jean Zuber confie à son fils :

‘Voyons d’abord l’esquisse dont l’ami Mongin s’occupe maintenant avant de songer au sujet de jardin paysage qu’il propose. Il est une chose certaine (…) nous ne nous déciderons à faire un nouveau paysage qu’autant que nous trouverions à faire quelque chose d’extraordinaire et qui présentât un nouvel appas aux amateurs1491.’

A l’évidence, à la suite de l’Exposition de 1819, le marché est saturé et il semble que jamais on n’ait édité autant de panoramiques que dans ces années-là. Mongin semble déjà songer aux Jardins français qui ne verront le jour qu’en 1822. Le projet ne semble pas enthousiasmer le fabricant, peut-être parce que ce thème est très présent sur le marché et que, peut-être, le Parc français de Jacquemart est en cours de conception. Mongin, qui a eu entre les mains des volumes de la Description de l’ Égypte en cours de publication songe à un Paysage égyptien. La maquette grandeur nature de cinq lés, signée Mongin 1819 nous est parvenue1492 : devant des ruines antiques mais aussi une mosquée, des Égyptiens contemporains qui devisent calmement, à la manière des personnages de l’Hindoustan.

Jean Zuber n’apprécie pas le projet : il écrit à son fils le 5 janvier 1820 :

‘Nous avons reçu (…) l’ébauche de Mongin et nous trouvons qu’un paysage traité de la sorte remplirait bien à peu près nos vues quant à l’économie de l’exécution, mais nous doutons qu’il trouverait des acheteurs nombreux si l’on ne réussit à le rendre moins aride, il n’est pas assez riant et peut-être par trop baroque1493.’

Sans doute s’agit-il là d’une esquisse de petite taille. Le 5 juin 1820, Jean Zuber écrit plus diplomatiquement à Mongin :

‘Votre esquisse vient d’arriver et je m’empresse de vous dire que cette composition me plaît beaucoup et nous ne doutons pas qu’exécutée de la manière que vous indiquez, ce paysage ne remplira notre but. Elle renferme quelques détails qu’un goût sévère pourrait critiquer et sur lesquels nous nous entendrons bien facilement lorsque nous pourrons en raisonner de vive voix1494

Et Jean Zuber invite son ami à le rejoindre rapidement à Rixheim. Mais en fait, les deux hommes ne réussissent apparemment pas à s’entendre et le projet ne devait jamais aboutir. Rien ne nous indique précisément pourquoi : peut-être faut-il chercher la cause de cet échec dans le succès du panoramique de Velay, dessiné par Deltil, les Français en Égypte qui vient de sortir sur le marché ?

Pourtant les deux panoramiques diffèrent : celui de Deltil relève de l’héroïsme militaire, traité avec un dynamisme en rupture avec les autres créations de son époque, comme on l’a constaté. Mais son paysage n’a d’égyptien que la présence de tel ou tel élément de ruine hautement symbolique. Au contraire, Mongin emprunte à la Description de l’Égypte le temple de Denderah ensablé du plus grand réalisme1495 et comme le remarque Jean-Marie Humbert1496, il fait preuve d’une « composition audacieuse ». Mais cela n’a pas suffit à convaincre le manufacturier… Mongin reçoit en avril 1821 200 francs pour ses « esquisses égyptiennes »1497.

Notes
1490.

Nouvel-Kammerer n° 91, coloré.

1491.

MPP Z 80.

1492.

Coll° MPP. Nouvel-Kammerer-Kammerer 1990 n° 91, p. 70-71. Catalogue Egyptomania, Paris 1994, n° 187, p. 320.

1493.

MPP Z 80.

1494.

MPP Z 80.

1495.

Antiquités, volume IV, planche 4, 1809.

1496.

Catalogue Egyptomania, Paris 1994, n° 187, p. 320.

1497.

MPP Z 48.